Source : eelv.fr

Source : eelv.fr

Le projet d’extraction a rencontré une opposition protéiforme, fondée sur des arguments variés : risques environnementaux, mise en danger des activités de pêche, de tourisme, de plongée,… La formation de Peuple des Dunes en 2012 traduit cette idée d’opposition traversée par des intérêts très divers : l’existence du collectif dépend entièrement de celle du projet d’extraction, alors que les associations qui le composent sont souvent des figures installées de la vie associative de ce territoire. Cet aspect polyphonique de l’opposition dans Peuple des Dunes lui donne certes une force de représentation mais a aussi été responsable de tensions qui ont débouché sur un véritable schisme. Cette organisation en collectif a également été reprise par de jeunes lannionais, qui se sont regroupés en Grain de Sable.

Le collectif d’origine
La prise d’ampleur du phénomène
Le schisme
Un autre collectif : Grain de sable

Le collectif d’origine

Peuple des Dunes en Trégor est un collectif d’une cinquantaine d’associations créé le 7 janvier 2012. Le nom est une référence à un autre Peuple des Dunes, formé en 2006 dans le Morbihan en opposition à un autre projet d’extraction. Parmi les associations qui le composent, on retrouve notamment les associations écologistes membres de Sauvegarde du Trégor et de Force 5, l’Association Trébeurdinaise des Pêcheurs Plaisanciers, le Comité Départemental des pêches maritimes et des élevages marins des Côtes d’Armor, Cap Plongée Trébeurden, et la Ligue de Protection des Oiseaux de l’Île Grande. Jusqu’au mois de janvier 2016, le porte-parole incontesté du collectif était Alain Bidal. En dehors de réunions et tables rondes avec le gouvernement, les représentants de la CAN et du Peuple des dunes ne se sont pas rencontrés [21]. La page Facebook du collectif compte un peu moins de 3000 mentions j’aime fin mai 2016.

La prise d’ampleur du phénomène

Une première manifestation contre le projet d’extraction a eu lieu le 27 novembre 2010 à Trébeurden, sur une plage. Elle marque le début d’un mouvement de contestation concrétisé par la création du collectif en janvier 2012. [1]

Le 13 mai 2012, la première manifestation organisée par le collectif rassemble entre 3000 et 4000 personnes, toujours sur une plage de Trébeurden. [2]

La même année, une première pétition recueille 12 000 signatures. Elle sera présentée, avec l’appui du député européen Alain Cadec, à la commission européenne et examinée en avril 2014. Il est décidé de l’ouverture d’une enquête. [3]

Le 13 juillet 2013, Denis Delestrac, réalisateur du documentaire Le sable : enquête sur une disparition est invité à Lannion par le collectif pour une projection du documentaire suivie d’une table ronde. Un écran géant est installé sur la place de la mairie. L’événement rassemble 300 personnes dans la salle de projection et un grand nombre de personnes à l’extérieur.[4]

Le 24 janvier 2015, entre 4500 et 7000 personnes se réunissent à Lannion pour manifester contre le projet.[5]

Le 26 septembre 2015, des représentants du collectif se font entendre à Lampion au cours d’une manifestation de 200 personnes [1]. De même, le collectif réunit 150 personnes à Quimper le 17 octobre suivant. [6]

Le 10 octobre 2015, Peuple des Dunes lance une pétition en ligne qui compte 154000 signatures au 16 novembre, et appuie une requête d’annulation du projet déposée conjointement avec Lannion Trégor Communauté et les communes riveraines.[7]

sable

La manifestation de novembre 2015 Source : france3-regions.francetvinfo.fr

Du 16 au 23 novembre 2015, la préfecture lance une consultation publique dans les mairies voisines du site d’extraction. Le collectif organise une manifestation qui réunit 1000 personnes sur une plage à Trébeurden, le 22 novembre, pour encourager les riverains à se prononcer à l’encontre du projet. Aucun rapport de la consultation publique n’a été publié par la suite. [8]

Le schisme

Dans la foulée du décret d’Emmanuel Macron en septembre 2015, trois arrêtés préfectoraux datés du 1er décembre autorisent l’extraction. [9]

Des dissensions, présentes depuis la manifestation de novembre, éclatent alors au grand jour. Le 2 janvier, la ligne de conduite d’Alain Bidal est fortement remise en question lors d’une réunion du collectif. La contestation vient notamment d’Odile Guérin (géologue et conseillère municipale de Noisy-le-Roi), Yves-Marie Le Lay (président de Sauvegarde du Trégor), Patrice Desclaud (Plemeur Bodou-Nature) et Étienne de Saint-Laurent (Plestin Environnement). Ils regrettent un manque de transparence, de communication et de concertation, particulièrement au niveau de l’action pour la COP21. Une quinzaine de personnes, issues pour la plupart d’associations environnementales, se réunissent ensuite en comité de réflexion le 16 janvier à Plestin-les-Grève. Les partisans d’Alain Bidal, dont Pierre Le Gall (association des plaisanciers de Pleumeur-Bodou), Jean Le Gorju et Alain Legendre (Trébeurden patrimoine et environnement), dénoncent alors une radicalisation et un « putsch » à l’encontre du porte-parole [10]. Lors de cette réunion, Odile Guérin et Yves-Marie Le Lay déclarent [11] :

Depuis le 2 janvier, Peuple des Dunes, c’est nous.

