EFSA

Autorité Européenne de Sûreté des Aliments

La pomme de terre Amflora est principalement destinée à la production d’amidon pour l’industrie papetière. Ces pommes de terre ne sont pas destinées à la consommation humaine directement. Néanmoins, Amflora est un Organisme Génétiquement Modifié qui risque de se retrouver dans des aliments et doit donc subir des tests pour évaluer les risques liés à sa consommation. Afin de soumettre la demande de commercialisation de la pomme de terre Amflora au sein de l’Union Européenne, le groupe BASF a demandé un rapport d’expertise à l’EFSA (autorité européenne de sécurité des aliments) au début de l’année 2005. L’EFSA a publié son opinion finale concernant la pomme de terre Amflora le 7 décembre 2005.

Les données sur lesquelles s’est basée l’EFSA pour faire part de son opinion ont principalement été fournies par BASF. Elle a également tenu compte de commentaires des États Membres et de données de l’EMEA (Agence Européenne des Médicaments). En vue de son utilisation industrielle, les risques liés à Amflora ont été évalués selon les principes décrits dans le bilan du panel scientifique de la branche « Organismes Génétiquement Modifiés » de l’EFSA.

Pour évaluer justement les dangers biologiques concernant Amflora, les experts de l’EFSA ont essayé de « quantifier, de chiffrer avec différentes approches le transfert d’un gène venant d’une plante vers une bactérie notamment les gênes de résistance aux antibiotiques. Des travaux ont été réalisés sur des plantes, de maïs par exemple, ou bien directement dans des tubes à essais, dans des conditions données, pour voir si le transfert pouvait se faire à quel condition et avec quelle probabilité et dans quels conditions suivant le type de construction génique, etc. Cela a constitué les données de base sur les probabilités de transfert. Ensuite des données ont été apportées par l’EMEA, point important dans le débat : si cet antibiotique pour lequel le gène marqueur développe une résistance était un antibiotique crucial, important, secondaire, peu utilisé ou bien minoritaire. »

Le bilan scientifique inclut l’examen de l’ADN inséré dans la pomme de terre, la nature et la sécurité de la modification de l’expression de la protéine dans les plantes ainsi que son respect des normes relatives à la toxicologie et au pouvoir allergisant. En outre, une analyse comparative des traits agronomiques et de la composition a été menée. Des évaluations concernant les risques environnementaux et nutritionnels ont également été entreprises.

La pomme de terre Amflora est une variété dérivée de la pomme de terre communément répandue. L’analyse moléculaire montre que Amflora contient deux copies partielles du fragment de l’ADN initial. La modification concerne un seul lieu dans le génome d’Amflora. Selon les experts d’Amflora, l’analyse du fragment d’ADN modifié n’indique aucune source d’inquiétude et des preuves suffisantes ont été fournies pour garantir la stabilité de la structure. La pomme de terre Amflora a été développée pour la production d’amylopectine. L’amylopectine sera principalement utilisée dans des produits non-alimentaires comme le papier. L’analyse de la composition montre qu’il n’y a pas de différences entre les motifs de l’ADN de la pomme de terre Amflora et celle qui n’est pas génétiquement modifiée exceptée la composition de l’amidon. Le bilan des risques inclut une analyse détaillée de produits dérivés d’Amflora destinés à l’alimentation animale. Ces données révèlent qu’après l’extraction de l’amidon, les sous-produits obtenus à base de pommes de terre génétiquement modifiées sont aussi sûres que ceux de la lignée parentale non modifiée.

Un autre problème qui se posait était la présence des marqueurs antibiotiques dans la séquence modifiée. « Les experts du panel OGM s’étaient fait une grille de ligne directrice. Ce type de marqueur sera interdit si l’antibiotique est utilisé en médecine humaine ou non. L’EMEA a conclu que c’était une très mauvaise façon de juger de l’importance d’un antibiotique. Certains sont peu utilisés car présentent des effets secondaires mais ils peuvent tout de même être très importants car ce sont des antibiotiques de dernier recours contre une maladie : certaines personnes ne peuvent être soignées qu’avec ceux-là. »(l’interview) Ainsi, ce témoignage révèle un conflit entre les comités d’expertise de l’EFSA et de l’EMEA. Ils n’ont pas la même façon d’évaluer les risques car ils n’ont pas le même point de vue concernant l’antibiotique en question.

