Avec plus de 200 utilisations dans des domaines variés tels que la construction et l’industrie, le sable s’est rapidement positionné comme une matière première indispensable et surexploitée. Toutes ces activités entraînent une raréfaction des ressources disponibles, alors même que les demandes en cette matière première ne cessent de s’accroître. Voici un panorama de la situation actuelle de la ressource sable dans le monde.
L’exploitation du sable en quelques chiffres.
Mais d’où provient tout ce sable?
Mais ces exploitations de sable marin ne sont pas sans conséquence
L’exploitation du sable en quelques chiffres
Le secteur le plus friand en sable est celui de la construction. En effet, les deux tiers des constructions mondiales sont réalisés en béton armé, qui est lui-même constitué aux deux tiers de sable – le tiers restant étant du ciment. Alors que la construction d’une maison de taille moyenne nécessite l’utilisation de 200 tonnes de sable, il en faut 30 000 tonnes par km d’autoroute, ou encore 12 millions de tonnes pour construire une centrale nucléaire. [1]: Ainsi, près de 30 milliards de tonnes de sable sont consommées chaque année, dont 60% sont utilisés par la Chine. D’après Pascal Peduzzi, chercheur au programme des Nations Unies pour l’environnement :
« Au cours de ces 4 dernières années, la Chine a consommé autant de sable que les Etats-Unis en un siècle » [2]:.
Ces utilisations, cumulées à d’autres activités telles que l’industrie (fabrication de verre, plastique, puces électroniques, etc), la fracturation hydraulique ou encore la poldérisation (c’est-à-dire l’étendue artificielle de terre sur la mer, avec la construction d’îles artificielles à Dubaï notamment ou bien l’expansion de Singapour sur la mer), entraînent une consommation mondiale annuelle d’environ 50 milliards de tonnes de sable et granulats. A part l’eau, aucune autre ressource n’est exploitée à cette échelle. Le commerce du sable et des granulats représente des échanges s’élevant à 70 milliards d’euros [2].
Revenons aux exemples de Singapour et Dubaï. Dubaï est connue dans le monde entier pour ses excentricités architecturales, répondant au besoin de construire « toujours plus grand, toujours plus haut, toujours plus cher ». Dès le début des années 2000, Dubaï se lance comme défi de construire des îles artificielles, avec le projet « Palm Islands » d’un budget de 12 milliards de dollars et représentant un besoin de 150 millions de tonnes de sable. En 2003, le projet « The World » de 300 îles artificielles représentant un planisphère est lancé, avec un budget de 14 milliards de dollars et une consommation de 500 millions de tonnes de sable. La crise de 2008 met fin subitement à ce projet pharaonique et le chantier inachevé est laissé en place . [4]
Dans un même désir de s’étendre sur la mer, la cité-Etat de Singapour a vu sa superficie augmenter de 20% en 40 ans : un agrandissement de 130 km2 a été réalisé sur l’eau, ce qui représente une quantité de 517 millions de tonnes de sable acheminé au cours des 20 dernières années. [5]
D’autres cas de « folies immobilières » sont à recenser dans différents pays. A Bombay, par exemple, 30% des nouveaux logements sont trop chers pour les populations, qui sont contraintes de vivre dans les bidonvilles. Cela entraîne le développement de villes fantômes, mais de nouvelles constructions sont encore en cours ! Voici un autre exemple similaire : en Chine, 65 millions de logements sont vides, alors même que le pays est le plus gros consommateur de sable de la planète. Enfin, l’Espagne détient un triste record Européen : 30% des logements sont inoccupés depuis 1996, alors même que d’autres bâtiments sont inachevés pour cause de crise . [6]
Mais d’où provient tout ce sable?
Bien que la quantité totale de sable soit estimée à environ 120 millions de milliards de tonnes [7] – il y aurait presque autant de grains de sable sur Terre que d’étoiles dans l’univers -, cette ressource n’est pas exploitable en totalité, et les quantités disponibles tendent à s’épuiser.
Depuis des milliers d’années, les hommes exploitent des carrières, des mines, pour extraire des roches utiles au développement des différentes activités. Dans un premier temps, le sable était donc extrait dans des mines ou carrières terrestres, qui s’épuisent progressivement. Il a donc été nécessaire de trouver des sources en granulats alternatives, pour satisfaire une demande toujours croissante en ces matières premières dans un contexte d’essor immobilier et de développement de toujours plus d’industries friandes en matériaux granulaires. Avec l’existence de nombreux déserts sur différents continents, nous pourrions penser que ceux-ci représentent une source illimitée de sable. Cependant, le sable étant poli en permanence par les vents, sa géométrie est trop ronde et régulière, donc il ne peut pas s’agréger de manière efficace. Une utilisation dans la construction pour fabriquer du béton est alors inenvisageable !
