Lors d’un divorce, on parle de Syndrome d’Aliénation Parentale (SAP) lorsqu’un enfant est manipulé par l’un des parent (nommé parent aliénant) pour qu’il se retourne contre l’autre parent. L’enfant aliéné utilise parfois de fausses accusations pour montrer son soutien au parent aliénant.
Depuis quand le SAP est-il connu?
Dès le milieu du XXeme siècle, des cas de manipulation sont observés par les juges, mais aucune démarche ou étude n’est commencée. Il faut attendre 1985 pour que le psychiatre américain Richard Gardner lui donne le nom de « Syndrome d’aliénation parentale », et que le monde scientifique commence à s’y interesser.
Pourquoi est-ce une controverse?
Dès le début de sa théorisation scientifique, des désaccords sont apparus, concernant son existence et la nature de ses symptômes. Avec des procès très médiatisés, comme l’affaire d’Outreau, des psychiatres et des psychologues ont commencés à s’affronter publiquement sur le sujet. Si certains pensent que la reconnaissance du SAP permettrait un meilleur suivi, d’autres affirment qu’il peut être utilisés pour masquer des violences sur l’enfant, en déclarant que l’enfant est aliéné. Plus récemment, des associations ont repris les débats sur le SAP pour recouvrer la garde de leurs enfants.
Depuis le milieu du XXe siècle, les spécialistes ont remarqué que l’enfant pouvait être manipulé durant les procédures de divorce par un parent désirant l’éloigner de son ancien conjoint. Néanmoins, aucune théorie précise ou cadre juridique n'encadre ce phénomène.
En 1985Richard Gardner publie "Recent Trends in Divorce and Custody Litigation." dans la revue scientifique Academy Forum. Le psychologue mentionne pour la première fois le terme de « Syndrome d'aliénation parentale » comme une déduction de ses observations cliniques. S’il n’indique pas explicitement quels sont les symptômes de ce qu’il considère comme une pathologie, il décrit les indicateurs qui peuvent suggérer qu’un enfant a subi ce type de manipulation. Dès la publication, ses résultats reçoivent un accueil mitigé. Si certains y voient une explication cohérente pour décrire la situation de certains enfants durant un divorce, d’autres déplorent le manque de données cliniques présentes dans les différentes publications que Gardnerfait durant cette période.
En 1987, Gardnerexplique dans « The parental alienation syndrome and the differentiation between fabricated and genuine child sex abuse » que le SAP peut être à l’origine d’accusations d’abus sexuels infondées. L’enfant manipulé, souhaitant prendre le parti de l’un de ses parents, voit une accusation de ce type comme un moyen de lui montrer son obéissance et son soutien. Cette explication a été considérée comme une justification de la pédophilie, et comme la mise en place d’un outil juridique permettant aux coupables de se libérer des accusations de leurs enfants.
Très rapidement, des critiques ont émergé quant au travail de Richard Gardner. Qualifié d’apologie de la pédophilie, il est vivement dénoncé par certaines associations qui voient en sa théorie une manière de justifier les abus sur les mineurs et d’innocenter les coupables.
En effet, un mauvais diagnostique d’un enfant dénonçant ce qu’il a réellement subi conduirait à l’abandon des charges, sous l’égide du SAP. Rapidement ces critiques ont perdu leur virulence, commela théorie de Gardner a des bases scientifique solides. Néanmoins, le soupçon de pédophilie est resté et continue encore aujourd’hui d’alimenter les débats, où certains acteurs s’opposant à sa théorie l’invoquent encore pour décrédibiliser le SAP (voir la fiche acteur surRichard Gardner).
En 1992, une autre publication de Gardnerdétaille en profondeur sa théorie. Il explicite huit symptômes qui seraient caractéristiques du SAP. Il accorde aussi plus de place à l’enfant, et concentre ses observations sur les modifications comportementales de ce dernier induites par le divorce. De nouveau, des groupes de spécialistes du domaine médical jugent les descriptions de Gardnertrop vagues et éloignées de leur vision des manipulations des enfants durant un divorce.
Les critiques se portent aussi sur le plan légal : en 1993, Gardnertémoigne dans un procès au Canada, durant lequel il invoque le syndrome d’aliénation parentale pour expliquer un litige lors d’un divorce. Cependant la cour refuse de prendre en compte son intervention. De nombreux cas similaires suivent ce procès.
Un débat légal est donc lancé en parallèle des discussions psychiatriques. Il devient important pour tous les acteurs de définir clairement le SAP du point de vue médical avant de s’attaquer à son emploi dans le cadre juridique.
