La pertinence des calculateurs de risques

Les autorités de Santé Publique proposent des guides de prescriptions aux médecins. Ces conseils ne prennant en compte qu'un nombre restreint de critères, ils paraissent arbitraire aux yeux de certains.

De l’objectif national aux prescriptions individuelles :

Dans la loi du 9 août 2004, relative à la politique de santé publique en France, un objectif de diminution du LDL-cholestérol est formulé pour la population d’adultes de 35 à 64 ans.

« Objectif 70,  Hypercholestérolémie :  réduire  de 5  %  la  cholestérolémie moyenne   (LDL-cholestérol) dans  la  population  adulte  dans le   cadre   d’une   prévention globale   du   risque   cardiovasculaire  d’ici  à  2008. » (Loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, 2004)

Les moyens qui doivent être mis en œuvre pour atteindre cet objectif ne sont pas décrits dans la loi mais à travers des communiqués de la Haute Autorité de Santé (HAS) où les prestataires de santé trouvent des recommandations concrètes de prescriptions des statines.

Les calculateurs de risque au service de la prescription

D’après la HAS, pour réduire efficacement le nombre d’accidents vasculaires ou de décès par maladie cardiovasculaire, les facteurs de risque doivent être abordés conjointement et non séparément. Ils s’ajoutent aux bilans sanguins dans la réflexion en amont de la prescription (« Haute Autorité de Santé - Évaluation et prise en charge du risque cardio-vasculaire », 2017).

De nombreux calculateurs de risques ont alors été mis en place. Ils ne prennent pas tous en compte les mêmes facteurs. Par exemple, ASSIGN Score, développé en 2006 en Ecosse, prend en compte notamment la précarité du patient et son histoire familiale. (« Home - ASSIGN Score – prioritising prevention of cardiovascular disease », s. d.)

En France, c’est l’outil SCORE (Systematic Coronary Risk Estimation) qui est utilisé. Il a été recommandé par la Société Européenne de Cardiologie en 2007. Il permet d’évaluer le risque cardiovasculaire d’adultes de 40 à 65 ans  au cours des 10 prochaines années (« Haute Autorité de Santé - Évaluation et prise en charge du risque cardio-vasculaire », 2017). Il prend en compte le sexe, l’âge, le statut tabagique, la pression artérielle systolique (pression mesurée lors de la phase de contraction du cœur) et des concentrations de cholestérol total (« Haute Autorité de Santé - Évaluation et prise en charge du risque cardio-vasculaire », 2017).

En prévention secondaire, le risque cardio-vasculaire est d’emblée considéré comme très élevé.

Les différents niveaux de risques du calculateur SCORE (« Haute Autorité de Santé - Évaluation et prise en charge du risque cardio-vasculaire », 2017)

La légitimité de ces calculateurs de risques est parfois remise en cause. Pour François Paillard, cardiologue au CHU de Rennes et vice-président de la Fédération française de cardiologie, le SCORE « est assez imparfait car issu du mixage de plusieurs petites études européennes nationales. ». Plus loin dans une interview à Ouest-France, il insiste néanmoins sur le fait qu’ «  il [faille] vraiment regarder les facteurs de risques dans leur globalité. Et de ce point de vue, les modèles de risques apportent un éclairage intéressant. » (Brémond, 2016)

Sur le site Medscape qui s’adresse aux professionnels de santé, un article émet des réserves similaires : « L’idée d’abandonner les seuils de cholestérol comme critère de prescription d’une statine pour privilégier une évaluation globale du risque CV peut apparaitre rationnelle, à condition toutefois que l’évaluation du risque soit fiable. » (Bargouin, 2015)

L’ACC/AHA Pooled Cohort Risk Equation, un calculateur de risques controversé

Fin 2013, le Collège américain de cardiologie (ACC) et l’Association de cardiologie (AHA) ont mis à disposition une méthode de calcul synthétique : l’ACC/AHA Pooled Cohort Risk Equation. (« Risque cardiovasculaire », 2016)

Suite à la publication de travaux scientifiques qui montrent que ce calculateur est beaucoup plus alarmiste que d’autres du même type, le débat sort de la sphère scientifique et amène la presse à réinterroger la légitimité des calculateurs en général. (« Risque cardiovasculaire », 2016)

Sur Europresse, la recherche « statine + calculateur + risque* » ne donnent que 4 résultats (qui font d’ailleurs tous référence à ce calculateur). L’évènement médiatique qui a suivi est le seul que nous avons répertorié autour cet enjeu général.

La critique contre le principe « The lower, the better »

Cette expression est beaucoup plus présente dans les articles économiques que dans les articles de santé mais au sein de ce domaine, elle est assez souvent associée au cholestérol. En effet, sur les 16 documents Europresse du domaine de la Santé qui contiennent la citation « the lower, the better », la moitié ont pour sujet le cholestérol.

« The lower, the better » signifie que plus le taux de cholestérol serait bas, plus le risque de maladie cardiovasculaire serait faible.

Ce terme n’est pas connoté positivement ou négativement. En particulier aux Etats-Unis, cette thèse est supportée par certains chercheurs (bien que la majorité appelle à plus de nuances). Le chercheur Stein E, du Centre de recherche sur l’Athérosclérose a ainsi publié un article décrivant les manières les plus efficaces de baisser le cholestérol. Il affirme qu’ “il y a des preuves considérables qu'un abaissement plus agressif du cholestérol à lipoprotéines de basse densité (LDL) est associé à des bénéfices accrus dans la lutte contre l’athérosclérose, soutenant la notion de «the lower, the better» " (Stein, 2002).

Ce terme est également repris par les acteurs refusant l’hypothèse lipidique pour critiquer les dérives ou « incohérence dans les prescriptions des statines ». Les termes de « règle », « mythes », « fameux principe » y sont souvent associés. Philippe Even écrit :  « On devrait assister à une marche arrière en ce qui concerne les statines et le mythe du « the lower the better » devrait être abandonné. » (Futura, 2013).

A l’exception du débat sur l’ ACC/AHA Pooled Cohort Risk Equation , les réflexions qui visent à évaluer l’efficacité des calculateurs de risques sortent en général très peu de la sphère médicale car elles sont très techniques. Les discussions sur la politique générale de prescription sont en revanche commentées par un plus grand nombre.