Une partie du débat sur l’allongement de la durée d’activité se cristallise autour de la question de l’emploi des seniors. En effet, la situation de l’emploi des seniors semble conditionner la réussite des mesures qui visent à allonger la durée d’activité. Rappelons-le, les mesures dont dispose le gouvernement sont le recul de l’âge légal ainsi que l’allongement de la durée de cotisation.
Un marché de l’emploi pour les seniors en France en mauvaise santé…
Actuellement, le taux d’emploi des 55-65 ans est d’environ 39 % et celui des 60-65 ans, de 18 %. L’âge moyen de cessation d’activité est de 59 ans environ (voir la publication du Cor de 2010). Tels sont les chiffres qui, aujourd’hui caractérisent la situation de l’emploi des seniors en France. Or, l’allongement de la durée d’activité à travers les modalités présentées précédemment, ne peut s’envisager de manière pertinente, qu’avec la prise en compte de ces données. Mais, leur analyse reste aujourd’hui largement controversée et conduit à des opinions divergentes par rapport aux mesures proposées.
… dès lors, les mesures pour allonger la durée d’activité sont-elles réellement efficaces ?
Concernant l’âge légal, la prise de position du PS est assez claire : mis à part quelques rares voix dissidentes, le PS est fermement opposé à la remise en cause de l’âge légal de 60 ans, mesure phare de François Mitterrand en 1981. En revanche, son positionnement est assez ambigu par rapport à l’allongement de la durée de cotisation. En effet, considérant les situations démographique et financière, le bureau national est favorable à l’allongement de la durée de cotisations. Mais, certains membres, dont Benoit Hamon (voir la page de son site personnel Retraites : le choix de la solidarité), le porte-parole du Parti y sont opposés.
Actuellement l’âge réel de la cessation d’emploi est de 59 ans, et cela, souvent indépendamment du choix des salariés : les raisons pour lesquelles les entreprises refusent de garder leurs seniors sont nombreuses : un senior est souvent considéré comme moins productif qu’un jeune par exemple. Dès lors, allonger la durée de cotisation, notamment en temps de crise et de chômage, aura des conséquences sociales désastreuses : cela aggravera la baisse du niveau des pensions et la précarité des retraités puisque les seniors, ne pouvant pas travailler suffisamment longtemps pour atteindre la durée escomptée de cotisation, subiront des décotes.
D’après Jean-Olivier Hairault (voir les pages 48 à 50 du rapport du Sénat), le constat est le même mais l’éclairage est complètement différent. En effet, il explique que le phénomène de retraite précoce est dû principalement à l’existence de dispositifs qui permettent des cessations anticipées d’activité. Certes, avec la réforme de 2003, de nombreux dispositifs de préretraite ont été fermés. Mais, il en subsiste qui sont en fait des préretraites masquées, à travers des conditions préférentielles d’indemnisation des chômeurs de plus de 57 ans. Ainsi, si on se retrouve au chômage à partir de 57 ans, on perçoit une allocation de chômage représentant environ 80 % du salaire et elle est maintenue jusqu’à l’âge de la retraite au taux plein : dès lors, pourquoi reprendre un emploi ? De ce fait, le taux d’activité des seniors est bas vers 55-60 ans. Il propose donc de supprimer ces dispositifs, afin de rendre efficace les mesures pour allonger la durée d’activité.
L’allongement mécanique de la durée d’activité, rendu possible par l’effet d’horizon ou pas…
Par ailleurs, le taux d’activité des 60-65 ans est extrêmement faible : selon Hairault, cela est dû à un effet psychologique dit d’horizon. En effet, la faible distance à la date de départ à la retraite dissuade à la fois les entreprises d’embaucher et former des seniors et les seniors, de se présenter comme disponibles sur le marché du travail : le recrutement comme la reprise d’activité représentent en effet des investissements, qui ont un coût présent, remboursé par les revenus futurs, dépendant de l’horizon, c’est-à-dire de la distance à la retraite. A l’approche du moment du départ à la retraite, des réflexions du type « A quoi bon rechercher activement un emploi si sa durée est très courte ? » et « à quoi bon embaucher un travailleur dont on se séparera sans doute prochainement » sont alors courantes. Donc, reculer l’âge de départ à la retraite permettra d’augmenter le taux d’emploi des seniors, par un effet mécanique d’allongement de l’horizon.
Écoutez l’interview de Jean-Olivier Hairault (effet d’horizon)
A contrario, Anne-Marie Guillemard (voir l’article du Monde) estime que repousser l’âge de la retraite n’induira pas automatiquement le report de l’âge réel de sortie du marché du travail. En effet, malgré la réforme de 2003 qui a augmenté la durée de cotisation et le plan d’emploi des seniors de 2006 qui a contribué à supprimer la plupart des dispositifs de préretraite, l’âge de cessation d’activité n’a que peu évolué. Pour elle, il n’ y a plus besoin d’agir sur les paramètres liés à la retraite mais il faut maintenant jouer sur des instruments de politique de l’emploi : c’est-à-dire dire instaurer une politique efficace qui stimulera la demande d’emploi des seniors de la part des entreprises.
En somme, les effets des mesures visant à allonger la durée d’activité sur le marché de l’emploi des seniors restent contestés. Il semblerait qu’on ne pourra juger de leur pertinence qu’à travers leur mise en œuvre.
Pour poursuivre le cheminement dans l’analyse des débats, se reporter à la page : Des aménagements à prévoir ?