La question de la prévention des risques cardiovasculaires est abordée de diverses façons par les différents acteurs de la controverse. Tous semblent s’accorder sur le fait que l’adoption d’une hygiène de vie saine permet de diminuer les risques cardio-vasculaires. Mais l’importance relative de l’hygiène de vie pour la prévention de ces maladies fait débat : cela suffit-il ?
Tout est une affaire de régime
Le documentaire d’Anne Georget, Cholestérol, le grand bluff (Anne Georget, 2016) avance que le seul régime alimentaire qui protège le cœur des occidentaux contre les maladies cardiovasculaires est le régime méditerranéen (ou régime crétois).
Ce régime se caractérise par la consommation en abondance de fruits, légumes, légumineuses, céréales et d'huile d'olive, une consommation modérée de produits laitiers, d'œufs et de vin, ainsi qu'une consommation limitée de poisson et de viande (De Lorgeril et al., 1999).
Il contient donc des graisses saturées et n’est pas destiné en lui-même à faire baisser le taux de cholestérol. Anne Georget montre ainsi que la prévention des maladies cardiovasculaires est décorrélée du taux de cholestérol. Elle bat en brèche la question de la solution médicamenteuse : pour prévenir les maladies cardiovasculaires, nul besoin de traitements visant à réduire le taux de cholestérol, il suffit d’adopter un régime adapté. Ainsi, l’usage de statines serait au mieux inutile. Sa position sur la question est donc claire (Anne Georget, 2016).
Pour cela elle s'appuie sur les travaux de Michel de Lorgeril : il préconise une protection contre les maladies cardiovasculaire par le mode de vie (De Lorgeril, 2015a). Ainsi, il conviendrait de bien manger mais aussi de faire du sport, gérer son stress, ne pas fumer, ne pas subir d’intoxications environnementales (à la pollution de l’air notamment), ... Dans Le nouveau régime méditerranéen : Pour protéger sa santé et la planète (De Lorgeril, 2015a) il propose une adaptation du modèle du régime méditerranéen tel qu’il a été décrit à la fin des années 1960 aux conditions de vie et aux conditions de production actuelles. Michel de Lorgeril est par ailleurs extrêmement critique de l’usage fait des médicaments anticholestérol : c’est d’ailleurs l’objet d’un de ses livres, L’horrible vérité sur les médicaments anticholestérol (De Lorgeril, 2015b).
« Les statines sont vraiment les meilleurs médicaments que l’on n’ait jamais inventés ».
La Fédération française de cardiologie recommande en priorité le respect de conseils diététiques adaptés ainsi que la pratique d’une activité physique régulière (« Cholestérol : agir contre le cholestérol pour réduire les risques cardio-vasculaires », 2018).
Les traitements médicamenteux ne doivent en théorie être envisagés qu’après avoir pris les mesures diététiques adaptées à la réduction du taux de cholestérol : on remarque donc que contrairement au régime méditerranéen, on peut également préconiser un régime dans le but de faire baisser le taux de cholestérol. Cependant le nombre de prescriptions de médicaments contenant des statines est important en France comme dans la plupart des pays occidentaux. Les statines sont en effet consommées « par 220 millions de patients à travers le monde » (Anne Georget, 2016), et sont parmi les médicaments les plus vendus au monde. Les cardiologues prescrivant ces médicaments semblent donc considérer qu’une bonne hygiène de vie ne suffit pas toujours à réduire le nombre de maladies cardiovasculaires.
Pour Martine Gilard, présidente de la Société Française de Cardiologie, les bienfaits des statines n’ont d’ailleurs pas à être remis en question. Elle en dit même : « Les statines sont vraiment les meilleurs médicaments que l’on ait jamais inventés » (« Cardiologie. Une Brestoise à la tête », 2018).
De même, la Nouvelle Société Française d’Athérosclérose, dans son communiqué (« Communiqué de Presse - CHOLESTEROL : ATTENTION DANGER !! | Société Française de Cardiologie », 2015) faisant réponse aux propos des docteurs Even et Debré, considère que l’usage des statines est indispensable au traitement des maladies cardiovasculaires. La question du régime alimentaire n’est alors pas abordée.
Certains, comme Michel de Lorgeril, dénoncent une sur-prescription de statines de la part des cardiologues par facilité : il est plus facile d’exiger d’un patient qu’il prenne un cachet tous les jours plutôt que de lui demander de changer ses habitudes de vie. Il s’agirait à ses yeux de complaisance (Lorgeril, 2015). Cette prescription surdimensionnée, également constatée par la Haute Autorité de Santé (« Haute Autorité de Santé - Pour un bon usage des statines », 2013), l’a mené à encourager les médecins à limiter leurs prescriptions de statines et à faire plus attention au profil des patients (Lorgeril, 2015).
Les effets bénéfiques de l’adoption du régime méditerranéen et d'une bonne hygiène de vie ne sont donc pas controversés. Seulement, si pour un certain nombre d’acteurs, l’usage de médicaments anticholestérol est par ailleurs inutile (voire dangereux), la prescription des statines reste très importante dans le monde et leurs bienfaits sont toujours débattus.