L’entretien suivant a été réalisé le 31/03/2016 au Sénat et a duré environ 30 minutes. Les grandes lignes abordées ont été reprises ci-dessous.

De nombreux rapports ont été rédigés sur les PPP, qu’est-ce qui rend les législateurs si attentifs à ce sujet ?

Les PPP sont un objet de rapport privilégié, car ils constituent une dérogation au code des marchés publics, dans la mesure où il n’y a pas d’égalité d’accès (seuls les grands groupes sont en mesure de candidater à un projet de grande envergure). Entre autres, avec un PPP dans le BTP, la collectivité publique doit choisir simultanément l’architecte et l’entreprise qui réalisera l’ouvrage, alors que dans un système par lots, la collectivité contrôle beaucoup mieux le projet qu’elle réalise.

Un PPP est une sorte de paquet cadeau dans lequel on choisit simultanément le projet architectural, la construction, l’exploitation, la maintenance et le financement.

Qu’est-ce qui fait le succès de ce type de contrats ?

C’est un confort pour les élus, qui obtiennent des ouvrages rapidement et sans avancer de fond, ce qui est intéressant pour eux d’un point de vue électoral, mais ce n’est pas toujours bénéfique à la communauté pour autant. En effet, celle-là s’engage pour des années, et il est impossible de savoir quelle sera sa capacité de remboursement à la fin d’un contrat qui peut durer plus de 30 ans.

De plus, les PPP donnent à la collectivité publique un interlocuteur unique, ce qui simplifie les négociations. Cependant, en cas de désaccord, cela met les collectivités à la merci des grands groupes avec lesquels ils ont signé, qui ont des services juridiques autrement plus puissants. Ainsi, avec un PPP, il y a toujours beaucoup d’avenants, et la collectivité est bien moins maîtresse de son projet.

Quelle est la procédure pour pouvoir recourir à ces contrats dérogatoires ?

Pour pouvoir passer un Contrat de Partenariat, la personne publique doit montrer que le projet s’inscrit dans l’une des trois conditions suivantes : urgence de la réalisation, complexité trop importante pour être prise en charge par la personne publique ou efficience économique meilleure dans le cas d’un CP.

Aujourd’hui c’est ce dernier critère qui est choisi le plus souvent. Néanmoins, les études préalables censées démontrer l’avantage économique sont faites sans devis ni du côté d’un CP ni du côté d’une maîtrise d’oeuvre publique (procédure classique). Il repose donc sur un nombre important d’hypothèses invérifiables.

Quelle place les PME arrivent-elles à obtenir dans ces gros contrats ?

Les PME n’ont pas la même place dans un PPP et dans un marché public classique : dans un PPP, l’entreprise commanditée fera certes intervenir des PME, mais elle prendre les PME les moins chers plutôt que les PME locales. Le PPP ne respecte pas la spécificité des métiers.

Les PPP sont-ils selon vous plus économiques pour les collectivités ou l’État ?

J’estime qu’ils coûtent généralement plus chers, ne serait-ce que parce que les entreprises empruntent aux banques à un taux plus élevé que le secteur public.

Philippe Seguin, alors président de la Cour des Comptes, disait que les PPP étaient les crédits revolving des Etats, c’est-à-dire des crédits à long terme qui encouragent à la dépense et qu’on aura beaucoup de mal à rembourser. C’est pourquoi ils sont de véritables bombes à retardement.

Comment les PPP sont-ils amenés à évoluer avec la nouvelle ordonnance de 2016 ?

Je trouve que les seuils introduits dans le projet de loi de 2016 (ordonnance d’Emmanuel Macron) sont trop bas. Je regrette que l’ordonnance ne fasse pas sortir l’architecte du PPP. Il est anormal qu’on ne puisse pas choisir indépendamment l’architecte de l’entreprise de construction.

Un dernier mot sur les PPP ?

J’ajouterai que les PPP sont responsables d’un appauvrissement des compétences de l’Etat. Autrefois il y avait au ministère de la Justice des gens capables de construire des prisons(…). Aujourd’hui on a construit en PPP des prisons toutes uniformes sans écouter les spécificités de chaque prison, et sans consulter les surveillants ou les prisonniers(…) C’est une erreur car la construction d’une prison, c’est de la politique au sens noble. L’architecture d’une prison porte un message politique : ainsi, si vous voulez que l’organisme pénitentiaire soit le lieu de la réinsertion, vous donnez une forme particulière à l’édifice. C’est une grave erreur car à travers les PPP l’Etat se dessaisit de sa compétence propre, à savoir la politique au sens noble.

Nota :

J.P Sueur nous précise qu’Hugues Portelli (LR) et lui ont reçu l’ensemble des acteurs pour écrire leur rapport (“Les contrats de partenariats : des bombes à retardement”). Il ajoute qu’il est courant au Sénat de faire travailler ensemble un élu de droite et un élu de gauche, afin de rendre le rapport plus neutre.