Entretiens

Au cours de notre étude, nous avons été amenés à nous entretenir avec Guillaume Saint-Jacques, Bernard Castagnède et Jérôme Chartier. Voici le résultats de ces entretiens.

Guillaume Saint-Jacques (collaborateur de Piketty, Saez et Landais)

Bernard Castagnède (professeur à l'Université Paris I Panthéon-Sorbonne)

Jérôme Chartier (député UMP)

Entretien avec Guillaume Saint-Jacques :

Enquêteur: À propos site et du simulateur, vous estimez à quasiment un million de visiteurs, à quoi attribuez-vous, à quoi attribuez-vous un tel succès ?

Guillaume Saint-Jacques : Il y a vraiment plusieurs choses, il y a d’abord le succès du site internet. Ce qui fait qu’on a eu autant de visiteurs et de simulations, c’est qu’il y a vraiment une demande sociale pour ce genre de choses. Par conséquent, la presse s’est jetée dessus. Le jour où on a ouvert le simulateur, on a eu un lien vers la page d’accueil du Nouvel Observateur, du Monde, Dépêche AFP. En fait, là l’explication, c’est que ça a vraiment été lancé par la presse parce qu’il il y avait une demande, les gens voulaient ça et les journalistes évidemment voulaient ça aussi. Et c’est un peu la même chose qui explique le succès … alors pour moi un des critères de succès, je ne sais pas si vous connaissez l’émission Des paroles est des Actes sur France 2… Quasiment toutes les questions qui ont été posées par Lenglet, le journaliste économique étaient en fait des questions issues du simulateur. Quand il était confronté aux différents candidats à la présidentielle et posait des questions chiffrées, c’était quasiment toujours des questions issues du simulateur, ce qui montre bien qu’il y avait vraiment une demande, parce que les journalistes, pour qu’ils puissent faire leur travail, ils ont besoin d’avoir des chiffres. Et ils n’avaient pas accès à ça avant, ils n’avaient pas accès aux chiffres parce qu’il fallait qu’ils téléphonent au ministère, que le ministère ne leur répondait pas. De toute façon, le ministère ne répondait même pas aux députés et aux sénateurs, donc imaginez ce qu’ils font aux journalistes. Du coup il y avait vraiment une demande pour ça, et je pense que ça répondait vraiment à une demande de transparence et surtout de débats chiffrés puisque je crois que pour les questions fiscales on quand même beaucoup dans l’idéologie, on vous dit « Voilà, on diminue les impôts sur les riches de dix milliards » puis on les augmente de 40 millions et après on vous dit qu’on les a augmentés alors qu’il y a un delta considérable. C’est ce genre de choses en fait, je vous donne un exemple, ce n’est pas les  vrais chiffres que je viens de dire. Mais voilà, l’idée c’est qu’il y a vraiment besoin d’un débat chiffré. Donc le succès c’est d’abord que ça répond à une demande, à mon sens. Après disons il y a des façons de faire dans la mise en œuvre, là je pense que vous l’avez vu, mais c’est la première fois, au monde, qu’on a un simulateur en ligne, chiffré et qui n’est pas réservé aux spécialistes. Parce que ce qu’on fait c’est d’une part on met nos programmes Stata en ligne et ils sont accessibles à tous et puis d’autre part, n’importe quel citoyen lambda qui n’y connait rien en économie et rien à la micro simulation sur ordinateur peut aller sur le site internet, remplir deux-trois formulaires, cliquer et bon, avec PHP, il a directement des simulations précises qui lui sont livrées. Donc c’est ça, c’est le côté orienté web et orienté grand public, tout en gardant une exactitude scientifique, puisque, je ne sais pas si je vous l’ai déjà dit, mais quand vous cliquez sur un lien du site, ça part en back office et chaque simulation est faite sur une base de données de 800 000 observations…

Enquêteur : Qui sont générées aléatoirement ?

Guillaume Saint-Jacques : Non, c'est-à-dire que la base qu’on utilise à l’origine, ce n’est pas généré aléatoirement à la volée à chaque fois qu’on fait une simulation, c’est juste que, la base qu’on utilise en fait, elle est pseudo-aléatoire, en un sens, simplement parce qu’il faut respecter un secret fiscal, donc vous ne pouvez pas utiliser des vrais noms et des vraies personnes. Mais elle a toutes les bonnes propriétés statistiques pour faire des estimations qui sont parfaitement correctes. Donc c’est juste qu’on n’utilise pas directement les bases du ministère des finances, parce que ce ne serait pas légal, et ce ne serait pas bien. Mais quantitativement c’est la même chose, ce sont juste des distributions qui sont reconstruites. Donc ce n’est pas vraiment aléatoire, c’est des lois qui sont simulées.

Enquêteur : J’ai découvert l’existence d’un site qui s’appelle « Chiffrage – déchiffrage »  (http://www.chiffrages-dechiffrages2012.fr), qui ressemble un peu à votre simulateur, qui a été fait par l’institut Montaigne pour la présidentielle de 2012. Ca répond aussi un peu à cette demande, je ne sais pas si vous en avez entendu parler ?

Guillaume Saint-Jacques  : Est-ce qu’ils on un simulateur interactif ?

FP : Non, ils évaluent simplement chaque mesure proposée par les candidats.

Guillaume Saint-Jacques  : D’accord, donc voilà, je pense que ça correspond un peu aussi à la même chose, c'est-à-dire qu’il y a vraiment, quand on dit « On va créer des postes de fonctionnaires », « on va en supprimer », « on va faire cela… », c’est bien de voir le chiffrage. Et je crois vraiment que c’est notre site qui a lancé ça, c’est-à-dire que ça ne se faisait pas du tout avant. Regardez les débats publics des années précédentes, il y avait très peu… les milliards, les gens ne savaient pas ce que c’était, ils n’en parlaient pas… Voilà, c’est un peu quelque chose qu’on a lancé, et je pense que c’est ça, justement j’en parlais avec Thomas Piketty hier, et voilà, un des succès, c’est ça, c’est qu’on a un peu lancé la mode du chiffrage et puis l’autre succès c’est quand même qu’évidemment, les propositions ont été reprises en grande partie par François Hollande. L’idée de base c’était de forcer les gens à prendre position parce que les données étaient accessibles à tous, c’était de retirer aux hommes politiques l’argument de dire, mais c’est compliqué d’avoir des données chiffrées, je ne vous réponds pas tout de suite. Alors, évidemment, ça reste compliqué de faire en sorte que le gens soient obligés de prendre position sur des vraies questions chiffrées, parce que c’est ça qui est important. L’idée c’est aussi qu’en politique, si vous ne prenez pas un engagement chiffré, vous pouvez toujours tout remettre aux calendes. Une fois que vous avez dit « je vais créer ça, je considère que ça va coûter tant et ce budget va être alloué dans la prochaine loi de finance », directement, votre engagement est beaucoup plus tangible.

Enquêteur : Et justement, lorsque vous dîtes que c’est ouvert au grand public, c’est destiné au grand public, aux hommes politiques et aux journalistes, je pense non seulement au simulateur mais aussi au livre, il doit y avoir une différence entre ce que vous utilisez là et ce qui est réservé plutôt aux économistes.

