Comment évaluer les avantages et les désavantages des PPP ?

Plus chers ? Mieux gérés ? On entend tout et son contraire sur les avantages ou les désavantages des PPP. Nous avons cherché à éclaircir les méthodes d’évaluation de ces jugements et à déterminer ce qui relevait des faits ou de l’engagement politique.

Critère qui n’existait pas initialement pour devenir le seul valable aujourd’hui, l’efficience économique suppose qu’on puisse déterminer si un PPP va être plus rentable qu’une Maîtrise d’Ouvrage Publique. Les gouvernements successifs ont choisi de mettre l’accent sur les avantages économiques que peut amener un contrat de partenariat. C’est un argument mis en avant par ceux qui soutiennent ces contrats. Une entreprise serait plus à même d’optimiser les coûts, y compris dans la gestion du bâtiment.

 

La MAPPP

La Mission d’Appui aux PPP (MAPPP) est un organisme gouvernemental sous l'autorité du Ministre de l'Économie et des Finances fondé en 2004. Il a pour objectif d’aider les collectivités qui le souhaitent (de façon volontaire) et l’État (procédure obligatoire) à choisir entre PPP et MOP pour leur projet. Ils sont également en charge de la promotion des contrats de partenariat. La MAPPP publie les statistiques sur les PPP ainsi que les modifications législatives.

 

Pour répondre à cette question, la MAPPP est créée en même temps que les contrats de partenariat (2004). Elle a pour but d’accompagner la personne publique dans sa démarche de mise en place du contrat. La difficulté réside dans la comparaison entre deux contrats qui ne comprennent pas la même chose. En effet, dans le cas d’une MOP, la partie maintenance/gestion du bâtiment est assurée par le secteur public immédiatement.

 

guillemet_carre

« L’idée est d’avoir des choses comparables. On a un projet avec un périmètre, un certain nombre de services de base, et dans les deux cas, dans l’évaluation préalable, il faut avoir exactement la même situation. » Entretien avec Antoine Tardivo (Directeur MAPPP)

 

Mais la MAPPP ne fait pas l’unanimité parmi les acteurs des PPP. En effet, beaucoup s’interrogent sur la pertinence des conseils d’une organisation chargée à la fois d’évaluer et de promouvoir ce type de contrat. D’autres remettent en cause les calculs. Ces derniers ne sont pas considérés comme très fiables car ils tentent d’estimer les coups avant tout appel d’offre sous forme de MOP ou de PPP.

 

guillemet_carre

« La MAPPP a choisi de développer un outil d’aide à la décision complexe […]. Dans tous les cas ou presque, le modèle disait que les PPP étaient la bonne solution ! Les opposants se sont donc emparés des faiblesses du modèle. » Entretien avec Christian Germa (directeur PPP 2005-2014 – groupe Vinci)

« Les études préalables censées démontrer l’avantage économique sont faites sans devis ni du côté d’un contrat de partenariat ni du côté d’une maîtrise d’ouvrage publique. Il repose donc sur un nombre important d’hypothèses invérifiables. » Entretien avec Jean-Pierre Sueur (Sénateur – Vice-président de la commission des lois)

 

Les avantages économiques semblent difficiles à estimer. La meilleure gestion globale du projet est en général constatée. Mais les entreprises bénéficient d'emprunts à taux plus élevés que ceux contractés par l'État, ce qui joue en défaveur des PPP. De même, le partenaire privé prend des marges conséquentes sur des projets pouvant atteindre la dizaine de millions d’euros. Enfin, un contrat mal négocié initialement peut mener à des scandales importants sur les prestations supplémentaires. Le meilleur exemple est celui de l’Hexagone Balard où l’installation d’une prise électrique a été facturée 5 000 € par Bouygues.

