Les abeilles, comme tout insecte, subissent les effets des pesticides à la fois par simple contact et par ingestion. Les voies de la contamination sont multiples :
Contact :
Les abeilles sont bien sûr vulnérables aux pesticides lorsqu’elles sont touchées par un épandage, ou lorsqu’elles se posent sur des plantes qui ont été précédemment traitées. Toutefois, il n’est pas nécessaire que les pesticides aient été vaporisés pour que les abeilles en subissent les effets. Les nouvelles générations de pesticides, les insecticides systémiques, sont présents à travers tout le système biologique de la plante. Dans un dossier « Extermination des abeilles, vers la récidive ? » publié dans Global Magazine, l’auteur explique que ce produit est appliqué par enrobage des semences, c’est-à-dire qu’il »pénètre dans les graines, les racines, les feuilles, l’écorce et diffuse dans toute la plante via la sève. » Plutôt que de procéder à une pulvérisation classique sur les cultures lorsqu’elle subissent une agression (insecte, champignon…), on prévient tout dommage par un « guet apens préventif de molécules toxiques« qui empoisonneront les parasites lorsqu’ils entreront en contact avec la plante.
Les producteurs rétorquent cependant que les pesticides systémiques sont présents à des doses inoffensives pour l’abeille. Pour autant, le mode de butinage de l’abeille engendre l’accumulation de plusieurs pesticides, ce qui constitue des mélanges qui peuvent être d’avantages toxiques que les substances insecticides prises seules: l’abeille récolte le pollen des fleurs pour fabriquer du miel. Pour cela, elle transporte une boule de pollen qui se fixe sur les poils de ses pattes.
Une telle pelote peut, et doit contenir des pollens différents pour contribuer à la richesse du nectar (qui sera transformé en miel). C’est l’occasion de constituer un cocktail de pesticides que l’abeille ramènera à la ruche.
Comme les humains, les abeilles doivent boire. Or, parfois, l’eau que boivent les abeilles concentre des pesticides. En 2010, Sophie Dugué, membre du bureau de l’UNAF, rapporte en parlant du Gaucho: « lors de la poussée de la plante, une petite goutte d’eau chargée de toxique est sécrétée. Si l’abeille boit cette petite goutte d’eau, quelques minutes après, elle meurt. » Mais c’est tous les jours que les abeilles sont menacées par de telles phénomènes. En effet le professeur Vincenzo Girolami a montré que les gouttes d’eau issues de la « transpiration » des feuilles (voir guttation), peuvent contenir des néonicotinoïdes (substance participant à l’enrobage des graines) « à des concentrations 10 000 fois supérieures à la dose létale pour les abeilles » selon Andrea Tapparo, sa collègue.
Communication et trophallaxie :
Les ruches sont des organismes vivants dans lesquels les échanges entres abeilles sont intenses. L’abeille est un insecte social en communication permanente avec ses congénères. Tout comme les fourmis, elles peuvent échanger la nourriture stockée dans leur jabot social, en la régurgitant et en l’échangeant de bouche à bouche : c’est la trophallaxie. Les échanges de type salivaire sont ainsi très fréquent, et c’est pourquoi on parle parfois d’ « effondrement de colonie » : les abeilles qui ont été en contact avec des pesticides dont les effets ne se font pas ressentir instantanément peuvent contaminer les autres ouvrières avant de mourir.
Résultat : Accumulation dans la ruche
Une étude de l’AFSSA : « pesticides, le pollen et les abeilles » (2006) a montré que les résidus de pesticides transportés par les abeilles s’accumulent au sein de la ruche dans les pelotes de pollen, la cire et miel. Ce type d’étude montre que le terme de « cocktail » n’est pas de trop pour désigner les mélangent qui s’opèrent dans la ruche.
Les effets de la contamination, symptômes
L’action des pesticides peut être immédiate ou différée, et selon les substances toxiques, les symptômes divergent.
Action immédiate : cas des pesticides systémiques
C’est l’effet neurotoxique des pesticides systémiques qui les rend si efficaces. Selon l’auteur du dossier de Global Magazine, « ces substances se fixent irréversiblement sur certains récepteurs des cellules nerveuses ce qui interrompt la transmission de l’influx nerveux. L’insecte est frappé d’incoordination motrice marquée par un fort stress énergétique, de tremblement généralisé, de prostration intense puis meurt. » C’est pourquoi nombre d’abeilles qui subissent ces effets ne peuvent même pas rentrer à la ruche, et que l’on est pas en mesure d’observer les effets de ces pesticides sur le terrain.
Action indirecte et différée :
- Perte d’immunité :
Selon un article publié dans le journal scientifique Environmental Microbiology (2009), une étude à laquelle a notemment participé l’INRA d’Avignon (dont Yves Le Conte et Luc Belzunces) a montré que « les pesticides peuvent être responsables d’une diminution de l’activité de la glucose-oxydase, qui permet aux abeilles de stériliser la nourriture de la colonie et du couvain, particulièrement dans le cas de combinaison de facteurs tels que nosema et l’imidaclopride« . A la manière du virus du SIDA, les pesticides ont raison des défenses immunitaires de l’abeille et permettent à des causes secondaires de porter atteinte à l’abeille.
- Désorientation:
Une équipe de chercheurs a mis en place une expérience en mars 2012 permettant de mettre en évidence la désorientation des abeilles suite à une exposition aux néonicotinoïdes. Selon le communiqué de presse de l’INRA, « un ensemble des 650 butineuses a été relâché à 1 kilomètre de leur ruche, une distance habituelle de butinage chez les abeilles domestiques. » En comparant le nombre d’abeilles ayant réussi à retourner à leur ruche avec un groupe d’abeille témoin, les chercheurs ont « évalué le taux de disparition imputable à l’ingestion du produit testé. » C’est la première expérience concluante quantifiant la désorientation subie par les abeilles causée par les pesticides.
On a également observé d’autres troubles tels que la sous-nutrition, un affaiblissement du potentiel de reproduction ou des troubles de la communication.
A noter : les herbicides participent aussi à la raréfaction de leurs ressources alimentaires.