Guillaume Saint-Jacques : Alors c’est les mêmes données exactement, exactement les mêmes programmes, donc vous avez exactement les mêmes résultats à une petite différence près, c’est que pour des raison de temps de calcul, on ne peut pas simuler en direct les réactions comportementales à l’impôt, c'est-à-dire que typiquement, si vous mettez tous les impôts à 100% et que vous cliquez sur simuler, d’un point vue économique, vous devriez avoir 0, parce que si vous taxez les gens à 100%, ils ne vont plus travailler. Là vous n’avez pas ça, donc la seule petite différence, et c’est une question de temps de calcul, et vraiment tant qu’on reste sur des impôts qui ne dépassent pas 60%, c’est une différence qui est minime, c’est qu’on ne simule pas en direct les réactions comportementales, c'est-à-dire, est-ce que les gens vont travailler plus ou moins, ça on ne fait pas. En revanche, tout le reste, c’est simulé. Disons, le trait d’œuvre qu’on a fait là-dessus, c’est que si vous mettez un taux marginal d’imposition supérieur à 70% quelque part dans votre simulation, on vous dit « Attention, vous risquez d’induire des réactions comportementales », on vous prévient que c’est un risque. Mais ça n’est pas simulé Sinon, pour tout le reste, c’est exactement les mêmes programmes qui tournent sur un serveur, en arrière plan, avec les mêmes données. Vraiment, on essaye de donner au grand public à la fois la facilité d’utilisation et en même temps un chiffrage qui est le plus accessible possible et la raison, si vous voulez, c’est qu’en fait, on dit grand public mais beaucoup des utilisateurs de ce site sont des sénateurs, la commission des finances, des journalistes, donc il faut quand même qu’ils aient quelques chose qui soit un petit peu fiable.

Enquêteur : Justement quand vous dîtes que vous ne prenez pas en compte les réactions comportementales, on a eu un entretien avec Bernard Castagnède, qui est codirecteur de la revue Année Fiscale, notamment, et qui disait que justement, le problème c’est que lorsque les économistes proposent ce genre de réformes, ils ne tiennent pas compte de la réaction du contribuable, notamment l’exil fiscal, ni des contraintes législatives. Il dit donc, que lorsque que l’on fait une réforme, il y a tellement de paramètres que les réformes proposées par les économistes perdent un peu de leur valeur.

Guillaume Saint-Jacques : Déjà, sur les contraintes législatives, je ne vois pas trop … ce que nous proposons, c’est tout à fait possible au niveau législatif, ça demande évidemment de modifier la loi, mais c’est le principe de toute réforme : c’est qu’à un moment on modifie soit la loi, soit un règlement. En revanche, pour le fait que les gens ne prennent pas assez les réactions comportementales, dans notre cas, cela ne s’applique pas non plus, puisqu’à la fois les résultats présentés dans le livre, les programmes intégraux mis à disposition en téléchargement sur le site prennent en compte les réactions comportementales en les simulant le mieux possible, c’est-à-dire avec les données économétriques qu’on a sur ce type de comportement, on a les élasticités qui sont évaluées empiriquement, et donc on a une idée, évidemment c’est une estimation, de la simulation, mais on a une idée de, si vous augmentez l’impôt marginal de telle personne de tant de pourcents, vous vous attendez à ce qu’elle diminue ou qu’elle augmente son offre de travail de tant. Ca c’est l’élasticité, et on les a, et c’est à partir de ça que l’on travaille. Donc je crois que ce n’est vraiment pas vrai, et dans le cas de notre projet, on prend vraiment en compte les réactions comportementales. Ca c’est sûr.

Enquêteur : Pensez-vous que l’exil fiscal a une incidence sur l’efficacité d’une réforme ?

Guillaume Saint-Jacques  : Ce qu’on pense, d’après les estimations que nous avons – évidemment si vous mettez 100%, 80% de taux d’imposition ça fait très mal, mais sinon l’exil fiscal est pas vraiment énorme et surtout qu’en plus, l’intérêt d’un simulateur, c’est qu’on peut voir si éventuellement, il est compensé, parce que là, dans la réforme qu’on propose, certes, on augmente les impôts sur les gens qui gagnent plus d’un million par an, mais on diminue considérablement les impôts sur les autres, sur toutes ces classes moyennes qui sont à 2000-3000€ par mois et qui, elles pour le coup, payent beaucoup moins d’impôts, et vont sans doute travailler et produire plus. Et par conséquent, bien sûr qu’il y a un exil fiscal, mais déjà il n’est pas dans les proportions qui sont parfois annoncées par certaines personnes qui ont plus une approche idéologique, il me semble, qu’une approche empirique et chiffrée, et en plus de ça, il y a un exil fiscal mais qui peut être largement compensé par des côtés positifs sur l’offre de travail des femmes, c’est ce qu’on explique dans le livre, puisque vous savez qu’aujourd’hui, avec le système du quotient familial les femmes payent beaucoup plus d’impôts qu’elles ne le devraient et par conséquent elles travaillent sans doute moins qu’elles pourraient et qu’elles le voudraient s’il n’y avait pas une telle distorsion au niveau des impôts. Donc voilà : il y a un exil fiscal, mais il faut le relativiser, et en plus de ça, il faut bien se rendre compte qu’il y a aussi des côtés positifs dans le bas de la redistribution des revenus et certes, le top 0.1% travaille un peu moins et gagne un peu moins d’argent, le bas de la distribution, lui, travaillera plus et gagnera plus d’argent. En plus de ça, après ce sont des considérations idéologiques, mais sur le tout haut de la distribution on peut vraiment vous demander à quel point c’est sensible à l’impôt. Une des raisons pour lesquelles on dit « il ne faut pas trop taxer les très hauts revenus », c’est qu’on dit «  ce sont des gens extrêmement productifs, extrêmement brillants, et par conséquent si on les taxe, ils vont travailler moins et l’économie va perdre ». Ca c’est une question un peu séparée de l’exil fiscal, l’exil fiscal c’est qu’ils partent, mais ça il y a quand même des lois qui l’empêchent a priori, il y a aussi l’autre réaction : ils vont travailler moins. Or si vous regardez les très grands revenus, les très grandes fortunes, ce sont des gens dont la fortune augmente plus lorsqu’ils ont pris leur retraite, simplement ce sont des revenus du capital qui s’accumulent. Regardez Bill Gates, par exemple, et c’est ce qu’explique Thomas Piketty, sa fortune augmente depuis qu’il ne travaille plus. Indépendamment de ça, avec le simulateur, on n’a pas voulu trop prendre position là-dessus mais laisser aux gens le choix d’estimer ces questions-là eux-mêmes, c’est pour ça qu’on essaie de donner aux gens des chiffres, qui soient les plus fiables possibles, et après les laisser faire leurs choix de société. Puisque est-ce qu’on taxe les riches ou pas, comment on taxe les successions, toutes ces questions là c’est aussi des questions de sociétés, c’est des vrais choix de modèles sociaux et de modèles redistributifs, là-dessus, ça dépasse un peu la question technique de l’exil fiscal. Là-dessus, il faut bien séparer le livre qui fait des propositions concrètes et le simulateur qu’on met en ligne et qui pour le coup a vocation d’être utilisé par tout le monde, y compris par la droite, même la droite ultralibérale, puisqu’on propose même de simuler une flat-taxe, on ne peut pas faire plus libéral que la flat-taxe.

Enquêteur : Come vous le disiez, à propos de ces questions d’idéologie, le simulateur est un peu désincarné à ce niveau-là : vous ne pensez pas qu’il y ait la moindre influence d’une certaine idéologie sur les résultats du simulateur ?

