Quelles méthodes pour évaluer l’impact de l’automatisation ?

   Dans l’étude menée par Frey et Osborne [1], le risque d’automatisation dépend avant tout du métier (on parle d’occupation-based approach). En effet, les métiers ayant trait à l’éducation ou à la santé par exemple sont, selon cette étude, moins susceptibles d’être automatisés à court-moyen terme (moins de 25% de chances). Certains métiers comme la maintenance ou certains secteurs de services sont quant à eux plus susceptibles d’être automatisés dans les mêmes délais (entre 25 et 65% de chances), néanmoins ces métiers sont plus faiblement représentés parmi la population active (environ 19%). Le résultat phare de cette étude, majoritairement repris, s’énonce précisément : 47% des emplois aux Etats-Unis pourront être effectués par des ordinateurs ou des algorithmes dans les dix à vingt prochaines années. Ces 47% sont considérés à haut risque d’automatisation. De manière générale, ce risque est plus élevé pour les emplois les moins qualifiés, ce qui conduit à la question de l’accroissement des inégalités sociales. Les conclusions de l’étude ont été obtenues grâce à une analyse empirique de données de la base PIAAC sur différents métiers. La possibilité d’automatisation était connue avec un grand degré de confiance pour 70 métiers, et Frey et Osborne ont ensuite extrapolé aux 632 autres.

   Le rapport commandé par l’OCDE en 2015, et paru en 2016, « The risk of automation for jobs in OECD countries » [2] remet en cause les hypothèses et les méthodes utilisées par ces précédents rapports et publie un résultat de 9% seulement d’emplois à haut risque d’automatisation aux Etats-Unis, les pourcentages étant assez similaires dans les autres pays de l’OCDE. Il se positionne clairement comme réponse au rapport de Frey et Osborne, en y consacrant notamment un chapitre sur trois. Si les données brutes sont les mêmes (base de données de l’OCDE), la méthode utilisée est différente. Au lieu d’examiner la question sur un emploi, c’est la possibilité d’automatiser une tâche qui est estimée (on parle alors de task-based approach). Les auteurs se justifient en donnant l’exemple de multiples métiers qui demandent à la fois des compétences jugées non automatisables (relationnelles) et d’autres complètement réalisables par des robots. D’où une perte d’emplois moindre, et qui suppose plutôt des changements dans les emplois actuels : « workers seem to shift worktime from routine and automatable tasks to tasks that are complementary to machines ».

   Le modèle adopté est lui aussi critiqué, mais les chercheurs mettent plutôt en avant une possible surestimation des capacités technologiques et de l’utilisation effective sur le lieu de travail de ces nouvelles technologies, ce qui abaisserait encore les 9% estimés : « the approach still reflects technological capabilities based on experts’ assessments rather than the actual utilisation of such technologies, which might lead an overestimation of job automatibility », ce qui fait écho aux propos de Nathalie Nevejans, qui dénonce une vision sensationnaliste des performances des robots dans son entretien du 17/04/18.

« Les chercheurs ont du mal à trouver des financements pour leurs travaux et ont donc tendance à exagérer leurs résultats et leurs débouchés éventuels. Les pouvoirs publics ont donc une vision surévaluée des potentiels de la robotique et de l’intelligence artificielle. »

   Le rapport se termine sur une note optimiste, en contraste avec l’angoisse très médiatisée des robots voleurs de travail : “the main conclusion is that automation and digitalisation are unlikely to destroy large numbers of jobs”. Toutefois, les auteurs rappellent que, tout comme dans les précédents rapports, les emplois les moins qualifiés sont les plus à haut risque et appellent à des actions dans ce sens : “coping with rising inequality and ensuring sufficient (re-)training especially for low qualified workers”, ce qui correspond justement à ce que Bill Gates par exemple souhaiterait réaliser via l’instauration d’une taxe sur les robots.

   Ce débat méthodologique s’est ensuite poursuivi, avec les révisions successives des deux rapports en 2017 (d’abord par Frey et Osborne [3] puis par les chercheurs du rapport de l’OCDE [4], cette fois sous la forme d’une publication classique d’université et non pas dans un rapport commandé par une institution).

Vous pouvez continuer votre parcours par une réflexion sur la perception du robot, à travers les images véhiculées par les média et les oeuvres de science-fiction.

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Sources :

[1] Frey, Carl Benedikt, et Michael A. Osborne. « The Future of employment: How susceptible are jobs to computerisation? » Oxford Martin School, University of Oxford, 17 septembre 2013.

[2] Arntz, Melanie, Terry Gregory, et Ulrich Zierahn. « The Risk of Automation for Jobs in OECD Countries ». OECD Social, Employment and Migration Working Papers, 14 mai 2016.

[3] Frey, Carl Benedikt, et Michael A. Osborne. « The Future of employment: How susceptible are jobs to computerisation? » Technological Forecasting and Social Change 114 (1 janvier 2017): 254‑80.

[4] Arntz, Melanie, Terry Gregory, et Ulrich Zierahn. « Revisiting the Risk of Automation ». Economics Letters 159 (octobre 2017): 157‑60.