… cheval de bataille de la diaspora africaine

La dimension historique de la controverse est très prisée par les mouvements anti franc CFA de la diaspora africaine qui en font l’étendard de leur contestation.

 

Polarisation de la polémique autour des aspects historiques

Les organisations de la diaspora africaine ont manifesté le 31 Août 2017 de 16h à 19h à Paris, devant l’ambassade du Sénégal sise au 14 avenue Robert Schumann, contre le FCFA qualifiée de “monnaie de servitude”. [1]

Les réactions vis-à-vis de la monnaie en France sont nombreuses et souvent ardentes. De nombreuses manifestations faisant suite à l’arrestation de Kemi Séba ont déjà eu lieu dans de nombreuses villes en France. « En France, on ne compte plus les articles critiques, […], les coups de gueule médiatiques contre le franc CFA. Paradoxalement, on s’intéresse peu à la parole des dirigeants africains qui l’ont en partage. Pourtant, en y prêtant attention, il apparaît qu’ils sont rares à militer pour une sortie unilatérale. » (Les Echos) [2]

Même si la controverse fait à l’heure actuelle majoritairement rage en France, elle reste cantonnée aux sphères politiques, diplomatiques et aux sorties des activistes. Pour M. Nubukpo, dans les pays Africains, une forte pression du peuple et des médias autour du Franc CFA est déjà présente. D’après lui, « le jour où la société civile française mettra dans son agenda la question du franc CFA, les lignes bougeront. Dès maintenant, ça “commence à infuser” ».

 

Une critique de cette orientation du débat

Cependant, d’autres acteurs tendent à penser que, si le franc CFA est critiqué, ce n’est que très marginalement pour sa dimension coloniale : M. Olivier VALLEE, économiste et consultant international spécialisé dans les affaires Africaines, indique la question de la symbolique et de l’historique post-colonial du problème réel :

 

«Question : Manifestations contre le franc CFA en 2017, de quoi cela est-il venu ?

Olivier Vallée : Je pense vraiment que c’est un épiphénomène, 90/95% de la population ne perçoit pas le franc CFA comme une monnaie post coloniale. Pour les pauvres c’est un moyen de compter, pour les riches c’est un moyen de transférer d’énormes fortunes grâce à la parité fixe. (Un moyen de transférer en France, en Suisse, où l’on souhaite en fait sans aucun problème). Je ne pense pas que ces manifestations même si elles ont été symboliquement assez fortes. Au Sénégal ils brûlaient des billets de franc CFA par exemple. Je ne pense pas qu’elles soient un reflet d’un rejet politique du franc CFA ou d’une prise de conscience anti franc CFA. Le président a relativement raison de dire que c’est un non problème ou un non évènement. »

Question : Pour vous il n’y a pas d’avis sur la question au sein des populations locales. Du coup pour vous les gens qui s’en plaignent qui sont-ils et pourquoi ils s’en plaignent ? Est-ce juste une question de gouvernance par rapport au statut colonial ?

Olivier Vallée : Je pense que s’il y a une vision du monde qui est largement partagée en Afrique c’est l’anti Occidentalisme. On ne peut pas vraiment parler de zone Franc, il y a en réalité deux ensembles et les relations entre les deux ensembles censés être complémentaires n’existent pas. Dans la mesure où la France incarne l’Occident, incarne la modernité, je verrais plutôt un rejet de la France et de ce qu’elle symbolise. Dans les années 60, il y avait ceux qui n’avaient jamais vu de locomotive, ce billet ne signifiait rien pour eux de la même façon qu’en France pour des gens de mon âge des billets avec un pont dessus ça a sûrement moins d’importance qu’avec Pascal ou Voltaire.

Question : Mais du coup de qui viendrait ce rejet ?

Olivier Vallée : Je pense surtout une partie jeune de la population. »

Entretien du 4/05/18 [E]

Cette critique de la vision de la diaspora est partagée par Kako Nubukpo. Ce dernier soutien d’ailleurs que la vision que la diaspora a de la zone franc est déphasée par rapport à la situation réelle des pays. La critique de la monnaie est en réalité une critique de la France et un ensemble de remontrances vis-à-vis du rôle du pays dans la colonisation.

« Quelqu’un qui a grandi en Afrique ne peut pas fonctionner comme quelqu’un qui a grandi dans la diaspora. […] Quand tu grandis en Afrique tu vois tout de suite la responsabilité des Africains dans le mal-développement de l’Afrique. Quelqu’un qui a grandi dans la diaspora vit l’Afrique comme le mythe du Paradis Perdu. Il a tendance à faire porter sur la France des responsabilités qui ne sont pas françaises. »

Kako Nubukpo, entretien du 16/04/18 [E]

Comme son collègue, Kako Nubukpo veut pousser le débat vers un front plus « économique » et attaquer la monnaie sur des particularités économiques qu’il considère néfastes.

 

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Bibliographie : 

[1] « Paris: Manifestation de la diaspora africaine contre le FCFA ». Ivoirebusiness.net, 2 septembre 2017. http://www.ivoirebusiness.net/articles/paris-manifestation-de-la-diaspora-africaine-contre-le-fcfa.

[2] « Le franc CFA, une discorde africaine : seule une minorité de dirigeants africains prétend en sortir – Les Echos », 16 février 2018. https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-179321-le-franc-cfa-une-discorde-africaine-seule-une-minorite-de-dirigeants-africains-pretend-en-sortir-2154303.php.

[E] Entretien réalisé en 2018 par les élèves de l’Ecole des Mines de Paris. http://controverses-minesparistech.fr/groupe7/wordpress/entretiens/