Guillaume Saint-Jacques : Il y a deux choses évidemment : sur les résultats, je ne pense pas. C’est-à-dire sur les résultats chiffrés, quand on vous dit la masse fiscale va augmenter de tant, les recettes fiscales vont augmenter de tant, ça non. En revanche, il y a toujours un parti pris, vous devez le savoir : dans la façon dont on présente les données. Evidemment, ce qui nous a été reproché par certaines personnes, c’est de mettre trop de poids sur les très hauts revenus, dans les échelles qu’on met dans les graphiques, c’est-à-dire qu’on a une échelle qui est très dilatée sur le haut des revenus. C’est-à-dire que le top 1% dans le graphique prend beaucoup plus de place en largeur qu’un pourcent de la largeur en abscisse. La raison, c’est que ces gens-là concentrent une part très élevée du revenu national, par conséquent c’est important de regarder, parce que c’est là que se passent beaucoup de choses et l’argument qu’on peut donner à ça, c’est qu’avant la révolution française, les gens disaient déjà « Mais vous savez, la noblesse c’est que 2% de la population, c’est pas la peine d’exciter la jalousie sur 2% de la population ». Or on s’est bien rendu compte qu’en abolissant les privilèges, que toute cette richesse qui était concentrée tout en haut, c’était vraiment considérable. Et donc, c’est vraiment ça : oui, effectivement, on fait le choix de ne pas avoir d’abscisses linéaires sur nos graphiques, et donc on peut dire c’est idéologique, ceci dit, il y a une légende et les gens peuvent lire la légende et se rendre compte qu’on présente les données sans mentir là-dessus, sans tricher. Mais bon, c’est contrebalancé par le fait que, et c’est ce qu’on explique dans le livre aussi, le haut de la redistribution est très important économiquement, ne serait-ce qu’en terme de masse fiscale. Par exemple, aux Etats-Unis, sur les trente dernières années, la part du revenu national qui s’est déplacée vers le haut de la distribution est de 15%, c’est considérable en terme économique. Ca, vous ne le voyez pas dans un graphique si vous n’ajustez pas l’échelle en abscisse. Il y a vraiment deux points à la réponse : pour l’exactitude des chiffres, non, il n’y a vraiment rien d’idéologique. Pour la façon de le présenter, mais ça évidemment, c’est une façon de le présenter, il y a des choses sur lesquelles on attire l’attention. Ca c’est sûr. Ceci dit, c’est aussi un souci de cohérence intellectuelle, parce que quand vous dîtes on fait un barème qui monte à 60% pour les plus d’un million d’euros par an, si vous ne voyez même pas ces gens là sur le graphique tellement ils sont petits… Voilà, c’est une question de cohérence aussi.

Enquêteur : A propos du simulateur, pensez-vous qu’il y ait des points qui puissent être améliorés ?

Guillaume Saint-Jacques  : Il y a plusieurs choses, mais là, on va y travailler. Déjà, on est pour l’instant sur des données qui seront bientôt caduques, puisque forcément les années fiscales augmentent, les législations fiscales changent d’une année sur l’autre et par conséquent il faut les mettre à jour. Il va y avoir un besoin de mise à jour qui va se poser d’ici un an, quelque chose comme ça, rapidement. Ca, ça va être pris sans doute plus par moi mais par l’institut des politiques publiques, institut qui a été créé pour ça justement. Evidemment, pour que ce soit utile, il faut que ça soit maintenu à jour et ça coûte de l’argent, ça demande des ressources. À titre personnel, je fais autre chose désormais et je n’aurai pas le temps de m’occuper de ça. Dans les limites, et c’est surtout ce que je vous ai dit, il y a cet aspect réactions comportementales et puis il y a le fait, mais ce fut un choix de notre part : nous nous concentrons surtout sur la fiscalité à l’échelle nationale. Or, comme vous le savez peut-être, une des fiscalités les plus inégalitaires aujourd’hui, disons les plus contestées, c’est la fiscalité locale : toutes les taxes imposées par les collectivités locales, territoriales. D’ailleurs c’est marrant parce qu’on a reçu sur le forum du site, sur notre adresse mail, plein de questions disant « Mais c’est très bien ce que vous faîtes, mais vous ne parlez pas de la fiscalité locale ». C’était un choix pour nous, par ce que pour les présidentielles, ce n’était pas vraiment le sujet du jour. Voilà une extension qui serait très intéressante : prendre en compte cette fiscalité, mais cela représente énormément de travail puisque chaque fiscalité locale est différente, donc là il faut vraiment embaucher beaucoup de gens pour faire ça.

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Entretien Bernard Castagnède :

Q : Êtes-vous d’accord sur le fait qu’il faut réformer ?

R : Il faut certainement toujours réformer. La réforme fiscale c’est un exercice permanent. Ce qu’il faut sans doute constater à priori c’est que ce n’est pas la fiscalité qui va changer la société en générale. C’est quand on va changer la société que cela ce traduit par des réformes fiscales importantes. Bon, ce n’est pas la réforme fiscale qui a fait la révolution française, c’est la révolution française qui a fait la grande réforme fiscale des années 1793 ect, voyez bon. La fiscalité reflète souvent l’état d’une société. Le plus souvent la résultante de certaines caractéristiques de la société plus qu’elle ne modifie fondamentalement ces caractéristiques. Maintenant ca n’empêche pas que l’on puisse observer un système fiscal existant, voir que compte tenu des caractéristiques économiques et sociales du moment il y a quand même des choses à revoir et que ceci conduise à faire des propositions en terme de politique fiscale, voilà. Mais disons que ce n’est pas la fiscalité qui va être l’instrument majeur de transformation sociale. Elle peut seulement accompagner une évolution sociale, traduire une évolution sociale, corriger peut être mais c’est pas le moteur essentiel, si vous voulez.

Q : Par exemple sur un point précis comme le mariage, le pacs, est-ce que vous pensez que les avantages fiscaux à être pacsé amène un certain type de vie ?

R : Si vous voulez votre observation rejoins directement ce que je viens de vous dire. C’est parce qu’on a eu une évolution de la société qui a fait que finalement les gens ont pu s’organiser entre eux en dehors du mariage et imaginer de se pacser, d’ailleurs soit entre personne de sexe différent soit du même, qu’on a eu une évolution de la fiscalité qui est venu traduire cette évolution sociale. Alors elle n’est peut être pas encore tout à fait aboutie. Mais, là sur ce point précis, la fiscalité de la famille en quelque sorte, la fiscalité du foyer en tout cas, en France, a changé au fur et à mesure de l’évolution sociale. IL faut savoir qu’il y a encore 25 ans vous aviez en France un chef de famille en matière fiscale, qui était le mari qui faisait la déclaration. Vous avez eu ensuite la déclaration conjointe des époux. Et vous avez eu ensuite un traitement fiscal des pacsés qui a assez largement rejoint le traitement fiscal des gens mariés ect. Même s’il y a encore sans doute des améliorations à apporter sur tout ca. Mais la dessus on voit bien que la fiscalité suit l’évolution sociale et ne la précède pas.

Q : ET aujourd’hui vous pensez que c’est encore légitime avec les structures familiales assez complexes que le fisc se préoccupe de savoir sous un même toit si les gens sont pacsés ou pas ?

R : Il faut quand même des bases juridiques. L’administration en France aime bien des cadres juridiques assez précis. Alors quand vous avez le cadre du mariage, c’est le cadre juridique de la fiscalité du mariage. Ensuite vous avez le cadre du système pacse, c’est un cadre juridique aussi. Mais si vous n’êtes ni marié ni pacsé, vous êtes dans la situation ou on va avoir normalement des impositions séparées en impôt sur le revenu. En revanche si vous n’êtes ni mariés ni pacsés mais que vous vivez ensemble, on va cumuler votre fortune pour l’impôt de solidarité sur la fortune. En ISF, le concubinage donne les mêmes résultats fiscaux que le mariage. C'est-à-dire qu’on va taxer les biens des concubins pris ensemble.

Q : ET ça ne devrait pas se généraliser ca ?

R : Peut être oui. Ca peut être une proposition. Maintenant, est-ce que c’est un bon calcul pour l’intéressé ?  Pas forcément parce que l’imposition séparée, elle n’est pas toujours plus avantageuse que l’imposition conjointe. D’ailleurs vous avez des pays ou les gens ont l choix entre faire une déclaration individuelle ou une déclaration jointe. Alors ça ça serait peut être une formule intéressante. C’est l’option finalement.

