La robotisation : une chance ou un fléau ?

   Alors que certains craignent pour l’emploi humain, d’autres voient dans la robotisation un véritable tremplin pour développer la compétitivité des entreprises françaises.

Une révolution bénéfique pour la compétitivité

   Les réactions face au nombre grandissant de robots sont très partagées : bon nombre d’économistes non spécialisés, ont répondu, souvent suite aux propositions de Benoît Hamon [1] et de Bill Gates [2], qu’il était absurde de vouloir taxer la robotisation. L’argumentaire général, qualifié par Olivier Passet [3] de « vision classique » est que la destruction des emplois et le remplacement par des robots vont permettre des gains de productivité, réduisant ainsi les coûts de production des biens et services. Grâce au pouvoir d’achat ainsi libéré, un redéploiement de la demande devrait donc mécaniquement s’effectuer et diriger la demande vers d’autres secteurs avec création d’emplois à la clé. Cette vision est partagée par un grand nombre d’économistes invités à participer au débat public dans des canaux de diffusion importants, comme par exemple Pierre-Noël Giraud, invité sur France Culture [4]. Dès lors, la robotisation n’est plus perçue comme un problème mais comme une solution économique. Nicolas Bouzou stipule en effet de manière générale que « La résolution de nos problèmes passe non par le freinage de l’investissement, mais par son accélération. » [4]

La vision libérale de l’automatisation

   Cette thèse est partagée par Robin Rivaton dans le Manifeste pour l’investissement productif publié par le SYMOP. [5]

“La prospérité, c’est la production (…). Celle-ci ne provient plus d’intermédiaires mais de producteurs de services ou de biens qui sont capables de mobiliser les innovations robotiques et numériques pour modifier radicalement leurs processus de production. Les gains de productivité des entreprises de services les plus avancées sont déjà quinze fois supérieurs à ceux de la  moyenne du secteur. (…)

Les obstacles restent nombreux, qu’ils reposent sur une fiscalité du capital désincitative à l’investissement de long terme, de nouvelles technologies encore méconnues, un droit du travail inadapté aux exigences de la production moderne, des formations trop lentes à s’adapter (…).”

La robotisation, source de déséquilibres sociaux et fiscaux ?

   Mais tous ne voient pas la robotisation comme un progrès technique et économique, et certains, comme Mady Delvaux, députée européenne, [6] mettent en garde contre le déséquilibre fiscal et la hausse du chômage qu’elle pourrait engendrer.

Une robotisation synonyme de déséquilibre

   Cette peur du robot voleur d’emploi n’est pas nouvelle et a été montrée du doigt dès les années 1990 ; pour un même travail, recourir à un robot est souvent avantageux pour une entreprise, ce qui conduit à une concurrence déloyale. Toutefois, même parmi les partisans d’une taxation des robots, tous ne considèrent pas qu’une substitution complète des travailleurs humains est à craindre. Par exemple, Bill Gates estime que les emplois créés et supprimés par la robotisation appartiendront à des secteurs différents [2]. Plus qu’une hausse du chômage, l’automatisation du travail entraînerait donc une demande accrue en flexibilité des salariés humains.

“Certainly there will be taxes that relate to automation. Right now, the human worker who does, say, $50,000 worth of work in a factory, that income is taxed and you get income tax, social security tax, all those things. If a robot comes in to do the same thing, you’d think that we’d tax the robot at a similar level.” [2]

   Un autre argument modéré en faveur de la taxation, proposé par Olivier Passet [3] et inspiré de la pensée de Jeffrey Sachs (économiste américain), consiste à nier la raréfaction progressive des emplois de certains secteurs à cause de la robotisation. Cependant Sachs juge que les robots, intégrés aux immobilisations d’une entreprise, favorisent les détenteurs du capital et donc les revenus du capital au détriment du revenu du travail. L’introduction d’une taxe viendrait alors rééquilibrer ce déséquilibre structurel. L’économiste américain préconise donc de faire évoluer la fiscalité, non pas pour ralentir le progrès technique ou pour éviter un remplacement des ouvriers, mais bien comme outil de redistribution des actionnaires vers les salariés.

