Chacun des acteurs présente une vision différente des origines de la controverse et formule des hypothèses quand aux causes réelles du phénomène de disparition des abeilles. On peut identifier dans chaque version la responsabilité accordée à chacun.
On imagine mal comment les insecticides pourraient être inoffensifs pour les abeilles quand leur rôle premier est d’éradiquer les populations d’insectes dans les cultures. C’est en quelque sorte l’idée de base que défendent les apiculteurs. Le déclin des abeilles observé depuis le début des années soixante dix a été accéléré de façon spectaculaire à la fin du vingtième siècle. Les dates coïncident avec l’apparition de nouveaux types de pesticides comme le Gaucho, les insecticides systémiques.
Pourtant les motivations de ces nouvelles technologies agricoles étaient en partie motivées par l’environnement. Le principe d’application avant semis permet d’économiser une part non négligeable d’agent chimique qui était auparavant emportée par le vent lors de l’épandage. Le fait que l’agent soit sécrété directement dans la sève de la plante permet aussi d’assurer que le contact ne se fera que si l’insecte consomme un fluide ou un fragment de la plante traitée. Bien sur les tests d’homologation prennent en compte le fait que le pollen présent sur un plant de tournesol par exemple est susceptible d’être transporté par une abeille. La dose qui est présente dans le pollen est donc en conséquence bien inférieure à la DL50 (dose estimée en laboratoire à laquelle 50% d’une ruche décède) pour garantir la survie des abeilles.
Avec l’assurance que ces mesures de précaution sont bien respectées les producteurs de produits phytosanitaires n’ont à priori rien à se reprocher. Quand bien même on fait appel à eux pour de nouvelles expérimentations les problèmes sont très probablement liés à des effets provoqués en plein champ par la synergie de plusieurs facteurs et les études menées en laboratoire ne sont pas actuellement en mesure de les recréer de façon probante. Les abeilles sont sensibles à un grand nombre de produits, maladies et parasites. Par le passé, on a déjà constaté des « épidémies de mortalité » telles que celle que l’on a observée récemment en Europe, mais où l’on peut être sûr qu’il n’y avait pas de lien avec l’imidaclopride ou le fipronil. Même aujourd’hui des zones de montagne ou ces produits sont absents font état d’un taux de mortalité extrêmement important.
Le Gaucho peut donc apparaitre comme un bouc émissaire parmi l’ensemble des menaces que rencontrent les abeilles. Gérard Arnold chercheur au CNRS tient à nuancer les effets de synergie et la revendication d’une controverse dont les causes sont multifactorielles. Selon lui il est même très probable qu’il existe une hiérarchie des facteurs. Tandis que les insecticides ouvrent la voie en affaiblissant les abeilles ouvrières, les maladies comme le varroa et les parasites comme le nosema ceranae se transmettent plus facilement. Il n’est donc pas exclu de déterminer une cause première.