Q : Beaucoup de détracteurs au système actuel disent que par exemple un homme qui a un salaire élevé a plus d’avantage à se marier ou se pacser avec une femme qui a un salaire moins élevé. Ils seront gagnants. Enfin le mari sera gagnant…

R : IL y toujours des gens qui font des calculs sur les aspects fiscaux de leur engagement personnel. Enfin bon ça c’est… c'est-à-dire je… il y en a qui peuvent se marier pour des raisons fiscales mais enfin la plupart se marient pour d’autres raisons quand même. Heureusement bon, mais, voilà. Simplement là sur ce terrain on voit qu’il y a eu une évolution de la fiscalité qui a suivit l’évolution sociale. Alors on peut allez plus loin, on peut allez plus loin…

Q : C’est aussi le cas avec la réforme, que certains envisagent du quotient familial ?

R : Alors ca c’est autre chose. C’est à l’ordre du jour depuis hier. Bon, on a dans le système fiscal français actuel une fiscalité de l’impôt sur le revenu. Ca ne concerne que l’impôt sur le revenu. Qui est hérité des démocrates chrétiens qui étaient largement majoritaires à la fin de la seconde guerre mondiale. C’est à se moment là que l’on a eu cette politique fiscale favorable à la famille. Parce qu’on avait un parti politique très important qui était attaché à ces valeurs familiales. C’était le courant démocrate chrétien, pas seulement en France d’ailleurs. Et donc on a un système de calcul de l’impôt sur le revenu qui est évidemment favorable aux familles nombreuses à travers ce quotient familial, qui est  quand même, ne l’oublions pas, plafonné. C'est-à-dire que l’avantage fiscal procuré par la demi part supplémentaire que donne droit un enfant, cet avantage est plafonné. Donc c’est un système qui avantage les familles et surtout les familles pour lesquelles les revenus sont élevés, dans la limite quand même du plafond. Bon alors, c’est vrai que le système est certainement un peu plus favorable aux hauts revenus qu’aux faibles revenus. C'est-à-dire aux familles nombreuses avec des revenus élevés que soit aux familles pas nombreuses, soit aux familles nombreuses avec des faibles revenus. Donc on entend ces jours ci des propositions de remise en cause, peut être partielles de ce quotient familial. Bon, la CSG, qui est le principal impôt sur le revenu en France, qui apporte plus que l’impôt progressif ne tient pas compte des charges de familles. C’est un impôt individuel. Vous gagnez tant, vous payez tant. L’idée qui a été mise en avant-hier matin, c’était de remplacer le quotient familial par un crédit d’impôt. Alors, si vous voulez,  c’est une réforme qui vise à faire en sorte que l’avantage fiscal ne soit pas plus avantageux pour les titulaires de revenus élevé, c’est toujours le cas avec les mécanismes de type déduction fiscale ou quotient familial, mais soit égalisé, crédit d’impôt de tant par enfant. Donc là on aurait une politique familiale qui serait plus égalitaire/ Simplement, quand vous proposez ce type de réforme fiscale, il faut faire, bien évidemment très attention, parce que  vous risquez d’avoir un effet défavorable sur un nombre important de foyers si vous avez pas bien fait vos calculs à l’avance. C’est pourquoi hier on a eu la petite machine arrière quand même, parce que certainement que quelques fiscalistes ont fait tourner leurs machines, et ont dits : attention soyons prudents… bon voilà. Donc le système français est favorable à la famille à travers cette mécanique du quotient familial mais aussi à travers l’allocation familiale. Les familles nombreuses ont des affectations de moyens qui sont les allocations familiales et qui ne sont pour l’instant pas liées à l’importance des revenus. Donc e qui peut être  en effet pour certains discutable, c’est la superposition d’allocations familiales qui ne sont pas allouées en fonction de l’importance des revenus. SI madame Bettancourt a beaucoup d’enfants, elle aura autant d’allocations familiales que quelqu’un qui est au chômage. La superposition de ceci plus du quotient familial. Alors l’un plus l’autre, peu être qu’en effet, ca peut amener certains à considérer que le système n’est pas absolument juste.

Q : Vous n’avez pas d’avis tranché ?

R : Là dessus ?  ……. Euh… Je pense de manière générale que la France ne va plus longtemps être en mesure d’assurer  ce qu’on appelle le modèle français de protection sociale, c'est-à-dire un dispositif de dépenses sociales en constante progression, qui place la France au premier rang dans le monde pour la dépense sociale. Mais on ne va plus être en mesure de le financer cela. IL va falloir non seulement modifier le mode de financement de la protection sociale, mais sans doute revoir certains éléments du modèle social français. Vous avez en France à l’heure actuelle quelque chose comme 22 ou 23% du produit intérieur brut qui est prélevé pour le financement de la protection sociale, et ça ne suffit pas puisqu’il y a é points et demi, enfin puisqu’il y a au-delà un déficit… Donc on ne va pas pouvoir financer tout cela, il va falloir faire des choix et les choix ils sont entre quels éléments ? Ils sont entre l’assurance maladie hospitalisation, c’est  dire l’élément social qui est la santé, si vous voulez. Et les remboursements des frais médicaux d’hospitalisation qui sont en augmentation constante de par  la démographie, de par le progrès technique, de part la fréquentation de plus en plus importante des médecins ect. Choisir entre ça, les retraites. Je laisse de côté le chômage en espérant qu’il y en aura moins donc là peut être par un mouvement naturel de l’économie, ca coutera un peu moins cher. Les retraites on sait bien que ça va augmenter parce que la courbe démographique est dans ce sens. ET la politique pour la famille. On peut envisager qu’effectivement, une des cibles, finalement les plus acceptable, ce serait quelque chose qui viendrait atténuer quelque peu le coût de la politique familiale, qui actuellement en plus repose très largement sur le facteur de production travail salarié.  C’est l’ursaf vous comprenez. Les entreprises finances à partir de la masse salariale versée, les allocations familiales  compis de personnes qui ont des  revenus élevés, qui ne sont pas des revenus salariaux. Bon, donc il y a effectivement quelque chose à faire sur le secteur dela poitique familiale.

Q : Mais la marge de maneuvre est pas énorme

R : Dans ces choses là il faut toujours avancer prudemment, par petites retouches. Alors par exemple pour l’instant on a le quotient familial plafonné, une chose simple qui peut être faite, c’est de jouer sur le plafond, ça c’st toujours faisable dans la loi de finance rectificative de fin d’année mais sans en parler avant …surtout pas faire ce qui a été fait hier par un candidat. Je supprime le quotient famila, non, il ne faut pas faire ça !

Q : Parce que quand même tout est lié, la  politique familiale, ca encourage la natalité, après pour les retraites…

R : Ca encourage la natalité, pas vraiment. Parce que l’encouragement à la natalité vraiment, il n’existe par le système fiscal ou plutôt par le système d’allocations familiales que pour les titulaires de revenus faibles ou moyens. Pour les titulaires de revenus élevés, ils ne vont pas avoir un enfant de plus ou de moins parce qu’ils ont un peu plus d’allocations familiales ou... non ! Il faut une politique familiale bien sure ! Simplement à u moment donné, il faut faire des choix. Et actuellement en France, on est à l’heure des choix. Alors on continue à pousser aussi fort sur les avantages à la famille même lorsqu’ils n’ont pas par eux même d’effet démographique, parce que ça va concerner les titulaires de revenus très élevés. OU bien on essaie d’ajuster un petit peu pour préserver d’autres éléments de la protection sociale tes que la couverture maladie.

Q : Et une augmentation de la pression fiscale ?

