Le difficile accès à la ressource du fait des carrières qui s’épuisent et les demandes croissantes en cette matière première font du marché du sable l’un des plus importants à l’heure actuelle. Les échanges se chiffrent en dizaines de milliards de dollars annuels. Tous les pays ne disposant pas de cette ressource en quantité suffisante, certains doivent alors se reposer sur des importations pour subvenir à leurs besoins en sable.
C’est le cas notamment de Dubaï, qui importe du sable extrait au large de l’Australie à hauteur de 5 milliards de dollars par an pour satisfaire ses besoins et réaliser des projets architecturaux colossaux. [1] En effet, bien que Dubaï dispose d’une réserve de sable impressionnante grâce à la proximité du désert, ce sable est inexploitable en construction car les grains sont trop fins et polis par le vent.
Les enjeux géopolitiques liés à l’exploitation de sable sont donc majeurs, mais la législation et les contrôles sont compliqués à mettre en place. En effet, les exploitations de sable marin sont souvent interdites par la loi ou du moins contrôlées, mais de nombreuses mafias du sable s’organisent pour détourner ces interdictions et continuer à fournir du sable en grande quantité aux sociétés de construction. Richard Hiault, reporter pour Les Echos titre notamment un de ses articles de la façon suivante : « La guerre mondiale du sable est déclarée », mettant ainsi en lumière tous les enjeux internationaux que pose la problématique de l’exploitation du sable. [2]
Au Sénégal, par exemple, l’exploitation est autorisée uniquement dans une zone de 27 km2 au large de Dakar, et des brigades sont chargées de contrôler les quantités extraites. Mais des pilleurs de sable reprennent leur activité sitôt la brigade repartie, et les quantités se chiffrent à 40 000 tonnes de sables extraites quotidiennement, pour répondre à une demande toujours plus importante en sable. [3]
La difficile législation des extractions se retrouve également au Cambodge, où les licences d’exploitation sont accordées dans des circonstances douteuses : elles sont souvent délivrées aux proches du Premier Ministre ou du Parti au pouvoir, sans se préoccuper d’études d’impact. Cela pose alors la question de la place de la corruption dans le marché du sable. [4]
Cette corruption est notamment visible en Chine et en Inde, avec l’existence de mafias du sable puissantes qui contrôlent le secteur de la construction et corrompt les administrations. En Inde par exemple, 2 milliards de tonnes de sable sont exploitées illégalement dans le pays chaque année. [1]
A Singapour, cette corruption est également visible. Pour continuer à favoriser son expansion sur la mer, la cité-Etat importe du sable depuis le Cambodge, le Vietnam, la Malaisie ou encore l’Indonésie. Pour des raisons environnementales, les gouvernements ont officiellement stoppé les échanges (la Malaisie interdit notamment l’export de sable depuis 1997 et l’Indonésie a fait de même en 2007 [6]) mais les trafics se poursuivent par l’intermédiaire de dealers et de sociétés fictives, avec la complicité de l’Etat.
Un autre exemple des actions de mafias du sable est celui des pilleurs de sable au Maroc. Ce pays est récemment devenu un El Dorado pour les vacanciers, et les constructions de complexes hôteliers près des côtes se sont multipliées. Pour assurer un apport suffisant en sable, les sociétés de construction utilisent du sable qui leur a été vendu par des contrebandiers ; 40% du sable utilisé a été volé sur des plages marocaines. Les « sand thieves » se rendent sur les plages et remplissent des sacs de sable à la pelle, puis les transportent à dos d’âne pour ensuite les vendre à des contrebandiers. Les paysages côtiers deviennent alors lunaires, ce qui réduit par la même occasion le côté attractif de ces côtes, pourtant prisées par les touristes… De plus, ce sable est souvent mal lavé et n’est ainsi pas débarrassé de son sodium, ce qui rend les constructions en béton vulnérables à la corrosion.
Ainsi, les problèmes géopolitiques liées à l’exploitation du sable, et principalement à son extraction en mer légale ou non se retrouvent à l’échelle mondiale, sur tous les continents et dans tous les pays côtiers. Comme le révèle Annabelle, rédactrice de l’article « Le sable, une ressource en voie de disparition », l’ironie principale de cette exploitation massive de sable est la suivante :
« On extrait du sable pour construire des bâtiments voués à disparaître à cause du recul des plages et de la montée des eaux engendrés par l’extraction du sable. Le serpent se mord la queue»
Ceci met en lumière le manque de visibilité à long terme qui existe à propos de l’exploitation de sable marin, avec une mauvaise évaluation des risques environnementaux. La priorité est donnée à la réponse aux exigences des promoteurs qui désirent construire toujours plus et toujours plus près des côtes, sans se soucier des conséquences environnementales de telles constructions et de telles exploitations.
(1) Consoglobe.com, Le sable, une ressource en voie de disparition.Consulté le 15 mai 2016, rédigé en novembre 2013.
(2) HIAULT Richard, La guerre mondiale du sable est déclarée, LesEchos.fr. (24 février 2016)
(3) VANDAL Julie, Building Boom sapping Senegal’s shoreline, AFP World News. (29 juillet 2008)
(4) Planetoscope.com, Statistiques d’extraction de sable marin dans le monde. Consulté le 15 mai 2016.
(5) HOFFMAN Daniel, International : Alerte aux pilleurs de sable, LeParisien.fr. (19 août 2013)
(6) Singapore’s sand shortage : The hourglass effect, The Economist (n°950) (2009)
(7) VIGUERIE (de) Véronique, QUEROUIL Manon, Maroc, au cœur du trafic de sable, Geo.fr. (8 avril 2014)