S’ensuit une assemblée générale le 31 janvier à Plestin. Sur la cinquantaine d’associations du collectif, 23 sont représentées. On note la présence d’Yves-Marie le Lay (Sauvegarde du Trégor), de Patrice Desclaud (Eau et Rivières), et de Gilles Bentz (LPO). La séance est présidée par Loïc Cabel, président de l’APSIG, désigné à l’issu d’un vote. Alain Bidal refuse d’y assister. Ils décident d’une réforme du collectif, avec une véritable charte d’adhésion, l’ouverture aux personnes individuelles, et la formation de commissions pour la communication, les actions juridiques, scientifiques, financières,… Les nouvelles actions envisagées sont variées : un référé-suspension au tribunal administratif, la saisie de la justice européenne (qui est en cours), une consultation citoyenne, une manifestation au conseil général et, à l’été, une marche-relais de Plougasnou à Perros-Guirec ainsi que l’organisation d’une Fête du Sable. [12]

Ce tournant a des allures de schisme plus que de réforme. D’un côté, les militants rassemblés le 31 janvier ont conservé le nom de Peuple des Dunes, pour priver Alain Bidal de sa représentativité. De l’autre, le 22 janvier, Alain Bidal a rassemblé ses partisans originaux, rappelé les temps forts du collectif – notamment la grande manifestation de 2012 – et ses valeurs – la dignité, la responsabilité, l’apolitisme, le respect de la loi, la non-violence.[13]

Il y a un certain climat de tension dû à ce schisme et à l‘annonce en décembre de l’autorisation d’extraction. Une polémique émerge notamment autour d’une série de tags contre l’extraction à Lannion début février mais les deux pendants du collectif se désolidarisent de ces actions [14]. Le 13 février, Alain Bidal demande un referendum local, similaire à celui que François Hollande a annoncé pour l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, et ce au nom de Peuple des Dunes. Il y a donc un rapport de forces au niveau même du nom de Peuple des Dunes qui s’établit. [15]

Le 26 mars, la rupture est consommée. Le groupe qui conteste Alain Bidal forme un nouveau collectif appelé Peuple des Dunes de Batz à Bréhat. Il est notamment représenté par Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor, Yannick Corbin, président de Sémaphore (une autre association qui oeuvre pour la protection de l’environnement), Loïc Cabel, de l’Association pour la Préservation des Sites de l’Île Grande, et François Luce, pêcheur, qui en est le président. Leur première action consiste en une vente en ligne symbolique des parcelles de la zone d’extraction (5€ les 1 000m²), et est lancée fin avril sur le site helloasso.com.

En résumé, il y a maintenant deux Peuples des Dunes : Peuple des Dunes en Trégor, toujours représenté par Alain Bidal, et Peuple des Dunes de Batz à Bréhat [16], la seconde n’étant suivie que par une trentaine de personnes sur Facebook à la mi-mai, avec une page créée fin mars.

Au 15 mai, Peuple des Dunes de Batz à Bréhat avait collecté un peu plus de 1260€ sur helloasso.com, après 6 jours de récolte, l’objectif étant de récolter 10000€ en 245 jours.

Le 18 avril 2016, jour de la première commission de suivi en sous-préfecture, la députée Corinne Erhel révèle que quelques semaines auparavant la CAN a attaqué en justice l’arrêté qui impose ce suivi. Après la réunion elle déclarera [17]:

C’est inadmissible, alors que cette commission, c’est l’outil de transparence voulu par Emmanuel Macron ! Je ne peux pas parler pour lui, mais je ne pense pas qu’il apprécie particulièrement.

Peuple des Dunes en Trégor n’est pas directement représenté à la réunion car ce n’est pas une association, mais des personnalités en lien avec le collectif ont réagi, notamment en dénonçant l’incomplétude de l’état de référence produit par la CAN. Ainsi, Jean-François Omnès, qui représente les pêcheurs de Plaisance, critique le caractère expéditif du rapport socio-économique, Corinne Erhel met en doute la capacité des ports à accueillir le sable extrait et la prise en compte du tourisme, le président du comité départemental des pêches s’inquiète de la préservation du lançon, et Gilles Bentz, de la LPO, souligne [17]:

Rien non plus sur le bruit du sablier, ni sur la réserve des Sept-Îles, alors que le panache turbide soulevé par le sablier, irait plutôt vers nous.