En 1998, devant les limites de la théorie de Gardner, William Bernet, un pédopsychiatre américain, construit un groupe de réflexion pour redéfinir le concept d’aliénation parentale à partir des travaux de Gardner. Le principal défaut de la thèse de Gardnerest selon eux dû à une trop grande importance donnée au parent à l’origine de la manipulation, qui rend le diagnostic plus compliqué.
Ce groupe de travail abouti sur une nouvelle définition de l’aliénation parentale, mettant en avant les relations de l’enfant avec ses parents. C’est le rattachement de l’enfant à un parent et son éloignement de l’autre, sans aucune raison apparente, qui constitue la base du SAP. Forts de cette nouvelle définition, les partisans de Bernetdéplacent le débat vers l’intégration de SAP dans le DSM.
En 2000, un comité d'experts refuse de reconnaître se SAP au Royaume-Uni, et les cours d'appels d'Angleterre et du Pays de Galles saisies en 2002 font de même. C'est l'une des premières décisions juridiques prises à l'échelle d'un pays.
Parallèlement, de nombreuses publications scientifiques viennent modérer les statistiques et les conclusions apportées par Gardner dans ses travaux. Il semble en effet que le SAP soit plus rare que prévu (Gardner avait annoncé que 90% des accusations de pédophilie remplissait les conditions qu’il avait définies pour le SAP). C’est par exemple le cas deCarol Sophie Bruch, chercheuse en droit familial, qui publie dès 2001 ses propres résultats. Enfin, le terme même de « Syndrome d’aliénation parentale » fait débat.
La reconnaissance comme un syndrome nécessite l’acceptation de la manipulation infantile comme une pathologie, ce qui n’est pas de l’avis de tous. De même, Jean Marc Delfieu, expert psychiatre dans les cours de justice, regrette la traduction littérale du terme américain, qui altère selon lui le sens de l’expression.
Face à ces critiques, Gardner revoit sa position sur le SAP en 2001. Il apporte de nouveaux éléments et assoupli les sanctions qu’il juge nécessaires pour punir ceux qui manipulent leurs enfants durant les crises familiales.
Le DSM, pour « Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders », est un manuel utilisé aux Etats-Unis qui recense les troubles mentaux reconnus. Cet ouvrage est publié par la Société Américaine de Psychiatrie et est une référence mondiale en psychiatrie.
L'intégration du SAP au DSM lui donnerai de l'importance du pont du vue juridique, scientifique et médical, car il est utilisé par de nombreuses professions, même en dehors des Etats-Unis. Il fixerait une définition privilégiée qui permettrai de clarifier l’utilisation du SAP en cour de justice. Le DSM est passé à sa cinquième révision en 2013. Dès 2001, un groupe de psychologues mené par Gardnermanifestent pour que le SAP soit considéré comme un trouble mental, et noté dans la liste des maladies mentales. Les manifestations pour son intégration se multiplient, et se poursuivent avec l’impulsion de Bernet. Les opposants à la reconnaissance du SAP se positionnent contre son inclusion dans le DSM.
L’effet inverse est aussi très présent dans les cours de justice: les spécialistes notent de plus en plus d’appels abusifs au SAP dans les divorces ou les procès concernant les abus sexuels sur les mineurs. C’est une nouvelle étape dans la médiatisation de l’aliénation parentale, qui se retrouve au premier plan.
Avec des affaires comme leprocès Outreau et ses suites, de nombreux acteurs émergent : les associations de pères et les féministes s’engagent dans les débats pour la reconnaissance ou non du SAP. Ce procès confronte pour la première fois aux yeux de tous deux visions différentes, celles de Jean Luc Viauxet Paul Bensussan.
Plus récemment, la place du SAP dans le DSM-5 a relancé les débats sur la reconnaissance ou non du SAP comme une pathologie médicale. Néanmoins, les discussions ont majoritairement quitté le cadre académique dans lequel Gardner, Bernetet les autres psychiatres ont tenté de définir et démontrer l’existence du SAP.
Si les désaccords ne sont pas réglés, ils ne sont plus au premier plan. Au contraire, c’est les secteurs politiques et juridiques qui sont au cœur des discussions. Pour certains, la reconnaissance du SAP conduirait à des stratégies abusives pour défendre les auteurs de violences sur les enfants. Diagnostiquer le SAP reste difficile et controversé, et son utilisation en cour pourrait entraîner selon eux des erreurs de jugement dans de nombreux cas.
En 2012 le comité en charge de la rédaction du DSM-5 annonce qu’il n’y sera pas inclus. Le SAP est, selon eux, présent dans d’autres pathologies inscrites dans le DSM, mais n’en représente pas une à lui tout seul.