À quoi sert le sable ?
Les différents types d’amendements : le choix du sable coquillier
Un choix qui ne fait pas l’unanimité
L’implication du secteur agroalimentaire
À quoi sert le sable ?
Le sable est utilisé majoritairement pour satisfaire la demande du secteur agricole. En effet, les terres de Bretagne sont naturellement acides et dépourvues de carbonates. Un amendement calcaire est alors nécessaire pour la plupart des cultures (orge, blé, luzerne, betterave), qui seraient rendues impossibles sans apport nutritionnel supplémentaire [1].
Cet amendement, qui agit directement sur la fertilité des sols et non celle des plantes (comme le ferait un engrais), a un rôle à la fois physique, chimique et biologique. Il permet notamment de rendre la structure des sols plus meuble et plus stable, de réguler le pH ainsi que de faciliter les échanges d’ions, et enfin de faciliter le développement de micro-organismes. Un amendement est également nécessaire pour compenser les effets de la sur-fertilisation par engrais organiques. L’utilisation de trop grandes quantités de ces engrais entraîne le « lessivage » des terres en CaO (oxyde de calcium) : la terre se retrouve alors en déficit de calcium, et nécessite un apport supplémentaire en calcaires pour compenser cette perte [2].
Les différents types d’amendements : le choix du sable coquillier
Plusieurs types d’amendements calcaires peuvent être utilisés : des calcaires cuits (chaux vive) ou crus (maërl, sable coquillier, craie, calcaire broyé). La chaux vive est très agressive et entraîne une forte libération d’azote ; son utilisation est d’ailleurs interdite par le cahier des charges bio. Les agriculteurs ont alors recours aux carbonates naturels tels que le maërl et le sable coquillier. Cependant, les disponibilités en maërl s’appauvrissent et son utilisation en tant qu’agent d’amendement a été interdite par l’union européenne en 2013. Seuls les déchets peuvent être utilisés, alors que la partie pure est utilisée pour des activités plus « nobles », telles que la purification de l’eau ou l’alimentation.
L’utilisation du sable coquillier s’est alors présentée comme une solution alternative, d’autant plus qu’elle est économiquement intéressante. D’une part, le sable coquillier possède des qualités nutritives intéressantes, comparables à celles du maërl (ces deux composés calcaires sont composés à 40-45% de CaO). D’autre part, le maërl broyé est disponible à un prix de 106€/tonne, tandis que le sable coquillier ne coûte que 15€/tonne [2].
Pour ces raisons, le sable coquillier est une ressource intéressante parce qu’il permet de rendre possible certaines cultures sur le sol breton, tout en étant une bonne solution économique, alternative à l’utilisation de maërl ou de chaux vive. Toutefois, il n’échappe pas non plus au phénomène de lessivage, par association des ions nitrate présents dans les produits phytosanitaires avec les ions calcium du sable. Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor, parle de 75 000 tonnes de calcaire qui retourneraient à la mer chaque année en Bretagne, soit 150% de la masse de sable extrait prévu pour la première année d’exploitation. Il ajoute, comme une critique de cette pratique intensive de l’amendement agricole, [4] :
C’est un cercle vicieux, il vaudrait mieux empêcher les fuites de calcium plutôt que de piller les ressources naturelles.
Un choix qui ne fait pas l’unanimité
Cette utilisation est sujette à controverse : de nombreux élus locaux et membres de collectivités environnementales déplorent le fait de favoriser une activité (agriculture) aux dépends des autres (pêche, tourisme) et de mettre en danger les écosystèmes, en rendant possible l’extraction de sable coquillier dans différentes zones maritimes bretonnes, dont des zones Natura 2000 [3].
Ainsi Christian Marquet, maire de Lannion, qui n’est pas contre l’amendement agricole – ie utiliser du sable pour les cultures, pense néanmoins qu’il serait judicieux d’extraire ailleurs pour ne pas nuire à la biodiversité locale. Par ailleurs, Delphine Charlet – adjointe à l’environnement et au Développement Durable – souligne que les 3,1 millions de mètres cubes de sable extraits au cours de l’exploitation entraîneraient la disparition du quart du banc de sable présent. Les membres du Conseil Economique et social de Bretagne sont également contre le projet et affirment que les extractions de sable sont une menace pour la biodiversité et les activités humaines [3].
Seul Yannick Guégan, chef de file de l’opposition a voté contre l’avis défavorable : il est donc pour le projet d’extraction. Selon lui, il ne faut pas « enterrer le projet pour des raisons écologiques » ; il faut penser aux opportunités économiques qu’un tel projet pourrait représenter. En effet, 140 salariés dépendent de l’activité d’extraction [3].
Enfin, les deux parties déplorent un manque d’études spécifiques et d’avis d’experts à ce sujet. Des inquiétudes ont également été formulées à propos des oiseaux – puffin des Baléares – et des poissons – lançon : espèces qui seraient menacées de disparition dans le cas d’une exploitation du sable marin.[3]
L’implication du secteur agroalimentaire
Yves-Marie Le Lay, président de Sauvegarde du Trégor, explique que la FNSEA, la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles est la seule association à avoir donné un accord fort à cette extraction [4]. On pourra noter que le groupe Roullier, dont la CAN est une filiale, est justement un acteur important de l’industrie agroalimentaire qui produit et transforme des nutriments pour les plantes, les animaux et les hommes. Le groupe emploie 7 300 personnes à travers le monde et a réalisé 3.1 milliards d’euros de chiffre d’affaire en 2015. [5]
(1) ecosociosystemes.fr, Amendements ou engrais ?, consulté le 15 avril 2016.
(2) capbio-bretagne.com, L’amendement calcaire ou basique en Bretagne, rédigé en décembre 2011, consulté le 15 avril 2016. .
(3) Non, pour le conseil municipal de Lannion, c’est non. Le Télégramme (Bretagne) (15 décembre 2010)
(4) Nous avons réalisé un entretien téléphonique avec M. Le Lay, président de l’association Sauvegarde du Trégor, le 22 janvier 2016.
(5) roullier.com, Groupe Roullier, qui sommes-nous?, rédigé en 2014, consulté le 17 avril 2016.