Les pouvoirs publics n’ont pas saisi l’importance de se saisir d’un sujet aussi important que celui du SIDA dès son apparition. Il a fallu attendre l’affaire retentissante de la ciclosporine pour que l’Inserm se saisisse enfin du sujet et commence les recherches sur le virus à partir de 1986. La ciclosporine met en lumière la nécessité de créer des instances compétentes pour prendre en charge le problème. Le SIDA pointe les défaillances de l’Etat.
Dans les mois qui suivent de nombreux dispositifs sont mis en place à la fois pour l’information (avec les Centre d’Information sur le syndrome d’immunodéficience humaine), pour la recherche (Programme National de recherches sur le sida), et la distribution des traitements (Centre Interétablissements de traitement et de recherche anti-Sida de l’Assistance Publique de Paris). L’irruption de l’Etat dans la polémique soulevée par le sida a permis de guider et d’accompagner les évolutions médicales et thérapeutiques. Il permet ainsi d’éviter de trop nombreuses dérives, du charlatanisme aux tests effectués sur les patients sans l’aval scientifique complet. Légiférer et encadrer la recherche et les essais était donc une nécessité.
La Loi Huriet de 1984 est un premier pas : « Les essais thérapeutiques sont mis en place pour mesurer l'efficacité d'une molécule ou d'une combinaison de molécules, déterminer la toxicité éventuelle du produit, ses effets secondaires et définir la posologie adaptée. Les essais thérapeutiques obéissent à des règles définies par la loi Huriet, qui garantit la protection des personnes se prêtant à des recherches biomédicales. La loi ne relève pas le médecin de ses obligations déontologiques et juridiques. Elle impose d'obtenir l'avis d'un comité consultatif de protection des personnes. Elle impose surtout de fournir au patient une information particulièrement détaillée sur le traitement qu'il va recevoir. »
Cependant, devenir un acteur de la controverse à part entière n’est pas une mince affaire pour les états. Il faut à la fois tenir compte des avis des malades quant aux pistes de recherche, quant à leur volonté de tester de nouveaux traitements avant l’homologation longue et complexe à obtenir des médicaments. Il faut également composer avec les laboratoires qui souhaitent simplifier les procédures de mises sur le marché, effectuer leurs propres tests sans se soumettre nécessairement à des essais complémentaires, gérer leur stock et leur production de médicaments (ce qui leur permet d’en limiter la diffusion et de fixer les prix). Autant de paramètres à intégrer pour l’Etat dont l’image est véhiculée quotidiennement par la presse plus ou moins bienveillante. La conséquence de cette intrusion de l’Etat est la place centrale que ce dernier joue dans la recherche. Progressivement, les laboratoires se sont « désintéressés » de la question du sida pour laisser la place à l’Etat de réaliser la recherche des médicaments. C’est notamment le rôle de l’Agence Nationale de Recherche du Sida qui doit s’imposer comme référence national tout en se démarquant de son image trop associée à la lourdeur administrative et des procédures.
Cette coopération est d’autant plus complexe que l’ANRS et les institutions publiques soutiennent les procédures d’essais rigides longues et lourdes, là où les associations préfèrent des essais souples et rapides pour accélérer la mise sur le marché. Le rôle d’arbitre et d’intermédiaire de l’Etat est donc plus que jamais indispensable et exacerbé lors de chaque nouvelle molécule constituant un potentiel traitement (et donc espoir pour les malades).