Une politique fiscale peut-elle être juste ?
Quelle politique fiscale pour quel choix de société ?
Les types de démonstrations en économie
Quels modes de démonstration peut-on utiliser pour donner de la visibilité à ses idées ?
Selon qu’on s’adresse au grand public ou aux universitaires, on peut utiliser différents modes de démonstration. Du livre au simulateur interactif, de nombreuses options ont été expérimentées.
Les propositions de M.Piketty reposent sur une certaine vision de la finalité de l’impôt : redistribution des richesses, réduction des inégalités, ainsi que sur des données statistiques qui lui permettent de justifier les réformes qu’il propose, et d’en chiffrer l’impact. Pour chiffrer l’impact de la réforme proposé dans son livre Pour une révolution fiscale et de façon interactive sur le site internet revolution-fiscale.fr, il utilise 800 000 fichiers contenant entre 30 et 60 variables, et qui sont censés être représentatifs des contribuables français. L’impact de chacune des modifications du barème actuel de l’impôt est donc chiffrer directement en utilisant cette base de données.
Cependant beaucoup de critiques ont été formulé vis-à-vis de la réforme proposée par M.Piketty car elle est le reflet d’une idéologie politique, mais également le simulateur en ligne. Si tout le monde s’accorde sur la formidable avancée qu’il représente en rendant accessible à tout un chacun un ordre de grandeur du chiffrage des réformes fiscales, son aspect statique est critiqué. En effet, dans l’état actuel des choses il ne prend pas en compte la réaction des contribuables face à une hausse ou une baisse simulée de l’impôt, ce qui à tendance à embellir l’impact d’une réforme qui augmenterait massivement les impôts.
A l’inverse l’universitaire Bernard Castagnède ne propose pas de chiffrage, pour lui seul l’administration fiscale peut réellement connaître l’impact d’une modification du système actuel. De plus il souligne le fait qu’à cause de contraintes techniques (il faut pouvoir prévoir assez précisément les recettes d’un impôt que l’on met en place pour l’élaboration du budget de l’état) et législatives, les réformes proposées par les économistes sont souvent irréalisables en pratique. Par exemple une tranche d’imposition sur le revenu à 75% comme le propose M.Hollande pourrait être qualifiée de confiscatoire par le conseil constitutionnel car allant à l’encontre du principe de propriété privée. La possibilité d’exil fiscal et les moyens possibles d’y échapper (sur lesquels doivent déjà travailler les avocats fiscalistes) rendent aussi incertaines les recettes de cette réforme.
Bernard Castagnède maintient cependant que les réformes proposées par les économistes sont nécessaires pour faire progresser le débat et attirer l’attention sur certains points qui peuvent être modifiés, même si au final la marge de manœuvre est assez réduite.
Il est d’autre part moins ambitieux que M.Piketty lorsqu’il expose ce qui constitue la finalité de l’impôt : « Nous sommes dans des économies libérales qui reposent sur la rentabilité du capital. Il ne faut pas se leurrer, nous ne sommes pas dans des sociétés égalitaires. […] Nous sommes dans un système qui permet de corriger les injustices fondamentales mais pas de les supprimer ».
Le modèle de Piketty est commenté par tous car il bénéficie d’une grande visibilité due à l’originalité de ses supports de communication et au fait que François Hollande se soit inspiré de ses travaux pour son programme fiscal de l’élection présidentielle de 2012. Il fait cependant figure d’exception car il est rare qu’un travail d’économiste soit autant commenté hors du contexte universitaire. L’usage veut que les économistes écrivent des livres et des articles dans des revues spécialisées et que leur propos soient relayés à de rares occasions dans les médias lors d’une polémique sur leur sujet de prédilection. Les moyens d’argumentation les plus visibles sont souvent ceux qui permettent de démocratiser le sujet technique qu’est la fiscalité. Ainsi, des sites plus éphémères comme celui du chiffrage des programmes présidentiels bénéficient d’une bonne visibilité sur le web. Même si l’impartialité de ce type d’initiatives n’est pas toujours totale, elles participent à la vulgarisation nécessaire pour favoriser l’acceptation de l’impôt. Les autres outils de démocratisation sont plus classiques : des revues spécialisées et quelques sites internet comme celui du gouvernement explicitent les détails techniques du prélèvement de l’impôt. Articles de presse, reportages, blog donnent les positions des différents acteurs qu’ils soient économistes, politiciens, journalistes, universitaires ou de simples particuliers. Tous ces outils de communications participent au débat et donne à chacun la possibilité de s’informer par le media de son choix.