Le 28 avril, la CAN retire son recours, en précisant [18]:

Il s’agit d’études qui ne figurent pas dans le Code Minier et qui sont imposées pour la première fois dans ce type de procédure.

Le lendemain, Peuple des Dunes en Trégor dénonce via Facebook une tentative de faire pression sur la préfecture. Le collectif représenté par Alain Bidal décide alors de lancer une opération cartes postales : le 4 mai, Alain Bidal annonce que 10 000 cartes postales pré-imprimées vont être envoyées à Emmanuel Macron, pour réclamer un referendum local et lui rappeler ses engagements [19]:

Il doit respecter sa parole, notamment la désignation de cabinets indépendants pour réaliser les deux études socio-économiques et environnementales avant tout commencement de travaux. Nous exigeons aussi une feuille de route contraignante pour une exploitation plus au large.

Fin mai 2016, François Luce, président du collectif Peuple des Dunes de Batz à Bréhat annonce sa volonté de se rapprocher de nouveau du collectif d’Alain Bidal, évoquant une sollicitation de la population [22]:

Il y a une demande citoyenne pour organiser une manifestation où toutes les tendances seraient représentées. Sur les marchés, des gens nous disent qu’ils veulent ce rapprochement. On serait bien c. de ne pas le faire, c’est ça qui est important .

Un autre collectif : Grain de sable

Peuple des Dunes a mis du temps à se relever de l’autorisation d’extraction. Ainsi le mois de novembre 2015 marque-t-il aussi la formation du nouveau collectif Grain de Sable, qui se réunit pour la première fois le 19 novembre à l’initiative de jeunes lannionais : 70 personnes se retrouvent dans un café à Lannion. [20]

Grain de Sable organise ensuite une réunion des associations Sauvegarde du Trégor, Tréduder nature et patrimoine, Sémaphore et le Peuple des dunes le 4 décembre dans un café de Locquemeau. La devise du collectif [4]:

Ne pas se laisser draguer sans rien dire.

En janvier 2016 , Grain de sable rejoint les associations dissidentes de Peuple des Dunes comme Sauvegarde du Trégor, et est présent à l’assemblée du 31 janvier.[13]

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(1) Extraction de sable : 200 personnes à la manifestation. Ouest-France. (28 septembre 2015)

(2) La Bretagne en lutte contre l’exploitation du sable des dunes. Le Monde (23 janvier 2015)

(3) Un dossier ensablé pendant 5 ans. Ouest-France. (16 avril 2015)

(4) Baie de Lannion. Table ronde sur l’extraction de sable le 27 août au ministère. Le Télégramme (Bretagne). (13 juillet 2013)

(5) Lannion : plusieurs milliers de manifestants contre un projet d’extraction de sable. L’Express. (24 janvier 2015)

(6) Trégor. Manifestation contre l’extraction de sable. Le Télégramme (Bretagne). (18 octobre 2015)

(7) 154 000 signatures pour Le peuple des dunes. Ouest-France (Guingamp). (24 novembre 2015)

(8) Trébeurden. Des dissensions au sein de Peuple des Dunes. Le Télégramme (Bretagne). (18 janvier 2015)

(9) Extraction de sable en baie de Lannion. Les arrêtés préfectoraux signés. Le Télégramme (Bretagne). (4 décembre 2015)

(10) Peuple des dunes. Un « putsch » dénoncé. Ouest-France. (14 janvier 2016)

(11) Le Peuple des dunes, c’est nous. Le Télégramme (Bretagne). (18 janvier 2016)

(12) Peuple des dunes. Revu de fond en comble. Le Télégramme (Bretagne). (31 janvier 2016)

(13) Extraction de sable à Lannion : des actions en justice mais pas que… Ouest-France. (27 janvier 2016)

(14) Extraction de sable. Dessins et slogans tagués en ville. Le Télégramme (Bretagne). (1er février 2016)

(15) Sable : Peuple des dunes demande un referendum. Ouest-France. (13 février 2016)

(16) Le Peuple des dunes de Batz à Bréhat est né. Ouest-France. (28 mars 2016)

(17) Extraction de sable en baie de Lannion : la CAN a attaqué en justice ! Ouest-France. (19 avril 2016)

(18) Extraction de sable à Lannion : la CAN retire son recours en justice. Ouest-France. (28 avril 2016)

(19) Extraction de sable. 10 000 cartes pour Emmanuel Macron. Le Télégramme (Bretagne). (4 mai 2016)

(20) Un Grain de sable se glisse dans l’extraction. Le Télégramme (Bretagne). (21 novembre 2015)

(21) Entretien réalisé par téléphone avec un représentant de la CAN le 15 janvier 2016.

(22) Tentative de rabibochage entre les deux Peuples des dunes. Ouest-France. (30 mai 2016)