Les acteurs industriels impliqués dans le débat

   À l’inverse, des acteurs privés prennent parti pour le développement de la robotisation ; par exemple le SYMOP, un groupement d’entreprises, présente en ligne son argumentaire en faveur de mesures d’investissement et défend des thèses hostiles à une taxation des robots. [5]

   Et alors que Bill Gates affirme que les industriels ne s’opposeront pas à une telle taxe : “I don’t think the robot companies are going to be outraged that there might be a tax. It’s OK.” [2], le patron du fabricant de bouteilles Verallia s’exprime ainsi « C’est une connerie absolue ! S’il y a une taxe sur les robots, j’irai défiler dans la rue ». [7]

   Le SYMOP [5] souligne également le retard de la France en termes de robotisation par rapport à ces voisins européens, ce qui affecterait donc la compétitivité de l’économie française.

« Pour contextualiser le paysage de la robotique industrielle française, je tiens à préciser que la France est très clairement en retard. »

SYMOP (entretien du 11/04/18)

   Ces idées sont aussi partagées aux Etats-Unis, comme en témoigne la conclusion de l’article d’opinion « San Fran Politician Considers Legislation To Tax Robots » publié par Zero Hedge en avril 2017 :

« Perhaps Bill Gates and Jane Kim have suddenly forgotten that American companies compete in an international marketplace? Or, perhaps they’re convinced that China will simply ‘pinky swear’ to not take advantage of America’s festering, misinformed, liberal policies.” [8]

   De manière similaire, en France, de nombreux industriels considèrent que la continuité de la politique industrielle du pays serait mise à mal et que l’esprit d’une taxe sur les robots serait en contradiction avec celui des mesures précédentes, notamment le suramortissement des machines achetées par les PME entre 2013 et 2015. [9]

   Les avis divergent donc quant à la robotisation, et pour certains la taxation s’impose pour répondre à ses effets délétères. Les conséquences économiques de la robotisation sur l’emploi sont elles aussi sujettes à de nombreux débats.

Pour approfondir les raisons en amont de l’adoption d’une taxe robot, vous pouvez vous diriger vers la page sur les effets sociétaux de la robotisation. Si vous préférez une approche en aval de cette taxe, vous pouvez vous diriger vers la page sur ses critères de mise en oeuvre.

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Sources :

[1] Grondin, Anaelle. « Taxer les robots : Bill Gates sur la même longueur d’onde que Benoît Hamon ». Les Echos, 20 février 2017.

[2] Gates, Bill. Bill Gates: the robot that takes your job should pay taxes. Quartz, 17 février 2017.

[3] Passet, Olivier. « Faut-il taxer les robots ? » Les émissions de Xerfi Canal, 15 mars 2017.

[4] Couturier, Brice. « Taxer les robots ? Les subventionner plutôt ! » France Culture, 24 mars 2017.

[5] « Manifeste pour l’investissement productif », octobre 2016.

[6] « La commission Affaires juridiques du Parlement européen a adopté le rapport de l’eurodéputée luxembourgeoise S&D Mady Delvaux sur l’encadrement juridique de la robotique – Europaforum Luxembourg – Janvier 2017 », 12 janvier 2017.

[7] Cosnard, Denis. « La taxe sur les robots exaspère le PDG de Verallia ». Le Monde.fr, 25 mars 2017, sect. Économie.

[8] Hedge, Zero. « San Fran Politician Considers Legislation To Tax Robots ». Blogs – Finance (blog), 4 avril 2017

[9] Siquier Delot, Delphine. « La taxe robots, un nouvel ovni dans le paysage fiscal ? » Les Nouvelles fiscales, 15 mai 2017.