Bruno Latour est sociologue, anthropologue et philosophe des sciences possédant une réputation internationale. Il est notamment l’auteur de Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique. Il reprend et affine l’”hypothèse Gaïa” faite par James Lovelock. Il est iconoclaste car il propose de renoncer au concept de Nature (au sens de l’opposition classique à la culture), car pour lui la frontière entre les deux a disparue. Latour, au travers de ses multiples casquettes prend acte du débat sociétal au sujet de l’Anthropocène et nous offre ses réactions. En faveur d’une intégration de la Nature en société et d’une fusion, d’une symbiose, il demeure plutôt optimiste sur la capacité humaine à suivre des préconisations raisonnables.
Bruno Latour, dans son livre Face à Gaïa présente une vision originale de l’Homme et de ses interactions avec une Nature repensée à l’ère de l’Anthropocène. Pour lui, l’Anthropocène est bel et bien une nouvelle époque géologique. Il ne voit pas d’obstacle dans le fait qu’elle dure moins longtemps que d’autres périodes car nous sommes témoins d’une accélération du rythme géologique.
Il émet la thèse que le choix d’une date de départ à l’Anthropocène est en réalité un choix très politique puisque plus l’on a une sensibilité “de gauche” plus l’on a “tendance à dire que l’Anthropocène a débuté très récemment, afin d’en tirer un argument critique contre le capitalisme industriel mondialisé” (Legros, 2015).
De son point de vue, la date du début de l’Anthropocène doit correspondre à la présence depuis cette date d’un marqueur caractéristique visible qui illustre sans ambivalence le changement d’ère. Dans l’entretien qu’il accorde à Philosophie Magazine en 2015 (Legros, 2015), il refuse donc le golden spike que pourrait-être le charbon depuis la Révolution industrielle à la fin du XVIIIième car ce marqueur n’est pas universel et n’a quasiment pas laissé de traces en Asie ou en Afrique. Seul les essais nucléaires et la bombe atomique lui semblent être des critères qui ont marqué uniformément tous les continents. Le sociologue faisait donc remonter le début de l’Anthropocène à 1945. Toutefois, le débat sur l’Anthropocène est particulièrement d’actualité puisque dans Face à Gaïa, publié en 2016, Latour semble avoir changé d’avis. Il évoque la date de 1610 comme possible début de l’Anthropocène, de part sa symbolique particulière : elle marquerait le début du processus de désanimation : par ses découvertes, Galilée déclare la matière inerte, l’univers infini et l’autonomie du mouvement. C’est le triomphe de la rationalité et le début de la désinhibition des Modernes face aux questions écologiques.