Les problèmes de financement des pensions de retraite ont amené le gouvernement à proposer d’allonger la durée d’activité. Bien que l’efficacité d’une telle mesure quant à la résorption du déficit soit remise en cause, ce choix peut s’opposer à des principes d’équité.
En effet, le montant des cotisations et des pensions perçues doit prendre en compte certains critères qui échapperaient à une législation trop généraliste. S’il s’agit pour la majorité des acteurs politiques de faire appliquer une réforme juste et équitable, ou tout du moins qui prétend l’être, tous conviennent de la nécessité d’une législation adaptée à chacun. Ainsi, un système juste reposerait non pas sur une application stricte de principes égalitaristes, mais au contraire sur une adaptabilité des régimes de pension aux spécificités des parcours de chacun.
C’est pourquoi le gouvernement souhaite mettre en place des mesures visant à prendre en compte ces cas particuliers. Néanmoins, elles sont fréquemment critiquées par les autres acteurs du débat, partis politiques ou syndicats. La prise en compte de la pénibilité ne se fait certes qu’au travers de simples modalités administratives et non par une refonte profonde du système de retraite, mais elle reflète l’attention portée par les pouvoirs publics aux spécificités de chacun et sa volonté de subvenir aux besoins de tous dans un souci d’équité.
Ces cas particuliers, qui ajoutés les uns aux autres forment une part finalement conséquente des ayant-droits peuvent néanmoins être regroupés sous différentes catégories. La formation de cette classification peut amener par simplification à plus de clarté qu’une analyse au cas par cas, inapplicable dans les faits. Les plus vastes catégories sont notamment représentées par les femmes aux carrières morcelées, les travailleurs de secteurs pénibles, les handicapés, les cotisants aux études longues et les cotisants au contraire aux carrières longues.
Quelle retraite pour les femmes ?
De plus faibles pensions pour les femmes
Nous savons qu’à l’heure actuelle, les femmes bénéficient en moyenne de salaires moins élevés que ceux des hommes. Ce ratio se chiffre actuellement à 27%. Fruit d’une inégalité historique, cette minoration relative du salaire moyen perçu par les femmes est combattue par les pouvoirs publics. En effet, qu’il s’agisse de l’administration ou de secteurs privés, la différence de rémunération tend à s’amenuiser par l’application de lois allant en ce sens. L’alignement des grilles de salaire sur celles des hommes ainsi que les sanctions à l’encontre des entreprises récalcitrantes en sont les principaux moyens.
Toutefois, l’égalité des rémunérations est encore loin d’être une réalité. Or le montant des pensions versées aux ayant-droits est indexé sur celui de leurs cotisations, elles-mêmes croissantes avec le salaire. La méthode actuelle de détermination des pensions conduit donc les femmes à percevoir en moyenne moins d’argent que les hommes. Il est légitime de s’insurger contre cette inégalité pointée par les chiffres des caisses de retraites.
Tout d’abord, cherchons à comprendre d’où provient cette inégalité de salaire.
Si les filles ne sont pas moins brillantes que leurs camarades masculins, il n’en demeure pas moins qu’elles arrêtent en général leurs études les premières. Leur niveau de formation en fin de cursus étant moins élevé que celui des hommes, elles perçoivent de facto de plus faibles salaires.
De surcroît, il est fréquent qu’une fille suive un cursus universitaire moins professionnalisant, ou tout du moins, moins rémunérateur que les hommes de leur âge. Nous pouvons notamment le voir au travers des effectifs des grandes écoles d’ingénieurs scientifiques françaises (les femmes constituent moins de 20% des effectifs totaux).
En outre, la rupture des carrières professionnelles des femmes est habituelle en raison de l’éducation des enfants. Ce morcellement de la vie professionnelle entrave aussi les femmes dans leur obtention de postes et de salaires équivalents aux hommes. Cet état de fait repose sur l’attribution de l’éducation des enfants quasi systématique à la femme d’un couple. Elles cotisent par la même moins longtemps que les hommes.
