Comme on l’a vu précédemment, taxer les robots se justifierait en tant qu’adaptation aux bouleversements rapides engendrés par la multiplication des robots sur les lieux de travail. La quantification de ces changements fait débat au sein de la sphère scientifique, et par extension médiatique. La nécessité d’une taxe sur les robots sera considérée d’autant plus criante que l’impact de la robotisation au travail sera jugé conséquent et négatif.
La répartition de ces différentes positions quant aux effets de la robotisation est immédiatement corrélée avec les positions quant à l’adoption d’une taxe sur les robots.
Il est dès lors important de garder à l’esprit que la notion de taxe sur les robots est quasi absente de la sphère des publications scientifiques et économiques, alors même qu’elle faisait l’actualité brûlante pendant le premier trimestre 2017. A cette époque, les défenseurs comme les détracteurs d’une taxe robot ne pouvaient que parier sur les possibles impacts d’une telle taxe puisqu’ils ne pouvaient s’appuyer alors sur aucune publication scientifique. La première attaquant frontalement la question de la taxe robot date en effet de septembre 2017. [1]
En revanche, depuis 2013, de nombreuses publications exposent des résultats chiffrés de l’impact de la robotisation sur le travail, notamment en ce qui concerne le nombre d’emplois hautement automatisables, autrement dit pour lesquels le travailleur humain a de grandes chances d’être remplacé par une machine dans un proche horizon de temps (variant selon l’étude). L’étude au plus grand retentissement, scientifique comme médiatique, est celle publiée par les chercheurs Frey et Osborne en 2013 [2], date à partir de laquelle fleurissent les études similaires. Non seulement elle aborde pour la première fois la question de la perte d’emplois chiffrée due à l’automatisation, mais elle expose des résultats alarmants, notamment celui de 47% pour la part d’emploi à haut risque d’automatisation aux Etats-Unis dans les dix à vingt prochaines années, repris massivement par les médias puis les hommes politiques.
Le problème est que d’autres études parues ensuite remettent en question ce chiffre, proposant des estimations bien moins alarmistes. « Ces dernières années, les craintes que l’automatisation et la numérisation aboutissent finalement à un futur sans emploi se sont réveillées. », ainsi s’ouvre « The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries », rapport commandé par l’OCDE en 2015 et paru en 2016 [3], qui établit la part d’emploi à haut risque d’automatisation à seulement 9% aux Etats-Unis sur la même plage de temps, simplement en adoptant une autre méthode d’estimation. Bien que moins cité que le rapport de Frey et Osborne, il est souvent utilisé pour remettre en cause la nécessité d’une taxe sur les robots en s’attaquant à l’hypothèse sous-jacente à une telle proposition.17/04/18).
Chronologie de différents rapports publiés entre 2014 et 2016, avec leur résultat sur le pourcentage d’emplois à haut risque d’automatisation dans les 20 prochaines années
septembre 2013 – Frey and Osborne, États-Unis – « occupation based approach » janvier 2014 – Pajarinen and Rouvinen, Finlande – « occupation based approach » juillet 2014 – Bowles, Europe – « occupation based approach » novembre 2015 – Brzeski and Burk, Allemagne – « occupation based approach » mai 2016 – OCDE, États-Unis – « job based approach »
47%
35%
45~60%
59%
9%
Un autre impact possible : la montée des inégalités sociales
Il convient, en plus du nombre d’emplois à risque, de prendre en compte leur nature et les conséquences sociales de leur disparition dans la considération d’une taxe robot. Si le
Cette publication fait écho aux propositions d’utilisation de l’argent récolté par une taxe sur les robots, notamment le financement de formations pour faciliter la reconversion des travailleurs ayant perdu leur emploi car un robot les a remplacés. Ce même thème est abordé par le troisième chapitre du rapport « Trade and Development » de 2017 de l’UNCTAD (United Nations Conference on Trade and Development), intitulé « Robots, Industrialization and Inclusive Growth » [5]. Ces deux rapports présentent les changements induits par l’automatisation comme trop rapides et suivis trop lentement par les cadres économiques et légaux, décalage qui pourrait notamment conduire à l’augmentation des inégalités sociales. Pour pallier ce défaut, une taxe transitoire peut être envisagée, le temps que la structure du marché du travail se réorganise (entretien avec
Vous pouvez approfondir sur les différentes méthodes d’estimation de l’impact de l’automatisation en terme de pertes d’emplois pour mieux comprendre d’où viennent les divergences entre rapports en cliquant sur le bouton de droite. Sinon, vous pouvez continuer votre parcours avec l’image collective du robot en cliquant sur le bouton de gauche.
