L’intensité de la controverse dans le temps

L’intérêt de la controverse autour du Franc CFA réside dans sa temporalité longue (la monnaie a aujourd’hui plus de 70 ans) qui a vu se succéder la période coloniale, le temps des indépendances et le développement économique irrégulier des deux dernières décennies. On se propose dans cette rubrique d’analyser rapidement les tendances d’intérêt pour le Franc CFA, notamment à partir des données brutes de Google Trends (2004-2018).

Evolution de l’intérêt pour le mot-clef “Franc CFA” entre 2004 et 2018 sur le moteur de recherche Google

Ce qu’on observe très bien ici, c’est une croissance régulière de l’intérêt des utilisateurs d’internet pour les questions relatives au Franc CFA depuis 2011. Le pic apparaissant en novembre 2011 fait suite à une rumeur de dévaluation du Franc CFA après la rencontre de concertation entre les gouverneurs respectifs de la BCEAO et de la BEAC. Cette rumeur est en réalité de reflet d’un départ à la hausse de l’euro face au dollar qui a commencé en 2010, et qui menaçait le pouvoir d’achat des ménages dans les pays appartenant à la zone Franc.

Les manifestations se sont faites plus récurrentes après 2015, avec un pic en 2017. Ce pic coïncide d’ailleurs avec un événement qui a eu une haute portée symbolique : le 19 août 2017, Kémi Séba, un activiste franco-béninois, a brûlé un billet de 5000 Francs CFA en marge d’une manifestation. Au delà de l’illégalité de l’acte, qui fait “disparaître” de la valeur du pays, c’est la polémique née autour de sa mise en garde-à-vue puis de son renvoi en France qui a eu le plus grand retentissement.

Cependant, il est à noter que certaines périodes antérieures n’ont pas du tout vu de montée des contestations. C’est le cas du début des années 60, où la parité fixe avec le Franc métropolitain profitait à la plupart des économies concernées, ou après la dévaluation de 1994, qui a permis, après une période d’instabilité économique de près de 15 ans, de restaurer une relative cohérence des prix des matières premières, et donc du pouvoir d’achat des populations.

En conclusion, la controverse autour du Franc CFA – bien que solidement ancrée aux questions symboliques de souveraineté et de l’héritage colonial – demeurent intimement liées à la conjoncture économique et à la balance entre avantages et inconvénients d’une monnaie forte et stable, en temps de boom économique ou lors des crises économiques. La dimension principale de la discussion consiste donc en le calcul des avantages conférés par une monnaie arrimée à l’euro, plus qu’en la dénonciation d’une ingérence monétaire comme héritage de la domination coloniale, même si cet argument est fréquemment avancé par les médias et fractions de la population hostiles au Franc CFA…