Le rôle de l'État est-il en train de se transformer ?

Le cas des PPP est loin d’être isolé. L’État a de plus de plus tendance à externaliser et à privatiser ses fonctions. C’est sûrement dans ce domaine que les avis divergent le plus. Le principe des concessions ou autre recours au privé de la part de l’État n’est pas récent. Déjà au XVIIIème siècle, les frères Périer tenaient la concession pour alimenter Paris en eau. Mais ce changement de paradigme n’est pas au goût de tout le monde. Pour beaucoup, la controverse se situe ici, où les convictions se mélangent aux arguments techniques et économiques.

Peut-on tout confier au privé ? Voilà sûrement le point le plus discuté autour du projet de l’hexagone Balard. Le projet de créer un nouveau bâtiment unique pour le Ministère de la Défense a été signé en 2011 et inauguré en 2015. Le PPP finira lui en 2041. La question se pose alors de savoir ce qui peut être confié dans la gestion de la défense à une entreprise privée. L’exemple typique : la sécurité du site. Voilà une partie de la controverse qu’il est impossible de trancher. L’État insiste sur le fait que tout ce qui devait être tenu secret a été bien protégé, mais le contrôle ne peut pas être le même que dans le cas où l’État gère lui-même les travaux.

Plus généralement, l’État se vide en compétence technique. En effet, il choisit d’externaliser toutes les compétences liées à la gestion de construction (maîtrise d’ouvrage). Encore une fois,le choix est politique. Dans un contexte de restriction budgétaire, l’État cherche à diminuer ses coûts de fonctionnement. Certains regrettent cet affaiblissement en compétence de l’État.

 

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« Autrefois il y avait au ministère de la Justice des gens capables de construire des prisons (…). Aujourd’hui on a construit en PPP des prisons toutes uniformes sans écouter les spécificités de chaque prison, et sans consulter les surveillants ou les prisonniers (…) L’architecture d’une prison porte un message politique : ainsi, si vous voulez que l’organisme pénitentiaire soit le lieu de la réinsertion, vous donnez une forme particulière à l’édifice. C’est une grave erreur de procéder ainsi car à travers les PPP l’Etat se dessaisit de sa compétence propre, à savoir la politique au sens noble. » Jean-Pierre Sueur (Sénateur, Vice-Président de la commission des lois)

« Les petites collectivités ont tout intérêt à avoir recours aux PPP pour des petits projets comme l’éclairage public ou la construction de piscine parce qu’ils n’ont pas forcément les compétences pour gérer les travaux eux-mêmes. » Christian Germa (directeur PPP 2005-2014 – groupe Vinci)

« Compte tenu des nombreuses interactions qui existent entre la conception, l’exploitation et la maintenance, cette délégation améliore les compétences de la personne publique. En effet, l’opérateur privé, ici Eiffage, constitue un challenger pour SNCF Réseau, et le pousse donc à se perfectionner. » Laurent Desvignes (Directeur-Adjoint, SNCF Réseau)

« Nous considérons qu’aujourd’hui il y a des métiers qui rentrent clairement dans le cœur de l’activité de la personne publique, et il y a des choses annexes sur lesquelles elle n’aura pas l’agilité d’un co-contractant. » Antoine Tardivo (Directeur MAPPP)

 

Pour d’autres, c’est un choix parfaitement justifiable par ses avantages économiques. L’important serait de faire un choix et de s’y tenir. En effet, si les PPP sont choisis comme modèle pour les constructions à venir, alors il faudrait se concentrer sur ces contrats spécifiques. Avoir d’une part des fonctionnaires capables de gérer ces travaux et de l’autre une entreprise privée en charge de le faire est absurde. La personne publique paye deux fois pour le même travail. Dans cette vision des choses, on accepte que l’État français ne puisse plus tout gérer et qu’une partie de ses missions doive être confiée au secteur privé.

 

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« Dans un grand nombre de cas, les acteurs publics n’ont plus les bonnes compétences. De plus, passer des accords tout en conservant des fonctionnaires capables de gérer ces projets c’est payer deux fois ! Il faut donc faire un choix. » Christian Germa (directeur PPP 2005-2014 – groupe Vinci)

 

Toutes les raisons économiques pourraient être mises en avant, que cela ne traduirait pas convenablement la controverse autour des PPP. Jamais il ne sera possible de prouver qu’une MOP est moins avantageuse qu’un contrat de partenariat. Au mieux, il est possible de pointer leurs différents défauts et qualités. L’un sera mieux contrôlé par la personne publique et plus flexible dans la durée, l’autre sera plus sûr quant à la réalisation et plus facile à mettre en œuvre.

La véritable controverse provient des missions que l’on souhaite remplies par l’État et les collectivités. Peut-on accepter que la personne publique perde ses compétences techniques et doive s’en remettre au privé pour continuer à investir ? Avons-nous le choix dans un contexte économique tendu mais à fort besoin d’investissement ? Des questions politiques difficiles à trancher qui divisent ceux qui n’acceptent pas la fin de l’État providence et ceux qui pensent que l’investissement doit primer pour contrer une crise qui dure.

 

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« Les questions politiques n’ont pas lieu d’être. Plutôt que de se lancer dans de telles envolées lyriques, il serait plus judicieux de réfléchir à ce qui est le plus efficace pour les collectivités, et les professionnels du secteur public comme privé sont les plus à mêmes de le faire. » Christian Germa (directeur PPP 2005-2014 – groupe Vinci)

 

Par ailleurs, on pourrait se demander si le contrat de partenariat est lié à un bord politique plus qu’un autre. Dans les faits, il n’en est rien. Dans les collectivités locales, l’opposition est traditionnellement contre les projets de PPP engagés par ceux qui dirigent la collectivité, pour de bonnes ou de de mauvaises raisons.

 

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« Un contrat de partenariat, ça se débat ou ça se conteste aussi bien à droite qu’à gauche. Tout le monde a fait des contrats de partenariat, même les élus communistes. Le contrat de partenariat n’a pas vraiment d’étiquette politique. »

Entretien avec Antoine Tardivo

 

Se pose enfin la question de l’avenir réservé aux contrats de partenariat. Certains voient les PPP comme le seul moyen de poursuivre l’investissement public , alors que d’autres le voient plutôt comme un élément perturbateur. Vont-ils se multiplier, ou bien le modèle du PPP est-il déjà en train de s’essouffler ? Il est difficile de savoir, seul l’avenir nous le dira.

 

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« L’avenir des contrats de partenariat dépend fortement des contraintes qu’on se fixe en termes de désendettement. Mais à un moment donné il va falloir investir, et il faudra trouver des financements. Il me semble qu’aujourd’hui il n’y a pas vraiment d’autre solution que le contrat de partenariat. Car je pense que le marché public, c’est un peu du contrat jetable, alors que le contrat de partenariat est un contrat durable. »

Entretien avec Antoine Tardivo

« Il y aura sans doute moins de PPP dans les années à venir, car la personne publique est à cours de financement. En effet, quand on s’engage dans ce genre de projets, on s’engage à payer des loyers fixes pendant un moment, ce qui limite forcément d’autres investissements potentiels. »

Entretien avec Laurent Desvignes

 

Pour comprendre les rouages des PPP et le rôle des différents organismes, découvrez notre rubrique sur les acteurs.

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