Produire de l’expertise scientifique : Synthèse

Pour évaluer les risques biologiques de produits avant de décider leur mise sur le marché, de nombreux comités d’expertise ont été crées. Cela permet également de séparer évaluation et gestion des risques. Leur but est de créer de l’expertise scientifique indépendamment de facteurs subjectifs. L’enjeu est donc ici de fournir une analyse la plus objective possible aux institutions européennes ou aux gouvernements pour leur permettre de prendre une décision basée sur des données purement scientifiques.

Après que BASF ait effectué sa demande de commercialisation d’Amflora en 2005, la Commission européenne a eu recours à l’EFSA pour évaluer les risques liés à Amflora. Jugeant qu’un avis n’était pas suffisant, elle a demandé un autre rapport d’expertise en 2007 à l’EMEA. Lorsque la Commission européenne a annoncé qu’elle autorisant la commercialisation d’Amflora, la France a demandé un nouveau rapport d’expertise au HCB. Pour leurs études concernant Amflora, ces comités se sont principalement appuyés sur des données fournies par l’entreprise développant la pomme de terre génétiquement modifiée (BASF). Cependant, ils se complètent car ils ont recours à des résultats donnés par d’autres comités. Pour produire de l’expertise, on fait donc appel à des agences d’experts qui fournissent des analyses des produits à tester. Le fait que plusieurs agences soient sollicitées permet d’améliorer la sûreté des avis émis.

L’examen des différents rapports d’expertise montrent que certains avis divergent. En effet, alors que l’EMEA met en avant un risque notable de résistance aux antibiotiques pour Amflora, l’EFSA juge la pomme de terre sûre. Où se trouve alors la « vraie » objectivité ? En existe-t-il plusieurs ? Le membre du panel de l’EFSA que nous avons interrogé nous confie : « Sur des sujets délicats où il y a une grosse part d’appréciation subjective puisque on manque de données clairement établies et faciles à analyser (données quantitatives notamment), l’avis reflète directement la composition du panel, on change 2-3 experts et l’avis change. Par le passé, sur la vache folle, le président d’un des comités qui précédait l’EFSA s’occupait aussi d’un comité d’expert à l’AFSSA, et sur le même sujet, le comité qu’il présidait dans les deux cas a donné un avis différent. Sur les mêmes bases scientifiques, les même analyses, l’avis peut donc être différent. » Ainsi, après lecture de ce témoignage, on réalise qu’il n’est pas évident de créer de l’expertise scientifique car l’analyse des mêmes données peut mener à des conclusions différentes.

Ces comités d’expertise sont parfois la cible de virulentes critiques. Par exemple, en mars 2010, un séminaire a été organisé en partie par le CRIIGEN (Comité de Recherche et d’Information Indépendantes sur le génie GENétique) au Parlement européen sur la question de l’expertise scientifique. Lors de l’introduction, une remise en cause de toutes les agences d’expertise a été demandée. Au cours du débat, Michèle Rivasi (militante verte anti-nucléaire) a gravement attaqué la présidente de l’EFSA allant jusqu’à demander sa démission. Les experts de l’EFSA ont également été accusés de corruption. Ces critiques, formulées en grande majorité par des militants anti-OGM, doivent être analysées avec du recul. Cependant, elles soulèvent la question de la part de subjectivité dans les études et rendent compte de la difficulté de déterminer où se trouve l’objectivité scientifique.

Dès lors, ont peut se demander comment sont prises les décisions au niveau européen et national.

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