Sources :
[1] Guerreiro, Joao, Sergio Rebelo, et Pedro Teles. « Should Robots be Taxed? » National Bureau of Economic Research, septembre 2017.
[2] Frey, Carl Benedikt, et Michael A. Osborne. « The Future of employment: How susceptible are jobs to computerisation? » Oxford Martin School, University of Oxford, 17 septembre 2013.
[3] Arntz, Melanie, Terry Gregory, et Ulrich Zierahn. « The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries ». OECD Social, Employment and Migration Working Papers, 14 mai 2016.
[4] Lawrence, Mathew, Carys Roberts, et Loren King. « Managing Automation – Employment, inequality and ethics in the digital age ». IPRR Commission on Economic Justice, décembre 2017.
[5] UNCTAD, éd. Beyond Austerity: Towards a Global New Deal. Trade and Development Report 2017. New York: United Nations, 2017.




Économiste français libéral, directeur du cabinet de conseil Asterès et co-fondateur du groupe de réflexion du Cercle de Belèm. Il prend régulièrement position dans les médias grands publics français, notamment au sujet des peurs pour l’emploi suscitées par les avancées technologiques. Son dernier ouvrage publié (paru en 2017) s’intitule Le travail est l’avenir de l’homme.
Économiste français, directeur général de Paris Région Entreprises. Investi dans le débat public, il siège au conseil scientifique de la Fondapol et donne cours à Sciences Po sur la robotique et le numérique. Il a publié notamment Relancer notre industrie par les robots (Du Quesne, 2012) et a contribué au Manifeste pour l’investissement productif (Symop, 2016).
Économiste américain, lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques (dit « prix Nobel d’économie ») en 2013. Il appuie les propos de Bill Gates dans The Guardian, par un article abondamment cité par des journalistes d’autres médias (notamment américains et français). À noter que Robert Shiller a 116K followers sur Twitter et que cet article a été retweeté 169 fois à ce jour. Il écarte l’idée du revenu universel, non par principe mais par le fait qu’elle ne trouverait aucun soutien dans l’opinion publique américaine. Comme Bill Gates, il évoque un reversement de la taxe en faveur des travailleurs déclassés et se réfère plus précisément aux concepts de « wage insurance » (assurance de salaire) et de « livelihood insurance » (assurance des moyens de subsistance), pensions temporaires qui seraient versées aux travailleurs victimes de l’automatisation.
PDG de Microsoft. Il a donné une
Candidat aux primaires du Parti socialiste français puis aux élections présidentielles de 2017. Son
Maître de conférence en droit privé, HDR (Université d’Artois) spécialisée dans les domaines du droit de la robotique et de la technologie. Auteure du Traité de droit et d’éthique de la robotique civile (janvier 2017) et initiatrice d’une pétition en réaction à la proposition de la commission européenne Règles de droit civil sur la robotique, concernant la personnalité juridique des robots (Open Letter to the European Commission : Artificial Intelligence and Robotics). Elle est également fondatrice de Robotics Legal Consulting, un Cabinet de conseil en droit et en éthique de la robotique, notamment partenaire du Symop.
Professeur de droit fiscal suisse et international à l’Université de Genève et avocat. Il a récemment travaillé et s’est publiquement exprimé au sujet de la mise en œuvre juridique et fiscale et des enjeux d’une taxation des robots. Cité par un article du Monde en février 2017 , il a également donné une