R : Alors l’augmentation de la pression fiscale, elle est inévitable, elle est même programmée, on a programmé de revenir à 45%. On a programmé le retour à 45%, la où il y a 5 ans, on pensait qu’il fallait baisser. Le problème, il n’est pas vraiment dans le niveau de la pression fiscale. On le voit bien aujourd’hui, il y enfin une prise de conscience d’une réalité économique et financière. Le problème il est dans le rapport entre les recettes et les dépenses. Vous pouvez avoir parfaitement une pression fiscale à 41% si avec 41% de pression fiscale vous financez vos dépenses. Bon, mais simplement en France, si on veut conserver assez largement parce qu’on ne peut pas le conserver totalement le modèle social, on sait bien que maintenant, il va falloir monter les impôts. Il va falloir amener le niveau des recettes fiscales au niveau des dépenses ou à peu près. ET les solutions qui sont mises en avant en ce moment, qui consistent à dire on remonte la fiscalité. Bon très bien, on baisse les dépenses. Mais on baisse les dépenses de qui ? On baisse les dépenses de l’état qui est déjà sans moyens.

Q : Vous dites dans votre livre que les frais de fonctionnement de l’état sont inférieurs à ceux du royaume uni.

R : Oui, mais regarder la dernière loi de finance, qu’est ce qu’on nous dit ? Les dépenses de l’état pour la première fois dans l’histoire budgétaire française, le premier ministre s’en glorifie, baissent. L’état en euros courant, l’état va dépenser en 2012 moins qu’en 2011. Mais pour les administrations de sécurité sociale, on annonce une augmentation de 2,5% alors que l’augmentation du PIB sera au mieux de 0,5. Donc on continue d’augmenter la dépense sociale, qui est déjà la plus élevée du monde, qu’on n’arrive pas à maitriser, et en dépit d’un prélèvement fiscal monstrueux, 23% du PIB, enfin ça n’existe nulle part ailleurs ! Ca ne suit pas puisqu’il faut encore financer par le déficit, c'est-à-dire par l’endettement. Donc augmenter la pression fiscale on n’a pas le choix, le vrai problème étant d’amener le niveau de pression fiscale à l’étiage qui permet de ne plus avoir de déficit public ou peu y compris en incluant les dépenses des administrations de sécurité sociales.

Q : Quand vous dites qu’il faudra de toute façon augmenter la pression fiscale, pensez vous qu’il faut envisager un système plus progressif ?

R : Quand vous parlez progressivité, vous parlez impôt sur le revenu. Il y a une heureuse conjugaison en e moment entre l’objectif de justice fiscale que vous évoquez et les impératifs économiques. IL s’agit aujourd’hui de trouver davantage de recettes fiscales sans provoquer de ralentissement de l’économie. C'est-à-dire sans affecter la demande de consommation. La logique va consister à taxer davantage les contribuables qui ont une forte propension à épargner. Les gens qui ont suffisamment de revenus pour épargner confortablement, si on les taxes un peu plus ils ne vont pas modérer leurs dépenses de consommation pour autant. Ils vont simplement un petit peu moins épargner. C’est ce qui a été fait dans la loi de finance pour 2002, en partie avec la taxe sur les hauts revenus. Non pas que ça fasse plaisir à la majorité actuelle de dire aux personnes à qui on expliquait « il faut un bouclier fiscal, sinon vous allez partir en Suisse, ne vous inquiétez pas on est la… » Qu’elle taxe les hauts revenus. Il faut augmenter les recettes et en même temps il ne faut pas freiner la consommation. Il ne faut pas imposer davantage les contribuables qui ont une forte propension à consommer, c’est à dire les titulaires de faibles revenus. Ceux là ils ont une forte propension à consommer vu qu’ils utilisent leurs revenus à consommer. Ils ne peuvent pas faire autrement vu qu’ils ne peuvent pas épargner. Ceux là si vous les taxez, vous avez moins de consommation automatiquement et c’est le ralentissement de l’activité économique. Donc il faut aller chercher ceux qui ont une forte propension à épargner. Là il y a des marges. On peut les taxer davantage. En même temps ça rejoins  l’impératif de justice fiscale puisque là vous aller imposer un peu plus ceux qui  ont déjà un peu plus. Mais la taxe sur les hauts revenus c’est ca, c’est une remontée de la progressivité. Alors le problème c’est que dans la loi de finance pour 2012, en fait, la non revalorisation du barème a pour effet de surtaxer tout le monde, y compris ceux qui ont une faible propension à épargner et au contraire une forte propension à consommer, ceux là vont être touchés aussi. Donc les mesures fiscales du moment auront un certain impact sur l’activité économique. Aussi bien le relèvement de la TVA à taux réduit que la réforme de l’impôt sur le revenu.

Q : Au niveau de l’augmentation de la progressivité, vous pensez qu’aujourd’hui le système est progressif ?

R : Aujourd’hui la progressivité on la trouve dans certains impôts, on la trouve dans l’impôt sur le revenu, dans l’ISF, on la trouve dans les droits de succession. Elle a été réduite, elle a été fortement réduite car il y a moins de tranche et les taux ont été diminuées  en valeur. Il y a une époque en France, vous aviez un taux marginal supérieur d’impôt sur le revenu qui  était à 70%, actuellement on est à 41. Simplement quand il était à 70, il y avait en matière d’impôt sur le revenu que l’impôt sur le revenu et les cotisations sociales. Aujourd’hui on a un IR progressif avec un taux supérieur moyen de 41 qui vient s’ajouter aux  cotisations sociales, ce qu’il en reste, mais il y a surtout la CSG. Qui ne touche pas que les salariés mais tout le monde. Simplement la CSG n’est pas progressive. Il y avait une démarche possible qui était de fusionner CSG et IR et on peut même ajouter d’ailleurs en fiscalisant la protection sociale, comme au Danemark, les cotisations sociales, fusionner tout ca dans un grand impôt progressif, oui ! Sur le plan théorique c’est une idée valable mais elle est techniquement très difficile à mettre en œuvre. Des raisons techniques que M. Hollande a reconnues. C’était à son programme il y a encore deux mois, ca ne l’est plus : fusion CSG IR dans un grand impôt progressif. Ca a sa logique.

Q : Certains économistes disent même que le système est clairement dégressif…

R : Les cotisations sociales sont dégressives oui.

Q : Globalement, tout, avec l’impôt sur le revenu, avec l’impôt sur  la fortune avec … Vous avez surement lu le livre de Thomas Piketty ? Il a un avis assez tranché sur la question. Il se fonde sur des chiffres…

R : Oui oui je connais bien Monsieur Piketty. On est dans une économie libérale. Les systèmes qui ne sont pas régressifs, c’est dans des économistes socialistes planifiées mais elles ont d’autres inconvénients, on a vu ca en URSS à l’époque. Nous on est dans des économies libérales qui reposent sur la rentabilité du capital. Il faut pas se leurrer, on n’est pas dans des sociétés égalitaires. Si vous voulez une société égalitaire, il ne faut pas avoir les mêmes  bases de fonctionnement de l’économie. C’est comme ça, on n’a pas choisi, on est dans un système qui permet de corriger les injustices fondamentales mais pas de les supprimer. Globalement en France le fardeau fiscal repose sur les classes moyennes. Les catégories qu’on dit très défavorisée ne payent pas d’impôt sur le revenu. Elles payent la CSG certes mais ont  quand même beaucoup d’allocations. Le système français est quand même très redistributif. Il faut savoir qu’en France que plus de 50% de ce qui est produit est remis dans le circuit par la puissance publique, est redistribué. Dans cette redistribution, il y a quand même une masse plus importante que nulle part au monde de redistribution sociale sous forme d’allocation chômage, de prestations familiales, RMI, RSA, c’est pas l’absolue, la plus juste redistribution de M. Piketty mais c’est quand même l’un des systèmes les plus  redistributif de la planète. Donc on peut toujours améliorer, corriger mais pour l’instant, il s’agirait surtout de préserver ce qui peut l’être encore et donc probablement pas d’augmenter la dépense sociale. Alors oui peut être qu’on peut jouer sur l’impôt sur le revenu, remettre un peu de progressivité. On en prend le chemin. Sans  non plus se leurrer, alors vous allez me dire la TVA est régressive elle aussi, oui certes seulement si vous voulez un système dans lequel il n’y a pas d’endettement public et qui permette sans endettement public de préserver un niveau élevé de protection sociale, il faut évidemment, si vous voulez en plus garder vos emplois, il faut évidemment mettre aussi une fiscalité de consommation à niveau. Et c’est pourquoi Mme Pecresse avait raison ce matin de dire « de toute façon on va augmenter la TVA ». Qu’on l’appelle sociale ou pas, on va l’augmenter. Les pays où en Europe il y a un niveau de protection social comparable à la France. Quels sont-ils ces pays ?  Il y a le Danemark. Il n’y a qu’un seul taux de Tva : 25%.

