Allonger la durée d’activité, un levier controversé
Etant donné les enjeux actuels concernant le système actuel de retraites par répartition (voir la page Faut-il changer de système ? Répartition contre capitalisation), l’allongement de la durée d’activité peut constituer un levier pour l’équilibrer.
C’est en tout cas la position du gouvernement : en témoigne notamment la remarque d’Eric Woerth, prononcée le 7 septembre à l’Assemblée nationale – « Aujourd’hui on vit plus longtemps. Il est normal, il est naturel, il est logique de prolonger le temps au travail ». Il s’agit ainsi là d’un argument qui s’appuie sur une notion de lucidité : face à une problématique démographique qu’est le vieillissement de la population (voir la page Quel est le problème des retraites), le gouvernement veut apporter une réponse démographique : faire travailler plus longtemps tout le monde.
Cependant, certains acteurs sont contre cette mesure. La position du parti socialiste est intéressante à analyser dans ce cadre. Officiellement, comme le précise le programme, allonger la durée d’activité est profondément injuste. En effet, comme le rappelle très bien la vidéo résumant les propositions du PS pour la retraite (voir le lien du site du PS sur les retraites), cette mesure fait porter la quasi totalité des efforts sur les salariés en les faisant travailler plus, alors qu’une mise à contribution des revenus du capital suffirait à régler le problème. C’est également la position adoptée par les syndicats. Néanmoins, ce moyen n’est pas efficace économiquement parlant.
En admettant la nécessité de recourir à l’allongement de la durée d’activité, deux leviers sont envisageables : le recul de l’âge légal ou l’allongement de la durée de cotisation : on peut se référer au paragraphe suivant concernant les modalités de cet allongement.
Quels moyens pour allonger la durée d’activité ?
Pour allonger la durée d’activité, le gouvernement dispose de plusieurs solutions dont l’efficacité économique et l’équité font débat.
Le système français présente la spécificité de faire intervenir deux paramètres à la fois : pour bénéficier de la retraite à taux plein, il faut avoir cotisé suffisamment longtemps et atteint l’âge légal de départ à la retraite. Si l’une des deux conditions n’est pas satisfaite, les pensions subissent alors des décotes. Néanmoins, à partir de l’âge dit de retraite à taux plein, toute personne peut bénéficier de la retraite sans décote, quel que soit le nombre de trimestres cotisés.
Avant la réforme de 2010, l’âge légal était fixé à 60 ans, la durée de cotisation, à 40 ans et l’âge de retraite à taux plein, à 65 ans. Par ailleurs, la réforme de 2003 prévoyait un allongement progressif de la durée de cotisation de 40 à 41 ans, en 2012.
Ainsi, pour allonger la durée d’activité, plusieurs leviers peuvent être mobilisés :
- soit l’âge légal de départ à la retraite
- soit la durée de cotisations
Le choix de l’un des deux leviers suscite la controverse et semble opposer le gouvernement à la plupart des autres acteurs.
Le recul de l’âge légal, un levier apparemment plus efficace…
Alors qu’en 2003, le gouvernement avait recouru à l’allongement de la durée de cotisation, aujourd’hui, sa position est différente : il veut à la fois continuer d’allonger la durée de cotisation et reculer l’âge légal. En effet, il estime que l’âge légal représente un âge réglementaire, donc il ne laisse aucun choix à l’intéressé concernant son départ à la retraite : donc le report de l’âge légal lance un signal clair et fort à tous les acteurs économiques et retarde effectivement le départ à la retraite.
Au contraire, agir sur la durée de cotisation préserve la liberté de chacun quant au choix de son moment de départ. Ce levier est-il pour autant moins efficace sur le plan économique ? Non, d’après Jean-Olivier Hairault (se reporter à son interview). En effet, il soutient que les personnes savent qu’il y a un coût à partir avant d’atteindre cette durée (ils perçoivent des pensions plus faibles à cause du système de décote), donc elles vont cotiser suffisamment longtemps avant de liquider leur retraite. En somme, reporter l’âge légal ou allonger la durée de cotisation auraient la même efficacité économique.
… mais l’allongement de la durée de cotisation, une mesure qui semble plus équitable
Par ailleurs, d’autres acteurs défendent le recours à l’allongement de la durée de cotisation pour des raisons de justice sociale. C’est le cas de Jean-Olivier Hairault mais aussi du bureau national du Parti Socialiste.
En effet, agir sur la durée de cotisation serait plus équitable. Avec cette durée, tous travaillent le même temps : que ce soit ceux qui ont commencé à travailler jeunes et pour lesquels la durée d’activité est très longue et l’espérance de vie plus courte, (généralement des travailleurs manuels) ou ceux qui ont débuté leur carrière tardivement et qui ont une espérance de vie plus importante (généralement des cadres). Au contraire, avec l’âge légal, ceux qui ont commencé tôt sont pénalisés et doivent attendre plus longtemps avant de partir à la retraite, même s’ils ont déjà cotisé une durée égale à la durée de cotisation.
Ainsi, le gouvernement dispose de deux leviers permettant d’allonger la durée de cotisation, dont les conséquences sociales et économiques sont bien différentes.
Avant de choisir l’un des deux, il convient d’analyser leur capacité à allonger effectivement la durée d’activité, étant donné la situation actuelle en terme d’emploi des seniors. On se reportera à juste titre à la page …ou un leurre : Quels emplois pour les seniors ?