Au terme de cette étude, les experts de l’EFSA ne sont pas tous parvenus à la même conclusion concernant les risques liés à Amflora. Le membre du panel que nous avons interrogé nous a décrit la situation lors de l’émission des avis des experts :

« Avec mon collègue nous n’avons pas réagi sur la même chose : lui estimait que le groupe de travail avait sous-estimé le risque de transfert. Effectivement c’est très faible pour un champ en particulier mais pour des hectares et des hectares de plantation, cela fait de grosses quantités de cellules, d’ADN de plante et des quantités énormes de bactéries dans le sol et donc statistiquement, cela doit quand même arriver de manière non-négligeable. Moi je n’étais pas vraiment d’accord avec lui. Car les essais en plein champ n’ont rien montré et les essais in-vitro dans les conditions les plus favorables donnent des quantités de passages quand même faibles. Et dans le sol d’autres facteurs vont venir dégrader l’ADN et encore affaiblir ces risques de passage. De mon côté je trouvais que la formulation employée était assez bien, en l’occurrence « very unlikely », c’est-à-dire que c’est faible mais que ça ne peut pas être négligé. C’est-à-dire que les autorités doivent accepter que ce soit faible, mais si elles passent outre, elles auront conscience qu’elles prendront un risque, faible, mais néanmoins présent. Cela me convenait assez bien. Ce qui me choquait était une autre partie de la conclusion, qui disait : « l’effet sur la santé humaine et l’environnement résultant de ce transfert est improbable », sur l’argument, qui était celui de pas mal de membres du panel, de dire « de toutes façons ça n’est pas grave puisqu’il y a déjà beaucoup de bactéries qui portent le gène de résistance ». Moi je n’étais pas d’accord car on ne sait pas très bien comment évolue ce gène de résistance, on n’est pas du tout fondés pour dire que le fait de rajouter un peu de transfert n’impacte pas sur la probabilité finale de transfert sur un pathogène. Cela crée en plus un déséquilibre avec ce qu’on exige des bactéries introduites dans la chaine alimentaire : si l’on veut introduire des bactéries pro-biotiques chez les animaux d’élevage si cette bactérie contient des gènes de résistance qui sont transférables, ça ne sera pas autorisé. Ce qui n’est donc pas cohérent. Voici donc les deux avis minoritaires qui portaient sur des questions différentes. »(l’interview)

Après lecture de ce témoignage, on se rend compte que, même au sein d’un même comité les avis émis par les experts sont différents. Il est donc intéressant de se demander comment ont été prises en comte les divergences d’opinion. Voici la description donnée par le membre du panel interviewé : « C’est un peu particulier car il y avait deux panels qui ont donné un avis commun et un avis autonome du panel qui travaille sur les OGM. Ce dernier est l’avis du panel et non de l’EFSA. Le panel est responsable de ses conclusions et la direction de l’EFSA ne réécrit pas par-dessus. Ce n’est pas le même type de fonctionnement à l’AFSSA, il y avait l’avis du comité d’expert en France et celui publié, l’avis de la direction (qui s’inspire fortement du premier, mais avec un certain droit de regard). A l’EFSA, ce qui sort du panel est publié. S’il y a un désaccord, les personnes minoritaires peuvent exprimer un avis défavorable qui est consigné. Si une minorité trop importante est contre, l’avis n’est pas publié. Finalement, un avis n’est publié que si une grosse majorité des experts sont en accord. »(l’interview)

Pour conclure, la branche OGM de l’EFSA a considéré que les informations disponibles pour la pomme de terre montrent qu’Amflora ne va pas probablement avoir un effet indésirable sur la santé humaine et animale et l’environnement dans le contexte des utilisations proposées.

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