La crise écologique est mise en exergue par la controverse au sujet de l’Anthropocène. Dès lors, se pose la question éthique et métaphysique de l’attitude à adopter face à la dégradation de la planète. Différentes orientations s’affrontent, issues de différentes lectures de l’Anthropocène, et de conceptions parfois radicalement différente du rapport Homme/Nature. L’enjeu de ce débat dont l’Anthropocène est la clef centrale est de comprendre comment survivre et créer un monde durable sans succomber au déni, à l’hybris, ou à la dépression.

Comme la COP21 et la COP22, la controverse autour de l’Anthropocène peut servir à choquer et marquer les consciences et à jeter une pierre dans l’eau pour agiter l’opinion et les différentes instances sociétales, que l’Anthropocène devienne une nouvelle époque géologique ou non. Quant à  réagir et à savoir quel comportement adopter, différentes conceptions philosophiques opposées s’affrontent, toujours en ayant pour objectif d’assurer un futur durable à la planète : faut-il soigner la Nature, la reconstruire, la transformer, et donc la dominer pour mieux la contrôler  par une écologie de pilotage ? Faut-il au contraire préserver et vénérer la Nature, reconnaître humblement qu’elle nous dépasse et que nous devons retourner vers une évolution spontanée du système Terre en freinant la vague positiviste ? Ou bien faut-il gommer toutes distinctions et rapports de force entre l’humain et la Nature, la prendre au sérieux, la considérer, pour mieux l’intégrer et vivre en symbiose avec elle de la même manière que les fourmis cohabitent avec les acacias par une multitudes d’attentions réciproques ?

Finalement, ces différentes visions des interactions futures entre l’Homme et la planète permettent de prendre acte des liens qui les unissent. L’humain peut paraître extérieur à la Terre, capable de l’analyser séparément de lui-même, à distance. Ou bien il peut apparaître comme un être de nature, non pas en train de vouloir secourir une Terre en détresse, mais en tant que morceau de cet ensemble qui souhaite se défendre. Comme le constate Agnès Sinaï (Sinaï, 2012) : “Proche et incorporée, [la Terre] est aussi radicalement étrange et étrangère, accueillante et menaçante, et parfois peu coopérative !”. En effet, la figure même de Gaïa, “outil” employé par différents acteurs de la controverse pour provoquer une prise de conscience de leurs lecteurs est ambivalente dans la mythologie grecque. Parfois Terre-mère nourricière et bienveillante, parfois déesse terrible, Gaïa a de multiples facettes. Elle donne ainsi naissance à Cronos, mais aussi à de très nombreux monstres : titans, Hécatonchires, cyclopes. Elle a un comportement meurtrier, encourage la mutilation de son époux par son fils, puis la rébellion de son petit-fils contre son fils.

Quel rapport l’Homme doit-il donc choisir avec Gaïa pour prendre acte de l’époque Anthropocène et pour lui proposer une réponse ?


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