Les premiers pesticides apparaissent dans les années 50 et permettent ainsi l’essor de l’agriculture française. Des mortalités inexpliquées chez les populations d’abeilles domestiques font alors surface. Cependant, ce n’est qu’au cours des années 90 que le phénomène prend de l’ampleur alors qu’apparaissent les pesticides systémiques. Cette nouvelle technique consiste à enrober les graines à semer, de manière à ce que le pesticide imprègne la plante : il est ainsi présent en quantités bien plus infimes, directement dans la sève et les différents organes de la plante, ce qui évite de recourir à épandage grossier sur les cultures. Dès lors, comment expliquer la corrélation spatiale et temporelle entre l’apparition de cette nouvelle génération de pesticides et le dépeuplement des colonies d’abeilles ? Comment même justifier qu’il n’y a pas encore à ce jour d’explication globalement acceptée désignant le ou les causes responsables de la surmortalité des abeilles ? Pourquoi le mystère de la disparition des abeilles fait-il encore débat ?
Comme dit le slogan de l’Union des Apiculteurs Français (UNAF), les abeilles sont les « sentinelles de l’environnement ». En effet, leur activité de pollinisation et de production de miel leur vaut d’être un intermédiaire entre l’homme et ses campagnes. C’en est même un outil écologique, puisque l’abeille domestique possède des propriétés éthologiques précieuses : l’efficacité de cet outil provient de son fort taux de reproduction, de sa grande mobilité et de sa capacité à parcourir un nombre important de fleurs. C’est pourquoi leur disparition inquiète. Une citation très connue attribuée à Albert Einstein rapporte que « Si les abeilles venaient à disparaître, l’humanité n’aurait plus que quatre années devant elle. » Cette affirmation est exagérée, mais selon Yves Le Conte, directeur d’unité à l’INRA et spécialiste français de la question, il est vrai que 35% de ce qui est dans nos assiettes est lié à la pollinisation. Le grand public, ainsi que les organismes de protection de l’environnement sont donc extrêmement suspicieux vis-à-vis de la cause la plus citée en France: les pesticides.
Cependant tout pesticide est soumis à des autorisations de mises sur le marché (AMM) qui garantissent que les doses de produits toxiques en contact avec les abeilles restent en dessous de certains seuils légaux (voir lexique). Pourquoi donc y a-t-il encore débat? Les institutions d’expertise doivent-elles être mises en cause, et pour quelles raisons? Ou peut-être y aurait-il une autre hypothèse qui puisse concilier la toxicité des pesticides et la validité des tests effectués? Les interactions entre différents pesticides ne sont en effet pas étudiées dans les protocoles d’homologation, et semblent pouvoir être une des causes de la surmortalité des abeilles.