R : C’et le maximum fixé par l’union européenne.

R : Oui, un seul taux, 25%. Alors il n’y a pas de cotisations sociales. Avec tous les impôts donc celui là, on finance la protection sociale. Mais le problème c’est que la TVA tout le monde la paye. Alors certes ceux qui n’ont pas des revenus mirobolants. Mais ceux là ils peuvent avoir des allocations sociales. ET puis les fraudeurs la payent. Ceux qui fraudent l’impôt sur le revenu vont payer la TVA. Donc il faut un équilibre dans un système fiscal. Et dans un modèle aussi couteux que le modèle français et son système fiscal, a fortiori il faut un équilibre entre les impositions directes et les impositions indirectes. On a longtemps raconté qu’en France, il y avait beaucoup plus de fiscalité indirecte et très peu de fiscalité directe. C’est une erreur grossière. Les cotisations sociales, c’est le l’impôt direct et si vous ajoutez cotisations sociales, impôts directs locaux, impôts sur le revenu. Evidemment, on a une imposition directe forte. On a une TVA a 19,6%, avec ça on ne finance pas ce qu’il y a  à financer.

Q : Augmenter la pression fiscale sur les plus riches, vous dites qu’on en prend le chemin…

R : Bah oui mais il y a des limites parce que ils y a des gens qui sont en effet riches mais les grosses masses de collectes fiscales, elles ne se font pas là. Un impératif de justice oui, c’est normal qu’on demande une contribution plus élevée à ceux qui ont davantage. Mais en même temps il va falloir aller au-delà de cela.

Q : Pour le principe, comme la question fiscale est autant politique qu’économique, pour une question de justice on va augmenter la pression fiscale sur les plus riches. Mais pas mal de gens disent oui mais, évasion fiscale. Est-ce que aujourd’hui vu le nombre qu’ils sont, vu leur importance,

R : Ca c’est l’argument du Medef mais bon, alors ça ! Les arguments « attention il ne faut pas augmenter la pression fiscale parce qu’on va avoir des délocalisations, on perd de l’attractivité » tout ça c’est l’argument…

Q : C’est minime !

R : Bien sur

Q : De toute façon au niveau des personnes, les sommes, le nombre de  contribuables mis en jeu est significatif par rapport au…

R : Alors il faut s’entendre aussi. Pour la fiscalité des  personnes physique, ceux qui sont susceptibles d’aller habiter ailleurs parce qu’il ya trop d’impôt en France, ce n’et quand même pas des grandes masses. La France pourrait vivre sans grand changement si deux ou trois acteurs de cinéma et trois ou quatre footballeurs étaient allés se domicilier en Suisse. C’est anecdotique. Maintenant s’agissant des entreprises, il faut distinguer plusieurs choses. Pour les délocalisations fiscales, il faut distinguer les délocalisations d’activité et les délocalisations de résultat. Les délocalisations d’activité pour des  raisons fiscales non, vous ne le faites pas pour des raisons fiscales. Vous avez un marché ici, c’est ici qu’il faut votre usine c’est comme ça. Ca ne peut pas en plus délocaliser les services. C’est comme ce coiffeur de Carpentras qui dit « moi je vais aller m’installer à Londres parce qu’on paye moins d’impôts, d’accord mais bon… ». Dans les services on ne bouge pas. Il y a des délocalisations d’activité pour des raisons de coût du travail mais dans lesquelles la fiscalité est marginale. L’essentiel c’est le salaire. Typiquement, un travailleurs Indien, même si vous payez un dollar par jour, même s’il y a des impôts par-dessus… Vous avez un coût du travail évidement très différent du coup du travail en France et en Allemagne. Ca joue encore sur certains secteurs. Pas très nombreux : textile, ameublement, quelques exemples. Mais moins  que jadis et ça ce n’est pas fiscal. Les délocalisations d’activité pour des raisons fiscales sont rares. Ce qu’il y a ce sont des  délocalisations de résultats mais ça,  ça se contrôle par  de la législation fiscale et du contrôle fiscal. On a en France un système d’impôt sur les sociétés avec un des taux les plus élevés d’Europe : 33%. Sauf que quand n regarde le produit, on s’aperçoit que c’est un des moindres d’Europe. Le produit de l’IS est un des plus faibles par rapport au PIB en Europe. Pourquoi, parce que on a des règles d’assiette…

Q : Comme Total ?

R : Non, Total n’est pas le bon exemple. Total était sous le régime du bénéfice mondial consolidé et on a crié au scandale niche fiscale et tout. Pas un problème, ils sont rentrés dans la territorialité et on a supprimé le régime du bénéfice consolidé. Mais Total ça ne les gênes en rien. Leur activité en France c’est du raffinage, distribution, c’est déficitaire. Donc résultat en France, déficit, impôt zéro. On a en France une discussion à avoir sur le résultat de l’impôt sur le bénéfice des sociétés. Il ne permet pas aux grandes sociétés françaises de loger leurs bénéfices ailleurs ? Bien sur que si ! Même si c’est un petit peu compliqué parce qu’il y a l’idée de conserver des grandes entreprises françaises et pour être prospère il ne faut pas trop imposer… Il y a des  lieux où des réformes fiscales seraient justifiées, par exemple l’imposition des dividendes oui, le système n’est plus équitable en France. Vous êtes salariés, vous êtes imposées sur 90% de votre salaire. C'est-à-dire 100% moins 10% de frais professionnels. Vous êtes actionnaires, vous êtes imposés sur 60% de vos dividendes. Autrefois il y avait des avantages fiscaux versés sur les dividendes des sociétés françaises qui se comprenaient parce qu’on voulait favoriser le financement en capital des sociétés françaises. Il y avait un objectif économique. Mais ce traitement spécial des dividendes donc je vous parle est maintenant valable aussi bien pour les dividendes d’actions de sociétés françaises que des sociétés américaines ou japonaises ou quoi que ce soit, il n’y a plus aucune justification économique. Là effectivement, il y a une inégalité qui mérite d’être rattrapée.

Q : Au niveau de a manière de traiter les données, on a pas mal d’articles ou on observe des batailles de chiffres à droite à gauche. On se demandait où les fiscalistes allaient puiser leurs données. Par exemple pour les augmentations d’impôts, prévoir l’impact sur les rentrées d’argent…

R : Ce sont des statistiques fiscales qui en réalité ne sont vraiment maitrisés que par l’administration fiscale. Ceux sont eux qui ont entre les mains les données permettant de dire « si on augmente tel impôt de tel point avec telle mesure à côté, ça va donner tel résultat » il n’y a qu’eux qui ont les outils pour le faire. Bon, vous avez par ailleurs chaque année au moment de la présentation du budget des présentations un peu avantageuses quelque soit l’orientation politique du gouvernement du budget. Parfois des évolutions de chiffres… Mais on est quand même beaucoup mieux informés aujourd’hui. Vous avez d’abord un rapport annuel sur les prélèvements obligatoires que vous  pouvez trouver sur le site du ministre du budget. Vous pouvez aussi très  facilement consulter les bases de données de la commission européenne. Donc vous allez sur le site Europa, vous faites fiscalité, puis commission et dans commission vous avez des documents et vous avez un document qui s’appelle structure des systèmes fiscaux européens où là vous avez l’analyse extrêmement fine des systèmes fiscaux comparés des 27 états avec toutes leurs caractéristiques. C’est là que vous voyez qu’un EU, la France est l’état qui consacre le moins de ressource fiscal à son état le plus à ses administrations de sécurité sociale.

