Pourquoi taxer les robots ?

   Si le robot concurrence des travailleurs humains au point de les remplacer, il est naturel de les soumettre au même régime fiscal ; c’est du moins ce qu’avancent les partisans d’une taxation des robots.

L’hypothèse de substitution

   L’idée de taxer les robots est basée sur une analyse économique de la robotisation, et part du constat que celle-ci va remplacer des travailleurs humains. Ainsi, Xavier Oberson met en évidence un « loose loose, double effet négatif » pour la société [1] : l’automatisation entraînerait un chômage par substitution ; et d’un point de vue fiscal, le remplacement des salariés par des robots qui ne payent pas de cotisations créerait un déficit, comme le souligne Victor Ayoli (bloggeur affilié à Mediapart) [2].

   D’après Olivier Passet [3], cette hypothèse dite de substitution suppose l’absence d’emplois qualifiés de « déversement », mais cela ne l’empêche pas d’être partagée par d’autres acteurs du monde politique : Benoît Hamon, en fait le point de départ d’une de ses mesures phares de campagne tandis que Yanis Varoufakis, économiste et ancien ministre de l’Économie grec, adhère lui aussi à cette thèse [4].

« Avantages multiples : une fois achetée, la machine intelligente ne réclame pas de salaire, ne prend pas de pause-déjeuner, ne tombe jamais malade, ni ne fait grève pour demander une augmentation… Mais si un pourcentage important de gros propriétaires agricoles remplace leurs ouvriers par des robots, comment va-t-on financer les programmes sociaux ? »

Yanis Varoufakis

La machine supérieure à l'homme ?

Les peurs d’un bouleversement social

   La robotisation des services d’aide à la personne, par exemple, soulève aussi la question de la dimension sociale du travail, explique Robert Shiller [4] : le remplacement du salarié déshumanise les relations aux clients et génère du chômage. À partir d’une telle vision, la taxation des robots est proposée comme une compensation aux torts qu’elle génère.

   La conclusion de la résolution du Parlement Européen de 2017 reprend et synthétise ces différents arguments en évoquant un projet de taxation des robots [5] :

« L’éventuelle application d’un impôt sur le travail réalisé par des robots ou d’une redevance d’utilisation et d’entretien par robot [devait] être examinée dans le contexte d’un financement visant au soutien et à la reconversion des chômeurs dont les emplois ont été réduits ou supprimés, afin de maintenir la cohésion sociale et le bien-être social. »

Un accueil parfois hostile

    Cette analyse ne fait pas consensus, et une grande majorité des industriels, mais aussi des économistes o­u des hommes politiques, s’insurgent contre cette mesure, allant jusqu’à réduire les arguments des pro-taxes à de pures et simples hérésies (comme le montrent les titres incendiaires choisis). En effet, proposer une taxe va totalement à l’encontre des idéaux de compétitivité qui préconisent de s’appuyer sur la révolution engendrée par la robotisation pour développer l’économie, au lieu de tuer dans l’œuf une technique à l’avenir prometteur. Et le groupe robotique du SYMOP de conclure : « Il faut accepter que des mutations profondes vont avoir lieu mais à mon sens et à notre sens cela nous semble être un raccourci que de considérer qu’en taxant les robots on va tout résoudre. »

Vous pouvez revenir sur la robotisation de manière plus générale, en cliquant sur le bouton de gauche, ou vous intéresser à la définition actuelle d’un robot, et donc des objets qui seraient soumis à une taxe robot, en cliquant sur le bouton de droite.

Avancement de la mission
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Sources  :

[1] Université de Genève. Taxer les robots? Conférence de X. Oberson, 2017.

[2] Ayoli, Victor. « Taxer les robots ? Hamon en parle, l’Europe y pense aussi. » Club de Mediapart (blog), 13 février 2017.

[3] Passet, Olivier. « Faut-il taxer les robots ? » Les émissions de Xerfi Canal, 15 mars 2017.

[4] Couturier, Brice. « Faut-il taxer les robots ? Certains économistes le pensent ». France Culture, 23 mars 2017.

[5] Résolution du Parlement européen du 16 février 2017 contenant des recommandations à la Commission concernant des règles de droit civil sur la robotique (2015/2103(INL)), P8_TA(2017)0051 § (2017).

[6] Badeau. « Robin Rivaton : “Taxer les robots n’a aucun sens” ». Les Echos, 23 février 2017.

[7] Mish. « Bill Gates Embraces “Tax Robots” Socialist Idiocy: Four Questions for Gates ». Blogs – Finance (blog), 20 février 2017.

[8] Bouzou, Nicolas. « Taxer les robots? Un non-sens – L’Express L’Expansion ». L’Express, l’Expansion, 23 mars 2017.

[9] Macke, Gaëlle. « Taxer les robots: la proposition “aberrante” de Hamon ». Challenges (site web), 20 janvier 2017.