La proximité des zones Natura 2000 est un argument récurrent des opposants au projet d’extraction, malgré le fait que la réglementation française sur ces zones n’interdise pas à priori de telles exploitations. Cette page examine son fondement et sa place dans le débat.

Quels sont les problèmes soulevés par la proximité des sites Natura 2000 ?
Quel fondement pour ces inquiétudes ?

Cartographie de la zone d’extraction [1]

Quels sont les problèmes soulevés par la proximité des sites Natura 2000 ?

Les détracteurs du projet avancent les arguments suivants : l’extraction, qui se fera sur une zone d’environ 4km² va, en pratique, faire disparaître l’écosystème présent dans cette zone. Ceci risque d’affecter les pêcheurs locaux qui verront leurs stocks de poisson gravement menacés. Deux pêcheurs travaillant dans la baie et interviewés par Denis Delestrac dans son documentaire Le sable, enquête sur une disparition expliquent que cette zone constituait précisément leur « roue de secours » dans le sens où ils peuvent toujours se replier sur cette zone pour pêcher lorsqu’il n’y a plus de poissons ailleurs. En outre, les effets de l’exploitation ne se limiteront pas à la zone exploitée puisque les particules fines brassées par les bateaux sabliers sont susceptibles de se déposer en recouvrant une zone de 100 km² autour du site, notamment dans les zones d’intérêt public Natura 2000 [1]. Outre le paysage marin et la pêche, le tourisme en baie de Lannion est aussi très menacé. Les collectifs et les élus locaux dénoncent l’absence de garanties sur la résolution de tous ces problèmes [2]. L’écrivain Kenneth White, fondateur de l’Institut National de Géopoétique montre sa colère en ces termes, début 2015 [3] :

Un tel projet, dément et meurtrier, deux dragues aspirateurs fouillant les entrailles de la baie, était très évidemment irrecevable.

Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor, fait remarquer que l’existence d’une dune exploitable en baie de Lannion est connue depuis les années 70, c’est-à-dire bien avant le tracé des zones Natura 2000. Ceci laisse planer le doute quant à la volonté des personnes qui ont tracé les zones d’éviter la dune en vue d’une future exploitation. La question se pose, étant donné que la dune est située exactement entre deux zones Natura 2000 mais il faudrait interroger les responsables du tracé de ces zones pour répondre à ces interrogations. M. Le Lay explique par ailleurs qu’il considère la législation française sur les zones Natura 2000 comme une mauvaise traduction du droit européen [4].

À la base ces zones sont faites pour protéger des espèces menacées or qu’est-ce qu’il y a de pire que de pomper là où se trouvent leurs habitats ? […] Il y a un problème de transcription des lois européennes au droit français en les dénaturant. Bien sûr ce n’est pas les tribunaux français qui vont en rendre compte, leur travail c’est de trouver l’institution européenne qui le puisse et voir comment la transcription s’est faite et éventuellement condamner la France si elle a enfreint le droit européen.

L’association Force 5, autre acteur important du collectif d’associations luttant contre le projet de la CAN, se bat depuis des années contre les extractions de sable en Bretagne, notamment contre ceux de la CAN. Depuis des dizaines d’années la CAN extrait du sable du site des Duons (au large de Roscoff, dans la baie de Morlaix) par arrêté préfectoral renouvelé tous les 2 ans (sans titre minier). En mai 2010, Force 5 et Sauvegarde du Trégor obtiennent la suspension de cette exploitation mais un titre minier est finalement accordé à la compagnie par le décret du 19 juillet 2011. En novembre 2011, Force 5 adresse au Conseil d’Etat une demande de cessation de l’exploitation mais celle-ci est rejetée en 2013. [5]

Quel fondement pour ces inquiétudes?

Il faut premièrement rappeler que la législation sur les zones Natura 2000 n’est pas incompatible avec ce type d’exploitation. On pourra par exemple remarquer que tous les autres sites d’extraction de la CAN se trouvent sur des sites Natura 2000. Un représentation de la CAN, a d’ailleurs déclaré à ce propos [6]:

Natura 2000, ce n’est pas la mise sous cloche de la nature ; c’est l’identification de la richesse des habitats et des animaux, et la mise en place de formes de gestion qui prennent en compte les activités humaines susceptibles d’avoir lieu dans ces zones.

On pourra effectivement noter que la directive « Habitat » de la législation Natura 2000 française est moins répressive que telle qu’elle est prévue dans les initiatives européennes de 1992.

Quant aux écosystèmes des zones Natura 2000, si on peut mettre en doute la notion de « préservation » puisque l’écosystème s’établissant après l’exploitation n’est pas à priori le même que celui existant avant, il a été établi dans la littérature scientifique que les zones d’extraction étaient capables de récupérer après l’extraction [7], et que si la rapidité de la récupération ne pouvait pas être extrapolée d’un milieu à un autre, l’intensité de l’extraction ne jouait pas en la défaveur d’une recolonisation. Cet élément semble justifier l’absence de mesures de réhabilitation, les interrogations portant principalement sur la bonne santé des écosystèmes au cours des quinze années d’extraction.

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(1) peuplesdesdunesentregor.com, La carte de la zone, consulté le 5 juin 2016

(2) Attention à la destruction de la baie de Lannion, Le Monde (5 octobre 2013)

(3) Extraction de sable : La colère de Kenneth WhiteOuest-France (21 janvier 2015)

(4) Entretien téléphonique avec M. Yves-Marie Le Lay, président de l’association Sauvegarde du Trégor, en janvier 2016.

(5) Sable des Duons. Force 5 saisit la Cour européenne, Le Télégramme Bretagne (3 juin 2013)

(6) Entretien téléphonique avec une représentante de la  Compagnie Armoricaine de Navigation (CAN), le 15 janvier 2016.

(7) SIMONINI R., ANSALONI I., BONVICINI A., CAVALLINI F., IOTTI M., MAURI M., et al. The effects of sand extraction on the macrobenthos of a relict sands area (northern Adriatic Sea): results 12 months post-extraction. Marine Pollution Bulletin , n°50, pp. 768-777. (2005)