Beaucoup de réformes fiscales se heurtent à ce pb informatique de logiciel pour avoir l’impact réel des mesures.

Q : Par exemple la réforme de M. Piketty ?

La démarche de M.Piketty s’appuie sur des statistiques d’économiste, la fiscalité n’est pas j’ai envie de dire une affaire d’économiste, par exemple une erreur prévision peut être catastrophique. Je suis sceptique par rapport aux projets de réforme des économistes, qui ne tiennent pas compte des contraintes liées à l’impôt. Ca dépend de la legislation et du comportement des catégories sociales. Evidemment les idées intéressantes mais très souvent irréalisables. Piketty sa proposition je l’ai moi-même proposé il y a au moins 15 ans, en 1994. Fusionner IR CSG ISF cotisations sociales. Une proposition dans un contexte politique c’est une chose, après la mise en œuvre c’est autre chose, irréalisable en tout cas en une seule étape. Dans l’idéal il faudrait un grand impôt direct, c’est un idéal. Idée séduisante pas testée ni simulée.

Il n’y aura pas de révolution fiscale puisque tant qu’il n’y aura pas eu de révolution politique.

Les contraintes sont considérables aujourd’hui donc marge de manœuvre très faible, réduire endettement public c’est déjà extrêmement difficile, au bout du compte les écarts sont à la marge (hollande vs sarkozy) seule marge de manœuvre c’est la TVA qui va probablement être relevée.

Hollande a pensé qu’il pouvait mettre la fiscalité au cœur de son programme c’est une erreur, le cœur de son programme c’était fusion CSG IR, on lui a montré que c’était  impossible. Sa 2ème idée quotient familial ça n’a pas tenu 24h.

Fiscalité peut accompagner, infléchir, corriger. On ne refonde pas une société par la réforme fiscale.

 

D’autre part il faut avancer prudemment, chaque réforme fiscale s’accompagne d’un transfert de charges il y a des gagnants et des perdants, les gagnants vous n’en entendez jamais parlé mais les perdants c’est autre chose.

L’ISF par exemple est un sujet extrêmement sensible, il faut avancer prudemment.

Moi je pense qu’il faut supprimer l’ISF et modifier l’IR, notre IR ne tient pas compte du capital, si vous prenez 2 cadres qui ont les mêmes revenus la même situation de famille, mais l’un est propriétaire l’autre doit payer un loyer, le poids de l’impôt n’a rien à voir ! Une vraie réforme de la justice fiscale devrait intégrer la prise en compte du capital.

En France on a mis un petit truc à coté, que les riches peuvent contourner facilement. Dans la voix de Piketty augmenter la progressivité vous aggravez l’inégalité, vous écrasez ceux qui ont des revenus sans capital et les empêcher de s’en constituer un et au contraire épargner les autres.

Reformes fondamentales de plus en plus difficile à faire. Arrêtez l’endettement, trouvez des recettes nouvelles certes mais aussi faire des arbitrages sur les dépenses sociales.

[…]

Facteur de production travail beaucoup trop taxé en France c’est évident, dégager un peu de charge sur le facteur de production travail salarié »

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Entretien Jérôme Chartier :

Q : D’abord, comme notre thème est « une politique fiscale peut-elle être juste », d’abord une question générale : est-ce que vous pensez que le principe de l’impôt c’est d’abord de diminuer les inégalités ou plutôt de favoriser l’innovation, la compétitivité en France.

R : Le principe de l’impôt c’est d’abord de faire de la ressource. Si on lance un impôt c’est pour créer une recette, ce n’est pas pour autre chose. Le principe de l’impôt c’est d’abord de créer une recette pour financer les politiques publiques. Et ce faisant ainsi financer le fonctionnement de l’Etat. Ensuite, il faut savoir de quelle façon on perçoit l’impôt, puisque le montant que l’on prélève est tout aussi important que la façon dont on le prélève, donc il convient de faire des réflexions utiles pour faire en sorte que la façon dont on le prélève pénalise le moins possible, qu’il porte l’économie et contribue à une croissance, en l’occurrence, l’innovation, l’esprit d’entreprendre et bien sûr qu’il puisse aussi puisque c’est toujours un objectif reconnu par toute république, qu’il puisse contribuer à réduire les inégalités.

 

Q : Par exemple, avec le sujet de la TVA sociale qui est remis au goût du jour récemment, comment défendez vous le projet de TVA sociale contre ceux qui affirment que cela force les ménages les moins favorisés à augmenter leurs dépenses même si les salaires augmentent ; que le pouvoir d’achat va diminuer plutôt qu’augmenter ?

R : L’objectif de cette mesure est de réduire les charges qui pèsent sur le travail. Si aujourd’hui on réfléchit aux autres assiettes fiscales qui peuvent accueillir une réduction des charges sur le travail, je pense à la branche famille, c’est parce qu’on estime que le coût du travail est trop élevé en France. En l’occurrence, des comparaisons internationales démontrent le caractère trop élevé par rapport à nos principaux concurrents du coût du travail en France. L’objectif c’est de réduire le coût du travail en France. Ensuite il y a plusieurs solutions pour le réduire, avec notamment la solution de passer par l’assiette TVA pour une partie de la réduction ; reste le problème de savoir de combien est-ce que cela sera réduit : est-ce que c’est 33 milliards, est-ce que c’est 8 milliards, est-ce que c’est 10 milliards ? Ce qui est certain c’est qu’un point sur le taux de TVA revient à un comportement extrêmement marginal du producteur ou du vendeur s’agissant d’augmentation des prix. Par conséquent il n’y a pas de lien direct au niveau micro sur le pouvoir d’achat ; on peut estimer qu’il y ait un élément macro, mais à mon avis, relativement faible, si l’on ramène ça à la recherche permanente de la réduction des coûts dans n’importe quelles industries qui conduit à des produits de consommation courante. Je serai très surpris qu’il y ait un effet hausse des prix par exemple avec 1 point de TVA. En gros, ça peut contribuer à un effet de l’ordre de 8 à 10 milliards d’euros sur la réduction des charges qui pèsent sur les emplois, et en l’occurrence, à un tiers de la réduction du coût de la branche famille, impacté sur les cotisations sociales. Ce qui peut avoir un effet réel sur le coût du travail.

 

Q : Pensez-vous que la concurrence fiscale dont on parle de plus en plus a un réel impact sur les entreprises notamment au sein de l’union européenne ?

R : Si concurrence fiscale il y a, elle est de tout façon uniquement sur les entités mobiles. Qu’est ce que les entités mobiles, ce sont les entreprises et les hauts revenus. Elles existent dans n’importe quelle société. Donc effectivement sur la concurrence fiscale tant pour l’un que pour l’autre il faut considérer ses effets.

 

Q : Vous avez parlé de rapprocher les systèmes fiscaux français et allemand, est-ce que vous pensez que cela permettrait de réduire la concurrence fiscale par exemple.

R : oui, j’estime que cela permettrait de réduire la concurrence fiscale, effectivement, et c’est l’objectif.

 

Q : On va passer à l’impôt sur la fortune. Vous pensez le remplacer à partir d’un certain seuil par d’autres impôts ?

R : Non, l’impôt sur la fortune tel qu’il est aujourd’hui est parfaitement supportable par la société française.

