Un enjeu de taille, parce qu’il sous-tend la manière dont sera taxé un robot et les différentes stratégies qui permettront d’échapper à une éventuelle taxe est la question de la définition pratique d’un robot.
“Je pensais que les robots pouvaient tout faire. Mais en m’intéressant à ce domaine, j’ai contacté des roboticiens et des fabricants et j’ai découvert la réalité du terrain, qui est très différente.”
Delphine Siquier [1] précise en quoi cette définition technique est une condition sinequanone de l’établissement d’une quelconque taxe dans l’article “La taxe robots, un nouvel ovni dans le paysage fiscal ?” paru dans Les Nouvelles Fiscales en mai 2017 :
« Plus sérieusement, face à un tel constat, on peut s’interroger, notamment au regard de l’article 34 de la Constitution selon lequel l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement doivent être définis par le législateur. Lui incomberait donc la douloureuse tâche de préciser ce que l’on entendrait par « robot ». D’autant que pour assurer le respect du principe d’égalité, il doit surtout fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose d’atteindre. Et cette appréciation ne doit pas entraîner de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques. Pour cela, il conviendrait donc de définir un robot d’une manière non discriminatoire par rapport à l’objet visé, et ainsi traiter de la même manière tout ce qui a le même effet. Enfin, l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques pour prémunir les sujets de droit contre le risque d’arbitraire. Tout cela est donc loin d’être évident… »
Il est donc vital de définir de manière juridique et techniquement ce qu’est un robot pour bien délimiter les contours de la notion.
“Aujourd’hui, nous ne savons même pas faire la différence entre la voiture autonome et le robot aspirateur alors qu’ils n’ont rien à voir.”
Une norme Iso 8373 [3] a déjà été proposée ainsi qu’une résolution adoptée par le Parlement Européen concernant des critères permettant d’identifier des robots comme tels :
“[…] mécanisme programmable actionné sur au moins deux axes avec un degré d’autonomie, se déplaçant dans son environnement, pour exécuter des tâches prévues. Le robot inclut le système de commande et l’interface de communication. La classification d’un robot en robot industriel ou robot de service est fonction de l’utilisation qu’il est prévu de faire du robot.”
Ces questions semblent être sujets de tensions parmi les spécialistes de l’intelligence artificielle ou des machines en général comme le montre l’intervention en tout début de conférence “L’homme et le robot au travail, quelle relation inventer ?” [4] qui entend rappeler qu’un robot est avant tout un ensemble de trois éléments distincts : « des capteurs, un processeur et des opérateurs ».
Néanmoins, les différentes propositions induisent des conséquences peu souhaitées sur des possibles échappements à l’impôt ou des recaractérisations de robots en simples machines industrielles (en introduisant une intelligence artificielle au départ distinguée de la machine opérative et donc considérée comme un robot dans cette même machine individuelle).
Ainsi
Une fois le domaine d’application d’une éventuelle taxe sur les robots bien délimité, vous vous demandez peut-être comment cette mesure pourrait être mise en pratique (« Les modalités de la taxe : quels critères ? »). Si les suggestions réelles vous intéressent, un tour sur la page des propositions politiques vous permettra d’avoir un aperçu des réflexions et des revendications publiques émises par des responsables politiques et syndicaux européens depuis 2016.
Sources :
[1] Siquier Delot, Delphine. « La taxe robots, un nouvel ovni dans le paysage fiscal ? » Les Nouvelles fiscales, 15 mai 2017.
[2] Université de Genève. Taxer les robots? Conférence de X. Oberson, 2017.
[3] « ISO 8373:2012(fr), Robots et composants robotiques — Vocabulaire ». Consulté le 25 mai 2018.
[4] « L’homme et le robot au travail, quelle relation inventer? – Les Mardis des Bernardins ». France Culture, 8 octobre 2015.




Économiste français libéral, directeur du cabinet de conseil Asterès et co-fondateur du groupe de réflexion du Cercle de Belèm. Il prend régulièrement position dans les médias grands publics français, notamment au sujet des peurs pour l’emploi suscitées par les avancées technologiques. Son dernier ouvrage publié (paru en 2017) s’intitule Le travail est l’avenir de l’homme.
Économiste français, directeur général de Paris Région Entreprises. Investi dans le débat public, il siège au conseil scientifique de la Fondapol et donne cours à Sciences Po sur la robotique et le numérique. Il a publié notamment Relancer notre industrie par les robots (Du Quesne, 2012) et a contribué au Manifeste pour l’investissement productif (Symop, 2016).
Économiste américain, lauréat du prix de la Banque de Suède en sciences économiques (dit « prix Nobel d’économie ») en 2013. Il appuie les propos de Bill Gates dans The Guardian, par un article abondamment cité par des journalistes d’autres médias (notamment américains et français). À noter que Robert Shiller a 116K followers sur Twitter et que cet article a été retweeté 169 fois à ce jour. Il écarte l’idée du revenu universel, non par principe mais par le fait qu’elle ne trouverait aucun soutien dans l’opinion publique américaine. Comme Bill Gates, il évoque un reversement de la taxe en faveur des travailleurs déclassés et se réfère plus précisément aux concepts de « wage insurance » (assurance de salaire) et de « livelihood insurance » (assurance des moyens de subsistance), pensions temporaires qui seraient versées aux travailleurs victimes de l’automatisation.
PDG de Microsoft. Il a donné une
Candidat aux primaires du Parti socialiste français puis aux élections présidentielles de 2017. Son
Maître de conférence en droit privé, HDR (Université d’Artois) spécialisée dans les domaines du droit de la robotique et de la technologie. Auteure du Traité de droit et d’éthique de la robotique civile (janvier 2017) et initiatrice d’une pétition en réaction à la proposition de la commission européenne Règles de droit civil sur la robotique, concernant la personnalité juridique des robots (Open Letter to the European Commission : Artificial Intelligence and Robotics). Elle est également fondatrice de Robotics Legal Consulting, un Cabinet de conseil en droit et en éthique de la robotique, notamment partenaire du Symop.
Professeur de droit fiscal suisse et international à l’Université de Genève et avocat. Il a récemment travaillé et s’est publiquement exprimé au sujet de la mise en œuvre juridique et fiscale et des enjeux d’une taxation des robots. Cité par un article du Monde en février 2017 , il a également donné une