Par ailleurs, en sus de ce qui a été évoqué, le sexisme ambiant mène à une rémunération bien souvent minorée pour les femmes, y compris dans des cas de postes équivalents, à formations équivalentes. Les raisons de ces phénomènes sont sociologiques et peuvent en partie être expliquées par la différence des éducations reçues par les deux sexes. La société toute entière ne les prédestinerait pas un même parcours professionnel. La distinction des éducations est pointée par la fameuse citation « on ne naît pas femme, on le devient » de Simone de Beauvoir.
Nous avons donc vu pourquoi les cotisations des femmes sont inférieures à celles des hommes. Les politiques tentent de lutter contre ces inégalités. Pour ce faire, ils promulguent des lois visant à réévaluer artificiellement le montant des pensions des femmes pour rétablir une rémunération juste et égalitaire entre les sexes.
Les mesures actuelles
Il existe actuellement des mesures tendant à rétablir l’équité du système des retraites des femmes. Elles sont présentées ci dessous dans leurs grandes lignes.
- Une majoration de durée d’assurance accorde aux femmes jusqu’à huit trimestres d’assurances par enfant (comprenant les adoptions) supplémentaires, qu’elles se soient arrêtées de travailler ou non.
- Les interruptions ou les réductions d’activité des parents sont compensées par l’assurance vieillesse des parents au foyer qui comptabilise les périodes passées au foyer pour élever des enfants
- Les femmes ayant eu ou élevé trois enfants ou plus peuvent bénéficier de majorations de pension allant jusqu’à 10%. Cette disposition est également étendue aux pères.
- Un dispositif consiste à reverser 54% de la pension du conjoint décédé au conjoint survivant du couple, même en cas de remariage. La somme doit être comprise entre 261,43€ et 1.509€ par mois. Le montant de la pension de réversion dépend également des ressources du conjoint survivant.
- Par ailleurs, les femmes travaillant dans la fonction publique bénéficient d’avantages pour leur retraite devant les salariées du privé, introduisant une situation inégalitaire.
Les propositions des acteurs politiques
Au sein des réformes actuelles, le gouvernement s’est attaché à la question de l’équité de la retraite des femmes. Suivant cet objectif, la loi promulguée par le gouvernent UMP en avril 2011 devrait, selon les textes officiels (dont il est impossible d’en juger l’efficacité en raison de l’absence de retours d’expérience la concernant) permettre d’atteindre une plus grande égalité.
- Prenant en compte les indemnités journalières perçues lors du congé de maternité, la loi améliore le niveau de la pension des mères.
- Elle permet aussi aux mères de 3 enfants de prendre leur retraite à taux plein dès 65 ans malgré l’éventuel manque de trimestres cotisés en raison de l’interruption de leur carrière pour élever leurs enfants.
- La loi s’attaque également à la racine du problème en luttant contre les inégalités de salaires. Comme nous l’avons vu, elles conduisent à des pensions plus basses pour les femmes. Ce ne sera plus un devoir moral, mais bel et bien des sanctions financières qui inciteront les entreprises à réduire les écarts de salaire entre hommes et femmes.
Ces mesures bénéficieront à plus de 130 000 femmes.
Le Parti Socialiste français dénonce quant à lui l’iniquité en la matière des réformes du gouvernement. Selon lui, le recul de l’âge de départ à taux plein de 65 à 67 ans, le gouvernement pénalise d’abord les femmes qui ont eu des carrières incomplètes ou morcelées.
Quelle prise en compte de la pénibilité ?
Des inégalités entre catégories socio-professionnelles
La pénibilité du travail effectué pendant la carrière professionnelle doit aussi être prise en compte dans le calcul des pensions pour un système de retraite juste et équitable.
En effet, la longévité des personnes ayant des carrières professionnelles pénibles est inférieure à la moyenne nationale. Nous pouvons notamment constater au travers des documents de l’INSEE que les Cadres et professions intellectuelles supérieures ont une espérance de vie de 7 années supérieures à celle des ouvriers. Ainsi, avec un départ en retraite à un âge uniformisé, certains bénéficieront de retraites plus courtes.
