On regrette que les nouvelles molécules soient mises sur le marché très longtemps après que leur efficacité a été prouvée. Ici éclate un conflit qui oppose malades et laboratoires qui produisent les médicaments. À cela s’ajoutent des tensions sur les stocks de molécules, ou les capacités de production.
Les associations de malades – en France, Act Up et le collectif TRT-5
notamment – revendiquent la transparence en matière d’essais :
on reproche aux milieux médicaux de ne pas faire circuler l’information
concernant les campagnes d’essais et leurs résultats. On ne se
satisfait pas des politiques publiques d’information menées par l’ANRS,
qui tentent de les reléguer au rang de porte-parole afin de faire
accepter les tests par les patients. Les militants cherchent à
multiplier les sources d’informations, afin d’être capables d’intervenir
dans le débat public.
On reproche à certains chercheurs d’utiliser les malades participant à
des campagnes de tests comme des cobayes. Ils se sentent méprisés,
particulièrement dans des cas où des essais longs ne sont pas arrêtés
ou modifiés, alors que d’autres traitements ont fait leurs preuves entre
temps. En effet, il arrive souvent que l’on s’intéresse à une molécule
et que l’on ait montré avant même la fin de la campagne d’essais que
celle-ci est obsolète ; et pourtant la campagne n’est pas arrêtée.
Par exemple, le collectif TRT-5 a reproché lors de l’essai Saquinavir, mené par le laboratoire Roche et l’ANRS, le maintien de l’aveugle jusqu’à la fin du test. Cela signifie qu’on informe le patient des traitements qu’il a pris seulement quand la campagne a pris fin. Dans le cas de Saquinavir, compte tenu des difficultés de recrutement, certains patients ont dû attendre plusieurs mois après l’arrêt des prises de médicaments avant de savoir ce qu’il leur avait été administré. La réponse du docteur Jean-François Delfraissy, l’un des médecins qui a élaboré le protocole, à ces revendications : « Si les patients ne veulent pas attendre, alors il n’est pas nécessaire qu’ils participent à l’essai. » Cette attitude suscite de fortes réactions chez TRT-5 et Act Up qui appelle au boycott de l’essai.
D’autre part, dans certains pays où les médicaments ne sont pas
remboursés (Etats-Unis par exemple), on reproche aux essais rigides de
faire des patients des rats de laboratoire. En effet, ceux qui ne
peuvent s’offrir les traitements, et qui, de surcroît font partie des
populations les plus exposées (les cinq H notamment : "homosexuels,
haïtiens, héroïnomanes, hémophiles, hookers") participent très
souvent aux essais dans l’espoir de recevoir un traitement efficace.
Certains ont trouvé scandaleux de recevoir un placebo, et estiment
avoir été traités comme de la marchandise.
Des médecins, souvent des praticiens au contact des patients, mettent en lumière les dégâts humains qui résultent de l’obstination des protocoles d’essais rigides. Claire Katlama, infectiologue à la Pitié Salpêtrière dénonce « un purisme méthodologique pour obtenir des résultats déjà connus ». Les réponses apportées par les programmes de recherche ne correspondent pas toujours aux besoins sur le terrain.
À partir de 1990, on commence à mesurer avec plus de précision
l’efficacité des traitements car on a accès plus facilement à la charge
virale. En effet, en parallèle aux études sur de nouvelles molécules,
des études portées sur les mécanismes d’action du virus ont montré que
le virus s’attaquait aux CD4, qui jouent un rôle fondamental dans le
système immunologique (voir pré-requis scientifiques).
Le seul moyen pour éviter d’être totalement immunodéprimé est de
limiter l’invasion du système immunitaire par le virus. Il faut donc
chercher à limiter la charge virale.
On se rend rapidement compte que les meilleures solutions consistent à associer plusieurs molécules. Ce constat constitue un frein pour les essais rigides. En effet, l’association de plusieurs molécules est complètement exclue des essais rigides.
L’évolution de la médecine et de ses outils conduit à remettre en cause ces pratiques et à mettre en place une nouvelle méthode pour les essais : on teste dorénavant des combinaisons de molécules sur un temps court en retenant un unique critère, la charge virale.
Qui sont ces médecins qui ont œuvré pour l’assouplissement des
protocoles ? Il s’agit souvent d’anciens cliniciens qui se
sont opposés à la modernité thérapeutique et ses essais thérapeutiques.
Ils n’ont pas systématiquement participé aux programmes menés par
l’ANRS, ont parfois cherché des financements à l’étranger pour mener
des essais plus souples dès le début. C’est ce groupe d’indépendants,
restés discrets alors que les essais rigides avaient le vent en poupe,
qui reprend la main. Il s’agit d’un ensemble assez hétérogène, peu
fédéré.
Certains d’entre eux ont d’ailleurs des parcours atypiques, sans jamais de positions très tranchées ou durables. C’est le cas du docteur Daniel Vittecoq. Il s’est tenu à l’écart de l’ANRS, mais a joué un rôle capital dans les institutions étatiques de la modernité puisqu’il a été dans les hautes sphères de l’Agence du médicament. Il a été parmi les premiers à se positionner en faveur de la charge virale comme seul critère pertinent. Parallèlement à ceci, il a créé, dès 1985, Arcat-Sida, Association de recherche, de communication et d'action pour l'accès aux traitements. Cette association a pour but, entre autres de soutenir la recherche. (Voir association de patients) par sa participation au collectif TRT-5. Cette association tient notamment un registre qui recense l’ensemble des essais thérapeutiques réalisés en France, aussi bien par les institutions publics que les laboratoires.