Les différents critères et définitions sous-jacentes d’un désert médical
On étudie dans la suite les différents critères à prendre compte et donnant lieu à des définitions variées d’un « désert médical ». Ces critères sont parfois intrinsèquement liés : ils influent les uns sur les autres et ce phénomène accentue la difficulté des services publics à définir de manière absolue un désert médical.
Un des premiers critères utilisé pour l’établissement de ces zones déficitaires est celui de démographie médicale : nombre de médecins dans une région donnée. Une première définition de désert médical qui s’en dégage est alors celui d’une zone où le nombre de médecins est plus bas qu’une moyenne établie sur l’ensemble des zones étudiées.
Les critiques de cette première définition de désert médical sont mises en avant en 2001 dans le rapport Lucas sur «l’exercice médical face à la permanence des soins » : « la régulation de la démographie médicale (…) n’est cependant pas le seul facteur de désertifications des régions rurales ou des zones suburbaines. En zones rurales, la désertification médicale n’est que le reflet d’une désertification générale. 70% de la population française vit sur 20% du territoire. »
On utilise bien plutôt le critère de densité médicale pour définir un désert médical : nombre de médecins par habitants. Selon le Ministère de la Santé, un « désert médical » est donc une zone où la densité médicale est inférieure de 30% à la moyenne nationale (définition 1). Un critère plus strict (inférieur de 60% à la moyenne nationale) a été adopté par l’UFC Que Choisir ? qui conclut que « les généralistes sont assez bien répartis sur le territoire » de sorte que seulement 4.8% de la population française vit dans un désert médical si l’on emploie cette première définition.
Figure 4 : Carte de la démographie médicale, toutes spécialités confondues
Source : Atlas 2015 de la démographie médicale, Conseil National de l’Ordre des Médecins
L’ISNI critique cette définition dans son rapport sur la démographie médicale de 2011 : il évoque plusieurs points comme le fait que ce découpage « ne permet pas d’appréhender les différences entre les zones rurales, les zones périurbaines et les centre-villes ». Il s’agit du Modifiable areal unit problem : on désigne ainsi le fait que le découpage des échantillons étudiés (taille, nombre et configuration des unités spatiales choisies) pour créer des statistiques influence grandement les résultats.
L’ISNI critique également autre chose :
Ce calcul basé sur la densité médicale ne prend en compte ni l’activité des médecins, ni leur âge (et donc la proximité de leur retraite) ; ni les besoins de la population. En effet, les femmes et les jeunes médecins ont tendance à moins travailler que les autres ; et les populations âgées, les enfants et les populations précaires ont de plus grands besoins de santé.
Enfin le dernier point critiqué par l’ISNI est le fait qu’un tel critère ne prend pas en compte les « déplacements de population à travers les frontières administratives » c’est-à-dire le fait que dès lors que des zones sont délimitées pour être étudiées (échantillonnage du territoire), elles sont considérées comme un ensemble d’îlots inatteignables depuis les autres zones, ce qui n’est vraisemblablement pas vérifié en pratique.
En raison de toutes ces observations, d’autres définitions sont parfois adoptées : elles sont présentées dans les pages suivantes.