Par ailleurs, les carrières pénibles altèrent grandement la santé et par la même la qualité de vie des travailleurs concernés. Passé 60 ans, cette détérioration se fait d’autant plus sentir et affecte les retraités. Ils seront moins à même que d’autres de réaliser leurs projets.
L’introduction du taux d’invalidité
Pour remédier à cette inégalité, un projet de loi prévoit d’abaisser l’âge de départ à 60 ans pour les individus au taux d’invalidité de 20% ou plus. Certaines critiques concernent le mode d’évaluation de ce taux d’invalidité pour deux principales raisons. Tout d’abord, les critères d’évaluation ne portent que sur les symptômes déclarés des personnes, sans prendre en compte les risques d’avoir une maladie après le départ en retraite mais toutefois liée aux conditions de travail.
Il est par ailleurs difficile de faire un diagnostic précis des pathologies qui ont des causes professionnelles en raison de l’impossibilité de les isoler spécifiquement des autres facteurs (hérédité, hygiène de vie,…). Finalement, le corps médical manque profondément d’expérience en la matière.
L’opposition souligne que ce taux est bien trop élevé pour prendre en compte l’ensemble des carrières pénibles. Par ailleurs, la loi Fillon de 2003 prévoyait l’ouverture de négociations sur la pénibilité qui n’ont pas abouties. Le gouvernement a proposé par la suite d’abaisser le taux à 10% après des études au cas par cas. Le Parti Communiste accueille avec froideur la réforme. En effet, il fustige avec virulence la loi proposée par l’UMP.
Selon lui, il n’améliore en rien la situation des « plus usés », et bien au contraire. Seul le maintien de l’âge de départ à 60 ans les concernant ne serait pas néfaste. Il réduirait significativement le nombre de cas bénéficiant d’avantages, et ne laisserait partir prématurément que les travailleurs les plus « abîmés et inutiles au patronat ». La clause la plus scandaleuse serait la nécessité d’être exposé plus de 17 ans à des facteurs de risque pour répondre aux critères de sélection.
Le cas particulier des handicapés
La législation prévoit actuellement pour les travailleurs présentant un taux d’invalidité permanent supérieur à 80% de partir en retraite dès 55 ans, si un nombre de trimestre suffisant a déjà été validé (120 dont 100 effectivement cotisés).
Quelle prise en compte des carrières longues et des études longues ?
Les carrières longues et études courtes
Le régime des individus ayant commencé à travailler tôt, est défini par la loi Fillon. Il permet à ceux qui ont commencé à travailler jeune de partir en retraite avant 60 ans. Il faut pour cela avoir validé 42 années, soit deux ans de plus que la durée de cotisation nécessaire pour une retraite à taux plein.
Le gouvernement actuel souhaite prolonger ce dispositif destiné aux carrières longues. Les salariés ayant commencé à travailler avant 18 ans partiraient à la retraite à 60 ans, et ceux qui ont débuté à 14 ou 15 partiraient à la retraite à 58 ans. Cette mesure pourrait s’adresser à 90 000 travailleurs par an.
L’opposition quant à elle assure que les réformes envisagées ne régleront en rien le problème des longues carrières.
Les études longues
Les personnes ayant eu au contraire un parcours universitaire particulièrement long sont pénalisées car elles ne disposent pas du nombre de trimestres nécessaires pour partir en retraite à taux plein au même âge qu’une personne ayant fait des études plus courtes.
Aucune mesure actuelle n’est prise pour remédier à ce problème. Si la droite ne semble pas s’en préoccuper davantage, la gauche propose un système simple permettant de rétablir l’équilibre. Il s’agirait de compter les années d’études et surtout le stage de fin d’étude comme des trimestres validés. Il faudrait pour cela que les étudiants concernés soient rémunérés.
La prise en compte des cas particuliers pour déterminer les niveaux des pensions et de manière plus générale le choix des leviers utilisés pour réformer dépendent des conceptions qu’ont les acteurs de cette controverse de l’équité et de l’efficacité : pour analyser plus précisément cet aspect, voir la page : Equité et efficacité.