Le consensus scientifique a longtemps posé comme principe de base que le cholestérol se déposait sous forme de plaques dans les artères, causant des accidents cardiovasculaires. Depuis, sa remise en cause a déplacé le débat sur le terrain statistique : à quel point cholestérol et maladies cardiovasculaires sont-ils liés ?
Le cholestérol comme facteur de risque corrélé à d’autres facteurs
Un communiqué de la Nouvelle Société Française d’Athérosclérose (« Communiqué de Presse - Cholesterol : ATTENTION DANGER !! | Nouvelle Société Française d’Athérosclérose », 2013) regroupant une dizaine de sociétés savantes, a été publié en 2014 en réaction à la publication de « deux livres récents » (probablement les livres Le Guide des 4000 médicaments utiles, inutiles ou dangereux, publié en 2012, de Philippe Debré et Bernard Even, et La vérité sur le cholestérol , publié en 2013, du professeur Even).
Le ton du communiqué est assertif, indigné ; le texte n’évoque les « opposants » (ceux remettant en cause un lien même statistique entre cholestérol et risques cardio-vasculaires) que pour critiquer leur argumentaire, fondé sur des « résultats d’études de traitements anciens (fibrates) diminuant peu les taux sanguins du mauvais cholestérol ». Leur positionnement est assez clair : le cholestérol fait partie des « facteurs de risque majeurs » (« Communiqué de Presse - Cholesterol : ATTENTION DANGER !! | Nouvelle Société Française d’Athérosclérose », 2013). De plus, le communiqué mentionne des résultats de récentes études (probablement l’étude « 4S », entre autres), dont les conclusions sont : baisser le taux de cholestérol fait baisser les risques cardio-vasculaires. Il s’agirait donc d’un facteur de risques prépondérant, sans être indépendant. En d’autres termes, seul, le taux de cholestérol comme indicateur est inutilisable. Vouloir diminuer à tout prix le cholestérol sans regarder les caractéristiques de la personne serait donc absurde. Cependant il est indispensable pour un patient de maîtriser son taux de cholestérol, et notamment de LDL.
Des facteurs liés
Comme la NFSA, la Haute Autorité de Santé (HAS) stipule explicitement dans un communiqué publié en 2017 que le cholestérol n’est pas un facteur indépendant : il doit être considéré comme un indicateur permettant, en observant d’autres facteurs tels que l’obésité ou l’âge de donner une estimation des risques encourus par la personne.
C’est ainsi qu’elle affirme que « pour réduire efficacement le nombre d’accidents vasculaires ou de décès par maladie cardiovasculaire, ces facteurs de risque [taux de cholestérol, tabac, diabète,…] doivent être abordés conjointement et non individuellement » (« Haute Autorité de Santé - Traiter l’hypercholestérolémie seule n’est pas suffisant dans la prise en charge du risque cardiovasculaire », 2017). Dans le but d’aider les médecins à mieux évaluer les risques, la HAS utilise un outil d’évaluation de risques d’accident cardiovasculaire à 10 ans, nommé SCORE (pour Systematic Coronary Risk Estimation). Cet outil prend en compte notamment le sexe, l’âge, le statut tabagique, et la concentration de cholestérol totale, et renvoie un pourcentage de risque pour chaque situation. Par ailleurs, il donne également, pour chaque pourcentage de risque, un taux de cholestérol limite en-deçà duquel le patient doit se maintenir.
Enfin, elle recommande aux médecins de prescrire de préférence une modification du mode de vie (arrêt du tabac, alimentation équilibrée et activité physique) avant d’envisager le recours aux médicaments. Ainsi, on peut voir dans le communiqué que « tant que le professionnel de santé ne peut s’assurer de la bonne observance de ces règles [la modification du mode de vie] durant 3 mois minimum (renouvelables une fois), la prescription médicamenteuse n’est pas recommandée chez les patients à risque faible ou modéré. »
Une corrélation purement statistique
Le médecin Dominique Dupagne a un positionnement que l’on pourrait qualifier d’intermédiaire dans le débat.
En effet, il dénonce d’une part les « évangélistes du cholestérol » (Dupagne, 2017), dont les raisonnements sont fondés sur l’« hypothèse lipidique ». En cela il s’écarte du premier acteur mentionné ci-dessus, à savoir la NSFA, puisqu’il il dénonce la prise de statines pour des patients à faible risque (« quand je vois toutes ces femmes ou ces hommes à faible risque consommant des statines, je me demande comment la médecine a pu tomber sur la tête à ce point. », (Dupagne, 2017)). A l’inverse, la NSFA affirme l’effet bénéfique des statines « quelle que soit la situation » (« Communiqué de Presse - Cholesterol : ATTENTION DANGER !! | Nouvelle Société Française d’Athérosclérose », 2013).
D’autre part, il reconnaît un lien statistique entre taux de cholestérol et risque élevé, qu’il cantonne uniquement au domaine statistique (il ne s’agit en aucun cas d’un facteur de risque). Son propos est volontairement dans le compromis, et a moins pour but de donner un point de vue tranché que d’effectuer une synthèse du débat autour du cholestérol et des statines. Il mentionne ainsi dans ses publications la Haute Autorité de Santé, mais aussi Michel de Lorgeril, deux acteurs s’opposant pourtant radicalement sur la question du lien entre cholestérol et risques cardiovasculaires.
Cholestérol et risques : deux notions indépendantes
Si Dominique Dupagne se veut dans le consensus, Michel de Lorgeril prône au contraire un avis simple et tranché : toute étude comportant des « défauts majeurs dans la conduite de ces études » (De Lorgeril, 2018) doit être écartée . Or la grande majorité des études dont les résultats attestent d’un lien, même statistique, entre cholestérol et risques cardiovasculaires présente, selon lui, des problèmes. Son attaque dirigée vers l’étude 4S en témoigne par exemple.
De cette étude, Michel de Lorgeril remet en question autant la méthode, qu’il juge trop peu rigoureuse , que le journal ayant publié l’article.
Par conséquent, M. de Lorgeril considère que lier taux de cholestérol et maladies cardiovasculaires est absurde. Point du vue qu’il justifie en mentionnant comment le cholestérol est un élément essentiel au bon fonctionnement de l’organisme, et qu’un taux élevé de cholestérol amène non pas complications et maladies cardiovasculaires, mais au contraire « une meilleure espérance de vie » (« Avantages et inconvénients d’avoir un cholestérol élevé - Michel de Lorgeril - Docteur en Médecine et Chercheur au CNRS », s. d.).
Les avis concernant ce qui pose un risque cardio-vasculaire sont donc variés et, souvent, très tranchés.