Péages urbains

L’acceptabilité citoyenne: Comment la population est-elle susceptible de réagir à l’implantation d’un péage urbain ?
“Gaining public support is critical for successfully implementing a congestion charge.”[1]


Quels facteurs influencent l’acceptabilité ?


Les études que nous avons analysées vis-à-vis de l’acceptabilité citoyenne du péage révèlent des méthodes similaires : elles se fondent sur des sondages d’opinion faisant ou non suite à une modélisation du pricing ou d’un type infrastructure qui serait susceptible d’être installé dans la ville sondée. Cependant, l’accent est mis sur des critères et des aspects variables d’une étude à l’autre ce qui engendre des résultats différents pour quantifier l’acceptabilité. Cela permet par contre d’avoir un large horizon des facteurs influençant l’acceptabilité.

Voici un aperçu des facteurs pris en compte dans les études concernant l’acceptabilité:

  • L’environnement socio-économique de l'interrogé:
    • la catégorie socio professionnelle (le niveau de diplôme)
    • le mode de transport déjà utilisé (l’usage ou non de la voiture)
    • la situation familiale (jeune famille, célibataires…)
    • la situation sociodémographique (le lieu d’habitat : à l’intérieur ou non de la zone sujette à tarification)
  • Les bénéfices financiers : la perception du péage urbain dépend beaucoup de l’importance des bénéfices ainsi que de leur réinvestissement. La problématique du réinvestissement est détaillée ici.
  • La répartition des taux de charges ainsi que leur montant. La problématique est détaillée ici.
  • L’aide à l’environnement, l’efficacité du péage vis-à-vis de la réduction de la pollution atmosphérique

Ces différents critères sont plus au moins importants dans leur prise en compte selon les différents acteurs. Par exemple, l’impact de l’influence des profils sociologiques est différemment quantifié selon les études scientifiques. Charles Raux et Stéphanie Souche[2] dénotent une large différence entre les « actifs » et les « inactifs » dans leur perception du péage urbain et décrivent d’ailleurs cette différence comme « jouant clairement un rôle dans la perception individuelle des principes de régulation. », et ce à la fois dans la perception de la régulation (objectif d’efficience économique) que de la compensation (équité, justice). De plus " La situation socio-démographique des individus a également une influence évidente sur leurs attitudes face aux principes de compensation, et particulièrement le fait de résider ou non dans la zone à péage ".

Cependant, L’étude Socioeconomic differences in public acceptability and car use adaptation towards urban road pricing.[3] n’indique pas de lien clair et direct entre l’acceptabilité des péages urbains ou leur adaptation de l’utilisation de la voiture et les revenus, l’âge, le sexe ou le niveau d’étude, mais un lien fort entre la fréquence d’utilisation de la voiture et l’acceptation. L’accent est plus mis sur la relation entre le rythme de vie et l’acceptabilité et moins sur les données sociales des interrogés. Les différences de point de vue semblent également découler des modèles de gains et de tarification choisis. La capacité d’adaptation des usagers n’est pas non plus toujours prise en compte dans les modèles.

Un résultat commun (également repris dans le rapport CERNA 2004, et même dans “Understanding public response to a congestion charge: A random-effects ordered logit approach”[4]) est cependant que seul le principe de payer pour la pollution est significativement mieux accepté que tous les autres (tarification par heures de pointes notamment). Il y a en fait une forte et positive influence du bénéfice financier sur le support qu’apportent les interrogés au péage. De même, il a été communément remarqué que l’amélioration de l’environnement et de sa qualité augmente fortement le support que les gens accordent au péage urbain. Ces résultats, accentués par le consensus qui les entourent, indiquent une piste favorable à l’implantation d’un péage modulé selon le niveau d’émission des véhicules, comme l’EcopassScheme à Milan, comme a pu nous le dire Pierre-Yves Bournazel, député à la mairie de Paris.

Un résultat plus controversé est celui de l’impact –positif ou négatif selon les points de vue- des compensations, pour les résidents par exemple. Il faut dans ce contexte, en effet, prendre garde à ne pas accentuer davantage les inégalités socio-démographiques : la dimension de redistribution spatiale des avantages ou inconvénients du péage est en débat permanent sur la scène publique. Pour l’étude de Charles Raux, l’aspect social est un facteur d’acceptabilité. D’autres études comme celle de Zheng Zuduo ne prennent pas particulièrement en compte cet aspect. Les inégalités sociales sont en effet l’objet d’un autre nœud que vous pouvez consulter ici.

En outre, les résultats de ces différentes études concernant l’acceptabilité montrent tous une hétérogénéité à l’intérieur même d’une population. Celle-ci est d’ailleurs prise en compte dans les études par l’ajout d’un facteur d’aléatoire dans les modèles de sondages utilisés.

Cependant, un élément clef pour comprendre l’acceptabilité sont les exemples où celle-ci a bien progressé et notamment les ingrédients du succès dans l’acceptation des péages urbains norvégiens: un objectif palpable, à savoir le financement d’un programme précis d’amélioration des infrastructures de transport et donc une durée finie ; une répartition territoriale des avantages non limitée à la zone interne au cordon ; la « carotte » du gouvernement central pour inciter les autorités locales à sauter le pas ; une part des recettes affectée aux transports en commun pour achever de convaincre ; un tarif bas et dégressif ; le péage électronique pour faciliter la vie de l'automobiliste ; et une volonté politique forte malgré l’opposition de la population ( cf " Acceptability of urban Transport Pricing. "[5] Le processus de l’implantation du péage londonien est également révélateur.

De manière générale, la nécessité d’améliorer l’acceptabilité vis-à-vis du péage urbain n’est plus à démontrer. Outre le fait d’insister sur l’apport environnemental et sanitaire de la mesure, la réorientation vers les transports s’inscrit dans une démarche d’évolution des comportements, d’inversion des tendances. L’aspect progressif de cette démarche est dite primordiale : il faut laisser le temps d’écouter, de faire, puis d’adapter : on doit adopter d’avantage de politiques de transition ainsi que de flexibilité. Pierre Yves Bourzanel, dont vous trouverez l’entretien ici, a longuement insisté sur cette procédure et cette nécessité d’adaptation et d’expérimentation. La démarche des politiciens de Londres sert à cet égard d’exemple.

1. 4.Zheng Zuduo, Liu Zhiyuan, Liu Chuanli Shiwakoti Nirajan “Understanding public response to a congestion charge: A random-effects ordered logit approach”, Transportation Research Part A-Policy and Practice, Dec 2014, Vol n°70, pages 117-134

2.Charles RAUX, Stéphanie SOUCHE, Damien PONS (2009) "Trois expériences de péage urbain en Europe: évaluation et bilan socio-économique." Rapport final pour la DRI. PREDIT. Laboratoire d'Economie des Transports, Lyon

3.Tina Gehlert, Christiane Kramer, Otto Anker Nielsen, Bernhard Schlag "Socioeconomic differences in public acceptability and car use adaptation towards urban road pricing." Transport Policy, Volume 18, Issue 5, September 2011, Pages 685-694.

5.Schade, Jens – Schlag, Bernhard: Acceptability of urban Transport Pricing. Helsinki, VATT, Valtion taloudellienne tutkimuskeskus, Government Institurte for Economic Research, 2000. ISBN 951-561-354-X