Péages urbains

Interview de Jean-Noël Aqua


Jean-Noël Aqua est un élu parisien du groupe communiste au Conseil de Paris, spécialiste des questions d’écologie.


- Pourquoi s’intéresser aux questions de transport et d’écologie ?

La pollution atmosphérique est un problème à la fois sanitaire et d’environnement. En France, il y 40 000 décès prématurés par an dus à la pollution : c’est donc un problème global touchant à plusieurs dimensions de notre vie.

Certains travailleurs de banlieue n’ont d’autre choix que de prendre leur voiture : ceci fait partie des problèmes environnementaux. Bien sûr, la voiture n’est pas le seul facteur de pollution : se pose également la question agricole, la question de la biomasse et son influence sur le taux de particules fines ainsi que celle des responsabilités partagées. Etudier ces problématiques c’est aussi voir le lien entre science et société, et se poser la question des financements. Pour le groupe communiste, la question des transports est un problème global. Ainsi la question de la voiture ne peut être découplée du développement de celle des transports en commun.

Actuellement, le pays traverse une crise d’austérité (réduction des dépenses publiques) ce qui implique une réduction des dépenses pour le développement des transports en commun. Au quotidien, on risque de compliquer la vie des gens si les transports ne sont pas plus développés.

- Quel jugement porte le groupe communiste sur l’instauration d’un péage urbain dans Paris ?

Pour nous, il ne doit pas y avoir de mesures de limitation de circulation sans plan volontariste pour développer les transports. Le cas contraire est inacceptable puisque les gens risquent de souffrir financièrement dans leur quotidien. Le groupe communiste n’est donc pas favorable à l’implantation d’un péage urbain car il n’y a pas d’alternative à la hauteur de la réponse et cela ne répondra pas aux besoins des banlieusards. Si on installe un péage urbain, une certaine qualité de vie va pouvoir être accessible par les riches et non par les pauvres.

- Certains articles scientifiques soulignent pourtant que le péage urbain pourrait contribuer à diminuer les inégalités, qu’en pensez-vous ?

Bien sûr, avec le péage urbain se pose la question de la redistribution des richesses. Mais les droits de circulation doivent être les mêmes pour tout le monde. Seul l’impôt doit gérer la redistribution des richesses. Certes, on ne va pas toucher les plus pauvres ou les plus exploités puisque ceux-ci ne disposent déjà pas de voiture, mais ce sont les catégories populaires qui vont en pâtir. Les classes moyennes ont l’impression de payer pour tout le monde et cela ne fait que dégrader le vivre ensemble.

- Mais justement, ne pensez-vous pas qu’installer un péage urbain peut permettre de créer des recettes qui peuvent ensuite être réinvesties dans le développement des transports en commun ?

Ce qui m’embête particulièrement dans le péage urbain, c’est que cela divise la société. On doit investir dans les transports en commun pour permettre de limiter la voiture et non l’inverse (le quotidien ne doit pas être invivable). Dans Paris, certaines entreprises ont préféré construire des parkings pour les employés afin qu’ils puissent venir en voiture plutôt que de devoir financer leur pass Navigo. Pour nous, la vraie solution est l’augmentation des cotisations sur les entreprises pour permettre de développer les transports. Il faut taxer l’argent là où il est produit, à la source de production des richesses.

Si on regarde la ville de Paris, il y a un gros plan qui vient d’être voté pour le développement du vélo. C’est un plan de 5 ans avec des investissements conséquents non négligeables.

En revanche, sur la région rien n’est fait puisque la région a très peu d’argent. Selon nous, les entreprises devraient plus être mises à contribution. Comme dit précédemment, je pense qu’on devrait augmenter la fiscalité sur les entreprises pour les faire cotiser plus et ainsi permettre de développer les transports en commun.

- Quelles sont, selon vous, les solutions pour les transports ?

Pour revenir sur les voitures, nous sommes à fond pour le développement de la voiture électrique (développer les points de recharge, inciter à son utilisation). Il y a des moyens de produire l’énergie différemment et nous devons les utiliser. Nous avons également proposé un changement législatif sur les diésels que nous avons en ligne de mire. Ainsi, en 2020, les véhicules Diesel en-dessous de 5 étoiles vont être interdits. C’est une bonne mesure mais ce n’est encore pas suffisant : tous les véhicules au-dessus de 5 étoiles pourront continuer à polluer, alors qu’il est aisé d’enlever soi-même le filtre à particule, non adapté à la conduite en ville.

Il y a également des efforts à faire sur le stationnement en ville. On doit peut-être songer à une SmartCity utilisant toutes les nouvelles technologies. Les bus électriques aussi doivent être développés. D’ici 2025, nous souhaitons que Paris ait 80% de ses bus qui soient électriques et 20% au gaz. Ainsi il n’y aurait plus d’émission de particules fines.

Le problème, c’est que la ville de Paris ne peut pas tout changer seule. Le secteur industriel ne développe pas les alternatives ; or la responsabilité est partagée avec les élus publics!

- Pour revenir sur le péage urbain, des solutions moins contraignantes qu’un simple « enclos » autour de la ville existent, tels que des écopass. Qu’en pensez-vous ?

Pour nous, l’écologie punitive va dégouter les gens de la considération écologique. En instaurant un péage urbain, on va fracturer la société. Pouvoir tous librement circuler avec les mêmes droits, ce qui fait qu’on fait société. Séparer par les transports ne favorise pas un modèle de société souhaitable (cf. projet Grand paris Express : train direct de l’aéroport Roissy CDG au centre avec prix élevés réservés à une certaine catégorie sociale) : la société ne se développe alors pas de manière harmonieuse. Il y a plein de petits détails importants pour la société: vivre ensemble se construit par les petits détails.

Mais surtout, l’investissement de l’Etat est nécessaire. Il y a besoin d’une intervention publique puisque les communautés locales ne peuvent pas faire face à de tels investissements.

Pour finir sur le péage urbain, je pense que c’est un pur gadget. Il y a d’autres problématiques dont on ne parle pas assez et qui sont bien plus importantes tel que le schéma de développement en Ile-De-France: les logements sont à l’Est et les emplois à l’Ouest ; cela provoque une saturation des transports en commun et de nombreuses congestions. Une des solutions est le développement du logement social à l’Ouest de Paris, ce qui n’est absolument pas fait pour l’instant.

La question de l’implantation des entreprises est aussi à prendre en compte: la droite fait clairement le choix de la ségrégation.