 

guillemet_carre

« Du point de vue de l’État, le projet de LGV BPL coûtera plus cher que s’il avait été réalisé sous maitrise d’ouvrage publique, sans portage financier de la contribution de l’État. Pour autant, il faut également prendre en compte le fait que ce projet a généré de nombreuses retombées économiques locales (près de 700 M€) et près de 1 500 emplois pendant la phase chantier. » Entretien avec Laurent Desvignes (Directeur adjoint, SNCF Réseau)

« J’estime que les PPP coûtent généralement plus chers qu’une maîtrise d’ouvrage publique, ne serait-ce que parce que les entreprises empruntent aux banques à un taux plus élevé que le secteur public » Jean-Pierre Sueur (Sénateur – Vice-président de la commission des lois)

 

Si l’avantage économique n’est pas certain, alors quels autres avantages peut-on trouver ? Un argument récurrent est celui de la baisse des risques pour la personne publique. En effet, l’acheteur public ne paye pas tant que le projet n’est pas terminé et fonctionnel. L’entreprise est garante des délais de construction ainsi que du rendu final qui doit correspondre à ce qui avait été fixé en amont. Dans le cas d’une MOP, les interfaces sont nombreuses et peuvent compliquer énormément l’avancée des travaux.

 

guillemet_carre

« Transférer tous les risques n’est pas forcément ce qu’il y a de plus malin : quand on le fait, c’est qu’on considère que le partenaire privé est plus à même de gérer ces risques. Mais le co-contractant va avoir tendance à surévaluer le risque dans son budget, ce qui va conduire à des surcoûts importants pour la personne publique. Il faut donc conserver un certain équilibre des risques en transférant uniquement ceux qui sont raisonnablement transférables. » Entretien avec Antoine Tardivo (Directeur MAPPP)

« Eiffage supporte les risques liés à la conception et à la construction, et a des délais à tenir. SNCF Réseau supporte le risque commercial. De toute façon, les risques sont forcément partagés, les deux parties ont signé le contrat. S’ils l’ont fait, c’est qu’ils avaient intérêt à le faire. » Entretien avec Laurent Desvignes (Directeur-Adjoint, SNCF Réseau)

 

Cette contractualisation est tout de même à double tranchant car elle engage également la personne publique. En théorie, si le contrat est « bien » fait, elle n’a rien à craindre. Néanmoins, la complexité de ce type de contrat fait douter de la capacité de certaines collectivités territoriales à les comprendre. Rappelons que l’aide de la MAPPP est facultative (sauf pour l’État). Cette dissymétrie des compétences peut mener à des engagements qui pourraient causer du tort dans la durée à une petite collectivité par exemple. Généralement, les problèmes proviennent d’une mauvaise définition du cahier des charges initial qui peut conduire à des modifications très coûteuses par la suite.

Un point de la controverse s’articule autour des avantages politiques que pourraient constituer les PPP. On comprend facilement qu’un maire, par exemple, aura tout intérêt à faire construire pendant son mandat plus d’infrastructures, quitte à ce qu’une partie importante des ressources soient bloquées pendant de longues années pour payer ces projets. De plus, il est beaucoup plus facile de mettre en place un PPP où le secteur privé s’occupe de tout qu’une MOP dans lequel il faudra des fonctionnaires pour gérer les interfaces et la gestion de la construction. De plus, jusqu’en 2011, les redevances des PPP n’étaient pas comptabilisées dans la dette mais dans les dépenses de fonctionnement. Un artifice pour continuer à investir sans augmenter la dette.

 

guillemet_carre

« Les décideurs publics travaillaient plus pour leur image que pour la collectivité, c’est pourquoi ils n’hésitent pas à créer de l’endettement. » Antoine Tardivo (Directeur MAPPP)

 
 

« Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? ». Rapport des sénateurs H. Portellli et J.P Sueur - 16 juillet 2014.

Dans leur rapport « Les contrats de partenariat : des bombes à retardement ? », les sénateurs H. Portelli et J.P. Sueur dénoncent la multiplication des contrats de partenariat. Ils reprennent les propos de Philippe Seguin, alors président de la Cour des Comptes, qui comparait les PPP à des crédits revolving. En effet, ces contrats engagent les collectivités sur des périodes de plusieurs dizaines d’années, sans certitude que ces dernières seront en capacité de rembourser leur investissement dans le futur. Les Sénateurs redoutent cet effet de « bombe à retardement ». Ils reconnaissent néanmoins un intérêt à ce type de contrat, mais uniquement dans des situations de réelle urgence. Ils demandent également à ce que le projet ne soit plus un tout-en-un mais permette de choisir indépendamment a minima l’architecte et l’entreprise de construction. Parmi les propositions, on retrouve l’instauration d’un montant seuil, mais aussi une meilleure définition des critères d’urgence et de complexité, et l’abandon de celui de l’efficience économique. L’ordonnance de 2016 va à l’encontre de ces propositions, à l’exception du seuil.