Evolution des normes
Comment fixer la norme ?
Les normes sont très variables d’un pays à l’autre, et dans le temps. Il se pose le problème de la définition des normes, mais surtout de la façon de les introduire, afin que les constructeurs automobile aient le temps de s’adapter. L’Union Européenne a imposé plusieurs limitations concernant l’émission de gaz polluants et de particules fines.
La norme Euro 6 n’apporte que peu de changement à la norme Euro 5 dans la réglementation des particules fines, mais est plus stricte concernant l’émission de NOx et d’hydrocarbures.
L’Union Européenne a tout d’abord choisi de limiter la masse de particules émises sur un kilomètre, car il est relativement simple de mesurer la masse de particules émises par un moteur. Il suffit de récupérer les particules à la sortie du pot d’échappement sur un filtre, et d’en déterminer la masse par une pesée du filtre avant et après le dépôt des particules. Cependant, cela amène les constructeurs automobiles à fabriquer des filtres retenant surtout les grosses particules, qui font une grande partie de la masse. Il reste ainsi un grand nombre de particules fines de petite masse et donc de petite taille, comme les PM10 et les PM2,5 (particules fines de diamètre respectivement inférieur à 10 µm et 2,5 µm). Celles-ci sont cancérigènes, comme le souligne la spécialiste en pneumologie Isabella Annesi-Maesano, et c’est pourquoi la norme Euro 5 introduit une limitation sur la quantité de particules fines émises. Cette limitation a été choisie en accord avec l’étude du CIRC, et représente déjà une nette amélioration comparée aux émissions des anciens véhicules diesel (voir plus bas). D’après Pierre Macaudière, la limite en nombre a été calquée sur les niveaux d’émission des moteurs essence.
Audrey Garric, dans l’article « Quel air sort des pots d’échappement des voitures diesel ? » du Monde du 6 mars 2013, décrit la prochaine norme européenne à entrer en vigueur :
« Ces limites doivent encore être renforcées par la norme Euro 6, qui interviendra le 1er septembre 2015, après une homologation des nouvelles voitures en 2014. Les émissions de NOx se verront ainsi plafonnées à 80 mg/km (soit une réduction supplémentaire de plus de 50 % par rapport à la norme Euro 5), tandis que les émissions combinées d’hydrocarbures et d’oxydes d’azote seront réduites, à 170 mg/km (contre 230 avec la norme Euro 5). Les particules fines, quant à elles, resteront quasiment au même niveau (4,5 mg/km). »
Les normes limitant la quantité maximum d’émission de particules fines sont débattues. Par exemple, l’association les Amis de la Terre a contesté le « Plan de protection de l’atmosphère » des Préfets de la région Île de France, de Police, et de Paris, et comptait faire modifier les quantités limites autorisées pour la région. La Cour administrative a tranché et refusé la requête de l’association. L’arrêt (numéro 12PA00633) a été publié le 11 avril 2013. Le président des Amis de la Terre en France conteste les normes d’émission locales :
« Il y a deux choses : [le Plan de protection de l’atmosphère] n’est pas correctement appliqué dans les mesures qui sont définies, et puis les mesures telles qu’elles sont définies ne permettent pas d’atteindre les résultats escomptés. »
Les normes européennes sont accompagnées de sanctions par la Commission européenne en cas de non-respect. D’après Yann Wehrling, c’est l’un des éléments qui motive une interdiction ou une taxation du diesel, et l’Etat français aurait déjà prévu de devoir payer de lourdes amendes :
« dans le budget de l’état c’est de l’ordre de 300 millions d’euros qui sont provisionnés en vue des condamnations à venir »
« La vraie sanction aujourd’hui est européenne, c’est-à-dire que le fait d’avoir des pics de pollution, le fait que les mesures faites par tous les organismes de mesure de l’air montrent qu’on ne respecte pas le niveau d’émission de pollution dans les villes, et la commission européenne nous menaçant de plusieurs millions d’euros d’amende, tout ça fait bouger les autorités publiques, c’est le bâton européen. C’est le seul parce que s’il n’y avait pas l’Europe, et si il n’y avait pas peut-être aussi une volonté gouvernementale — je ne dis pas que le gouvernement ne fait rien — mais les préfets pourraient ne rien faire. »
Il y a donc ici une controverse sur l’action de l’Etat. Yann Wehrling suggère une mauvaise volonté de la part des autorités, qui ne semblent agir que sous la menace européenne, et être insensibles aux demandes comme celles des Amis de la Terre.
Audrey Garric, comme le président des Amis de la Terre, déplore le décalage entre l’entrée en vigueur des normes, et les voitures encore en circulation :
« Si ces nouvelles normes réduisent, pour certaines, drastiquement les émissions des véhicules diesel, elles le font seulement pour les voitures nouvellement immatriculées. Les autres continuent ainsi de circuler et de polluer autant que par le passé. Or, les véhicules diesel les plus polluants, ceux d’avant 2000, sont au nombre de 19 millions, soit 27 % du parc en circulation. »
Pierre Macaudière va même jusqu’à affirmer que le problème des particules fines est réglé sur les véhicules diesel actuels, qui sont plus propres que les véhicules à essence. Seuls les véhicules diesel anciens posent problème. Notamment, un véhicules respectant la norme Euro 1 émet 600 fois plus de particules fines en mg par kilomètre qu’un véhicule de PSA équipé du dernier filtre à particules. PSA précise de plus que si les normes sont effectivement vérifiées par les véhicules lors de tests homologués effectués en laboratoire (voir « Les filtres à particules ? »), l’utilisation du moteur diesel en conditions normales produira toujours un peu plus de particules fines. Cela dépend essentiellement de la façon dont l’utilisateur conduit son véhicules, et l’on peut observer de grandes divergences, avec des véhicules dépassant 10 fois la norme. Ici, PSA considère ne pas être responsable de la façon dont sont utilisés ses véhicules. Toutefois, PSA a décidé d’introduire une technologie embarquée permettant au conducteur d’estimer la quantité de polluants que produit sa façon de conduire.
Les normes peuvent avoir un effet pervers, en ramenant le problème du diesel à un problème de risque calculé, ou de danger acceptable. Le président des Amis de la Terre en France rappelle ce point important :
« Il faut savoir quand même que les valeurs limites ou les niveaux de qualité, ça reste une négociation entre États, un accord, un compromis, ce n’est pas l’idéal de ce qu’il faudrait viser pour satisfaire un air de qualité. Ça n’est qu’un compromis acceptable entre les états pour publier une directive qui soit acceptée par tous. Malgré tout, on n’aboutit pas au résultat. »