Gardner et l’origine du SAP
En 1985, le psychologue américain Richard Gardner publie « Recent Trends in Divorce and Custody Litigation. » dans la revue scientifique Academy Forum. Dès la publication, ses résultats reçoivent un accueil mitigé. Si certains y voient une explication cohérente pour décrire la situation de certains enfants durant un divorce, d’autres déplorent le manque de données cliniques présentes dans les différentes publications de Gardner.
Très rapidement, des critiques ont émergé quant au travail de Richard Gardner. Son travail fut qualifié d’apologie de la pédophilie, et il fut vivement dénoncé par certaines associations qui voient en sa théorie une manière de justifier les abus sur les mineurs et d’innocenter les coupables.
Quelques années plus tard, Gardner détaille en profondeur sa théorie. Il explicite huit symptômes qui seraient caractéristiques du SAP. Il porte son attention sur l’enfant en concentrant ses observations sur les modifications comportementales de ce dernier induites par le divorce. De nouveau, des groupes de spécialistes du domaine médical jugent les descriptions de Gardner trop vagues et éloignées de leur définition des manipulations dans le cadre d’un divorce.
Les huit symptômes sont les suivants :
Jean Pierre Cambefort reprend cette définition pour approfondir les méthodes de reconnaissance d’un enfant aliéné. A la question « comment savoir si un enfant est manipulé », il nous répond : « Cette question n’est pas restreinte à la psychologie. C’est aussi une enquête, un examen de faits sur les parents accusés de maltraitance. Gardner a établi que l’aliénation s’établit par huit symptômes. Par exemple, l’enfant accuse son parent aliéné sur la base d’arguments futiles. Les psychologues enquêteurs constatent un contraste entre l’intensité du rejet du parent et la base des arguments sur lesquels il se fonde : souvent des choses futiles (‘il m’oblige à descendre les poubelles, il m’oblige à mettre les croquettes dans le bol du chat’) et ces arguments sont répétés. L’enfant est alors plein d’assurance, il est ‘droit dans ses bottes’, il repousse complètement le parent, emploie des arguments répétés, qui ne sont pas ceux d’un enfant de cinq ans. Après pendant l’adolescence c’est plus difficile à percevoir car il y a une part de rationalisation de l’enfant. Il peut y avoir des mensonge (fausses accusations de viol …). C’est très difficile, il y a beaucoup de fausses allégations d’abus sexuel, (75 % des cas selon les statistiques de la police). »
Richard Gardner ne militait pas seulement dans la sphère médicale. En 1993, il témoigne en effet lors d’un procès au Canada. Il y invoque le syndrome d’aliénation parentale pour expliquer un litige dans le cas d’un divorce. Il a par la suite re rédigé des cas jurisprudentiels, en proposant des résolutions différente en fonction de cas d’enfants aliénés. Très actif, et bien que critiqué, Richard Gardner ne demeure pas moins le pionnier du Syndrome d’Aliénation Parentale. Ses idées ont été contredites par certains (notamment par Carole Sophie BruchCarole Sophie Bruch, qui dénonce un abus dans l’utilisation du syndrome en justice), mais reprises et améliorées par d’autres.
William Bernet, pédopsychiatre américain, en 1998 a construit un groupe de réflexion désireux de redéfinir le concept d’aliénation parentale. En se fondant sur les observations de Richard Gardner, William Bernet relève toutefois les points faibles de sa théorie.
Bernet et la redéfinition du concept
Selon W. Bernet, la définition de Gardner possède une faiblesse principale qui expliquerait son rejet par la communauté scientifique. Il s’agit du fait qu’il ai inclus la cause du syndrome dans sa définition. En effet Gardner a beaucoup insisté sur le rôle manipulateur du parent, ce qui selon W. Bernet est scientifiquement condamnable. Il affirme qu’une définition scientifique d’une pathologie ne doit pas inclure la cause de ladite pathologie.
Il s’agit d’une pathologie mentale controversée, ancrée dans les problèmes du droit de la famille, sa reconnaissance pourrait avoir de lourdes conséquences. C’est pourquoi cette erreur sur la cause aurait provoqué de fortes réactions de la part de l’opinion scientifique.
En effet dans la grande majorité des cas, le parent aliénant est le parent ayant reçu la garde de l’enfant. Et encore une fois dans la grande majorité des cas, c’est la mère de l’enfant qui en obtient la garde. On a donc pu voir des collectifs féministes affirmer que le syndrome d’aliénation parentale n’était rien d’autre qu’une invention des pères dits « masculinistes » pour balayer les accusations de l’enfant. Dans un tel contexte, le scientifique se doit d’être irréprochable en terme de méthodes. C’est ce qu’a essayé de faire W. Bernet en s’émancipant des polémiques entourant le syndrome pour se concentrer sur son seul aspect scientifique.
Le groupe de réflexion mené par William Bernet va donc proposer une nouvelle définition du syndrome d’aliénation parentale plus orientée vers l’enfant.
La définition du SAP par Gardner ne considérait que des cas de manipulation par un des parents. William Bernet n’intègre dans sa nouvelle définition que les cas de rejet spontané de l’enfant. Il n’y aurait donc plus d’enfant aliéné et de parent aliénant mais uniquement un enfant affichant un rejet radical et sans raison apparente (sans maltraitance, carence et autres atteintes graves à l’intégrité de l’enfant) pour l’un de ses parents.