La controverse au sein du groupe des linguistes et pédagogues oppose aujourd'hui essentiellement deux groupes : d'un côté, les partisans des méthodes développées dans les années 1960, de l'autre, leurs récents adversaires. Ce mouvement d'opposition, d'abord disparate, s'est cristallisé à partir de 2004 ; sa visibilité s'est affirmée dans les média et a été accrue par quelques événements marquants.
La controverse est très active sur Internet, où chaque association dispose de son propre site et cherche à faire valoir ses positions. Les acteurs se répondent, parfois violemment, sur leurs forums respectifs, mais les arguments utilisés restent alors relativement simples, afin que tous puissent s'associer aux positions défendues. La télévision, qui a vu quelques débats tendus entre par exemple Messieurs Meirieu et Brighelli, n'est pas non plus le lieu du débat scientifique. Il importe enfin de souligner une controverse interne dans ce vaste mouvement : le grand mathématicien Laurent Lafforgue, membre du collectif pour la refondation de l'école, a démissionné du Haut Conseil de l'Education, après avoir rapproché les experts de l'éducation nationale des Khmers Rouges.
Il est à noter que l'opposition de ces deux groupes dépasse le simple cadre de l'apprentissage de la lecture, et concerne plus largement toutes les questions de pédagogie. Néanmoins, la lecture, considérée comme un point crucial, concentre les tensions, et appelle de part et d'autre des analyses plus précises et documentées. C'est d'ailleurs souvent le domaine de compétence initial des acteurs de ce groupe : ils ont très fréquemment une formation en lettres, linguistique ou grammaire et se sont ensuite tournés vers les recherches pédagogiques.
Il est frappant de constater que, au-delà du champ purement scientifique, les deux camps adverses avancent les mêmes arguments philosophiques pour justifier leur démarche : il faut avant tout, pour les uns comme pour les autres, assurer un enseignement démocratique et républicain.
Mais alors que pour les partisans des méthodes élaborées dans les années 1960, cela passe par la reconnaissance que l'enfant doit, sans passer par une phase de déchiffrage mécanique et inutilement abstraite, accéder plus immédiatement à la « compréhension », leurs contradicteurs font valoir que cette dernière vision relève de l'utopie et mène en pratique à l'échec, d'autant plus qu'elle serait appliquée dans un cadre social parfois difficile. Dans cette optique, il en résulterait une profonde inégalité, là même où l'on souhaitait instaurer un égal accès à la connaissance.