Le Cruiser

 

Le cruiser donne un exemple frappant de ce qui attend les nouveaux insecticides lancés sur le marché français avec l’évolution de la controverse. Les tests sont de plus en plus au centre des revendications et les apiculteurs demandent aux autorités un maximum de précautions.

Le Cruiser est un produit lancé sur le marché par l’entreprise suisse Syngenta après une autorisation délivrée en  Janvier 2008. Cette homologation fait suite à un avis de l’AFSSA favorable au Cruiser rendu en décembre 2007. Le produit utilise comme molécule active le thiamétoxame, dans la ligné du Gaucho c’est aussi un insecticide systémique utilisé en enrobage de semences de maïs et colza. L’AMM délivré par le ministère est accompagné de conditions de précautions maximales pour ne pas rééditer la controverse du Gaucho et son autorisation n’est valable que pour un an.

Cette fois-ci la controverse éclate beaucoup plus vite et prend une dimension publique lors de manifestations début 2008. Après la mise sur le marché du Gaucho la controverse avait tout d’abord enflé entre 1994 et 1997 lors d’échanges entre les associations d’apiculteurs et la société Bayer CropScience. Ici la réaction est immédiate et des mesures de suivi drastiques sont promises par Syngenta. L’absence de surmortalité préoccupante lors des premières applications fait pencher la balance en faveur de la société suisse et l’homologation est maintenue.

La profession apicole s’étonne de cette décision, le produit est en apparence très proche du Gaucho, leurs substances actives étant du même type. Néanmoins d’autres produits de la gamme Cruiser sont homologués par le ministère avec l’avis favorable de l’ANSES (remplace l’AFSSA depuis juillet  2010) comme le Cruiser OSR en 2011, mélange de deux fongicides et de l’insecticide qui inquiète tant les apiculteurs.

Le 16 Février 2011 la décision du conseil d’état censé certifié l’AMM du Cruiser pour les années 2008 et 2009 est négative. Le Conseil d’Etat a considéré que la méthode d’évaluation du risque utilisée par l’Anses pour donner son avis n’était pas conforme au décret du 5 mai 1994 relatif au contrôle des produits phytopharmaceutiques. D’une part,  » l’Anses n’a pas recouru à la ‘méthode des quotients de danger qui permet de mesurer les risques de mortalité pour ces dernières en cas d’exposition au produit ». « La décision écarte l’argumentation selon laquelle la méthode des quotients de danger ne serait pas pertinente pour les produits dits « systémiques », qui, comme le Cruiser, ne sont pas appliqués par pulvérisation mais par enrobage, au motif juridique qu’une telle distinction ne se trouve pas dans les textes définissant la méthode d’évaluation. Il incombait donc à l’Anses de procéder en premier lieu à une telle évaluation », explique le Conseil d’Etat. Cette mesure n’est qu’en apparence une victoire des défenseur de la cause des abeilles face à Syngenta. Le produit amélioré ayant reçu son AMM en 2011 est toujours en libre circulation et le mal est déjà fait pour les versions plus anciennes. La décision du Conseil d’Etat intervient trop tard d’après les associations d’apiculteurs comme l’UNAF.

En 2012 la controverse prend une tout autre dimension lorsque de nouveaux résultats de chercheurs français sont publiés et font état d’un problème de désorientation massive des abeilles exposées à des doses bien inférieures aux doses critiques de thiamétoxame si celles-ci sont associées à d’autres agents chimiques, c’est l’effet cocktail. Pour cela les chercheurs de l’INRA ont fait appel à de puces RFID fixées sur le dos de 653 abeilles. La controverse est relancée et des études supplémentaires sont demandées à l’ANSES par le ministère qui envisage alors l’interdiction du Cruiser. L’AMM est en cour de réévaluation et le statut définitif sera décidé après avoir pris connaissance des conclusions de l’enquête de l’ANSES ainsi que des études parallèles menées par l’INRA et l’Acta.

Le produit est autorisé au sein de l’U.E. et seule l’Italie l’a interdit définitivement tandis que l’Allemagne et la Slovénie sont revenus sur leurs interdictions après examen approfondit.