En première alternative, l’extraction de sables fluviaux a été considérée, mais elle est responsable de deux problèmes environnementaux majeurs : elle favorise les crues de rivières et empêche le remblai naturel des plages. En effet, les particules transportées auparavant par les rivières n’arrivent plus jusqu’aux plages, et le renouvellement du littoral ne peut plus s’effectuer.
La dernière ressource en sable disponible sur Terre se situe donc au fond des océans, et de nombreuses sociétés mondiales d’extraction de sable marin ont vu le jour. L’extraction de sable marin s’élève alors à 75 millions de tonnes annuelles [4]. Même si cette exploitation de sable marin ne représente que 2,5% de la production totale de sable, cet accès à la ressource deviendra plus important, puisque les carrières terrestres s’épuisent :
« L’exploitation des granulats marins prend de l’ampleur compte tenu d’un relatif épuisement des ressources terrestres. Au niveau mondial, la croissance est exponentielle » Pascal Peduzzi [2]:.
Les statistiques suivantes, fournies par Planetoscope.com [3], donnent d’ailleurs la quantité de sable marin (en kilogrammes) extraite depuis le début de l’année, mais également depuis que vous êtes connectés sur cette page.
Egalement, de nombreux cas d’extraction illégale sur les plages sont aussi recensés notamment au Maroc et en Inde. Ce point est développé dans l’onglet « Des enjeux géopolitiques ».
Mais ces exploitations de sable marin ne sont pas sans conséquences
L’impact écologique de ces exploitations est non négligeable : les écosystèmes marins se retrouvent altérés, et c’est toute une chaîne alimentaire marine qui est perturbée. Alors que le sable et les ressources halieutiques (vivant au fond des océans) représentent la base de la chaîne alimentaire – de nombreux petits poissons vivent dans le sable et garantissent l’équilibre de l’écosystème -, les bateaux dragueurs qui aspirent le sable détruisent le profil des fonds marins. De nombreuses études ont été réalisées, mais l’ampleur de cet impact est méconnue : il est difficile de prévoir avec précision l’effet à long terme de ces exploitations.
Le second problème posé est l’érosion accélérée des côtes et le recul des plages, entraînant dans certains cas la disparition complète d’îles. Et ceci concerne une large majorité des côtes mondiales ! En effet, entre 75 et 90% des plages du monde reculent. Tandis qu’en Floride 9 plages sur 10 sont en voie de disparition, 25 îles d’Indonésie ont déjà disparu [4]:.
Les effets de l’extraction de sable au large des côtes s’ajoutent à ceux causés par le réchauffement climatique et la montée des eaux, ainsi que ceux induits par la construction de bâtiments trop proche des rivages. En effet, ce type de constructions bloquent les vagues, qui s’y brisent et repartent au large de façon violente, emportant encore plus de sable que d’ordinaire. Ce phénomène accélère alors l’érosion. A Miami, le recul des plages est un phénomène majeur, alors même que l’activité principale de la Floride est le tourisme, grâce à l’attrait de ses longues plages de sable fin. Les collectivités locales ont alors décidé d’entreprendre des campagnes de réensablement des plages à partir de sable extrait au large. Malheureusement, cet investissement de plusieurs millions de dollars n’a qu’un effet temporaire : en effet, le sable a tendance à revenir à son état naturel d’équilibre, et retourne ainsi vers les fonds marins dans un délai de deux à trois ans, laissant ainsi la plage dans l’état précédant le réensablement. [1]:
Dans son reportage Le sable, enquête sur une disparition, Denis Delestrac met en lumière le fait que toutes les mesures prises par les hommes pour essayer d’endiguer l’érosion côtière, comme par exemple l’installation de digues ou le réensablement des plages, ne font qu’accélérer le processus.
Finalement, cet état des lieux de la ressource « Sable » dans le monde est relativement inquiétant, et nous encourage à trouver des solutions alternatives à l’utilisation de sable fluvial, marin ou de carrières.
(1) DELESTRAC Denis, Le sable, Enquête sur une disparition [Film] (2013)
(2) HIAULT Richard, La guerre mondiale du sable est déclarée, LesEchos.fr (24 février 2016)
(3) Planetoscope.com. Statistiques d’extraction de sable marin dans le monde. Consulté le 15 mai 2016
(4) Consoglobe.com. Le sable, une ressource en voie de disparition. Consulté le 15 mai 2016, rédigé en novembre 2013
(5) EDWARDS Bruce, Toujours plus de sable, Finances & Developpements, pp. 46-47, (Décembre 2015)
(6) Lesazas.org, Sable : la guerre invisible… et tu redeviendras poussière. Consulté le 15 mai 2016, rédigé en avril 2013
(7) CHAUMILLON Eric, L’exploitation des sables et granulats marins : une menace pour les littoraux ?, Institut Océanographique, (Février 2016).