 

Q : La fiscalité en France actuellement n’est pas très simple à comprendre. Vous préconisez une réforme générale permettant au citoyen français moyen de la comprendre ?

R : Non, il ne la comprendra jamais, comme aucun citoyen au monde. Personne ne peut comprendre la fiscalité française. La fiscalité est forcément complexe. L’essentiel c’est que le citoyen français puisse bien comprendre la fiscalité qui le concerne. Comprendre l’ensemble de l’outil fiscal, je pense que c’est à la portée de quasiment personne, sauf des fiscalistes. Je ne connais pas une seule personne qui connaisse parfaitement le système fiscal français, je n’en connais quasiment pas, sauf quelques fiscalistes, et encore. Même les fiscalistes sont spécialisés : fiscalité des entreprises, fiscalité des personnes… Très peu de fiscalistes ont une connaissance encyclopédique de la fiscalité française. La fiscalité est relativement complexe dans notre pays mais dans les autres pays la fiscalité est également très très complexe.

 

Q : Il ne serait pas nécessaire de réduire le nombre de niches fiscales ?

R : Ca pourrait être utile, oui, on pourrait travailler sur les niches fiscales.

 

Q : Par rapport à une proposition de Piketty, Landais et Saez, de rassembler l’impôt sur le revenu et la CSG, donc un système d’impôt progressif fondé sur l’assiette de la CSG, que pensez-vous de cette mesure ?

R : Cela va coûter très cher. Les bas salaires sont les plus nombreux en France. Soit vous voulez faire une économie significative et vous mêlez tout le monde au barème, donc par conséquent l’économie est significative pour les bas revenus en France. Seul inconvénient, c’est que comme l’économie est significative, il faut compenser. Donc, si vous compensez uniquement par le haut ça ne suffira pas. Ca veut dire qu’il faut que vous arriviez à trouver d’autres ressources pour accepter que ces ressources rapportent moins. Rappelez-vous que la CSG c’est le double des ressources de l’IRPP. Ca veut dire qu’en fait on applique un barème en considérant que cet impôt vaut les deux tiers de la somme collectée, alors que pour l’instant, c’est qu’un seul tiers des trois tiers qui est au barème. Donc c’est comme si on demandait de mettre les deux autres tiers au barème. Mécaniquement, ça rapporte moins. Ou alors, on augmente considérablement les tranches.

 

Q : Pensez-vous qu’il faille taxer davantage le capital comme il est préconisé dans Pour une Révolution fiscale ?

R : Cela dépend comment on taxe le capital. Nous avons commencé à le faire, on a considérablement augmenté la CSG sur le capital depuis 2007. On a fait 30% de fiscalité supplémentaire sur le capital avec la CSG depuis 2007, c’est considérable.

 

Q : Ca n’a pas tendance à favoriser l’évasion fiscale ?

R : Moi je pense que si, puisqu’on considère qu’aujourd’hui on n’a pas réussi s’agissant de la lutte contre l’évasion fiscale. On a un problème réel. L’évasion fiscale, c’est l’évasion des capitaux.

 

Q : L’augmentation de la CSG rapporte tout de même plus que les capitaux qui partent ?

R : Vous ne pouvez pas évaluer parce qu’on ne peut pas évaluer les pertes aujourd’hui. Personne ne peut évaluer la perte. Il y a beaucoup de chiffres qui circulent. Incontestablement on a perdu, on a perdu aussi en qualité de l’industrie, ceux qui sont parti ailleurs pour développer leur industrie, leur esprit d’entreprendre, cela ça constitue notre plus grosse perte.

 

Q : Pensez-vous qu’il faut dans ce cas là organiser une collaboration entre les différents pays de l’union européenne pour diminuer l’évasion fiscale ?

R : Il faut que la Suisse soit dedans.

 

Q : À propos du quotient familial, est-ce que pour vous cela encourage les ménages à avoir des enfants ?

R : Oui, absolument. La réforme du quotient familial fera l’inverse, c’est certain. C’est certain parce que un enfant, vous créez la valeur pour un enfant, au fond c’est ça. Maintenant on sait combien coûtera l’enfant, un enfant ça vaut 670 euros par an. Voila la valeur d’un enfant. C’est complètement stupide. Un enfant c’est la contribution d’une famille, ça n’a pas de valeur. C’est un enrichissement d’une famille aussi, un enrichissement personnel. Cette politique familiale avec une espèce d’identification fiscale, c’est pis que jamais la France n’a fait depuis 50 ans, c’est les socialistes qui veulent le faire. C’est sans doute la vision la plus archaïque de la politique familiale qu’on puisse imaginer. Ca ne va pas frapper les personnes aux revenus les plus élevés, ça va frapper les classes moyennes. Après ça se joue, entre guillemets, « c’est quoi une classe moyenne ». Le problème c’est que les classes moyennes, si vous avez un couple qui gagne 5000€ par mois à deux, avec trois enfants, ces gens appartiennent à la classe moyenne. Et ils contribuent à l’enrichissement de la France. La France c’est un tout, c’est pas seulement les bas revenus. Au fond le sentiment qu’on a aujourd’hui avec la politique socialiste, c’est que c’est une politique qui se construit seulement pour les bas revenus, hors c’est pas ça la France. La France c’est un tout.

 

Q : Par rapport à l’individualiser la déclaration d’impôt, est-ce que vous pensez que l’impôt actuel favorise certains modes de vie et a tendance à en défavoriser d’autres, par exemple les personnes qui vivent à deux sans être mariés ou PACSés, ou au contraire ça n’a pas une grande incidence sur les modes de vie.

R : Je pense que la conséquence, enfin, la fiscalité a une grande conséquence sur la vie intime bien sûr. Ca a évidemment une influence. Si le mariage ou le PACS avaient moins d’avantage fiscal, je pense qu’il y aurait moins de mariages ou de PACS, j’en suis convaincu. Et puis d’ailleurs, ça aura plus d’influence sur le PACS que sur le mariage. L’influence fiscale sur le PACS est à mon avis plus importante. Pour moi le PACS est le premier pas officiel d’une union, quand on voit que 30% des PACS se terminent par un mariage.

 

Q : Pour les déclarations d’impôt, le fait qu’elles ne soient pas individualisées ne favorise-t-il pas les couples où l’un des conjoints gagne énormément et où l’autre ne travaille pas ?

R : C’est un choix personnel, s’il n’y a pas besoin d’un deuxième revenu dans la famille, il est possible que la deuxième personne ne travaille pas effectivement. C’est un choix de vie.

 

Q : Est-ce que vous préconisez la création de nouveaux impôts ou alors l’augmentation de certains déjà existants ?

R : Non, on va continuer sur notre trajectoire qui est celle de la réduction du coût de l’Etat.

Q : En réduisant les redistributions, notamment les aides sociales ?

R : Non, en réduisant les niches fiscales et le coût de fonctionnement de l’Etat, en ne gardant que le nécessaire.

 

Q : Pour les jeunes de plus de 18 ans, pour l’instant, l’aide de l’Etat est toujours versée aux parents…

R : Pas forcément, l’APL est directement versée aux jeunes.

Q : Concernant les autres aides ?

R : Les allocations familiales ? C’est tout. C’est environ 110€ par mois, généralement la famille leur reverse. Ça ne me semble pas une évolution considérable de verser cela directement. On n’a absolument aucune remontée sur des problèmes entre des parents et des enfants quant à cette somme.

 

Q : Globalement vous seriez plutôt pour conserver le système actuel et continuer dans la lancée ?

R : Il faut le faire grandir. On peut faire évoluer la situation. Je n’ai jamais cru à la grande réforme fiscale. D’ailleurs j’observe que l’opposition revient dessus. Ils n’en parlent plus, sont très discrets. Parce qu’ils savent eux-mêmes que c’est destiné à l’échec le plus total.

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