Comment l’EFSA évalue les risques de manière objective ?
Quelle est sa démarche pour produire de l’expertise ?
Le rôle principal de l’EFSA est de dispenser des avis scientifiques indépendants sur la sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale. Les évaluations des risques réalisées par l’EFSA fournissent aux gestionnaires des risques (la Commission européenne, le Parlement européen et les États membres) une base scientifique qui les aide à prendre des décisions en matière de politique et de législation au sein de l’UE afin de garantir la sécurité des aliments pour tous les consommateurs européens. Les gestionnaires des risques de l’UE prennent néanmoins d’autres éléments en considération pour autoriser ou non la mise sur le marché d’un produit.
Ainsi, pour évaluer les risques concernant les OGM par exemple, les industriels qui veulent soumettre leurs produits à la Commission Européenne envoient une demande d’évaluation de risques au groupe GMO de l’EFSA. Ce sont les industriels qui doivent fournir toutes les données nécessaires aux tests. Chaque demande reçue par le groupe est soumise à un examen complet par le groupe GMO , composé de 21 experts scientifiques indépendants.
Lors d’une interview d’un membre du panel d’experts sur les dangers biologiques de l’EFSA, nous avons eu des précisions concernant le fonctionnement. Comme le sujet d’Amflora est difficile pour l’EFSA qui a du émettre plusieurs avis suite aux demandes de la commission européenne, la direction souhaitait que cette fois-ci que le groupe de travail soit mixte : groupe de travail sur les OGM et groupe de travail sur les dangers biologiques.
De quelle manière la composition des experts de l’EFSA est-elle choisie ?
Il y a deux niveaux : les membres des panels (comité d’experts de l’EFSA) sont nommés pour trois ans (renouvelables trois fois, soit neuf ans maximum). Le choix part d’un appel à candidatures, examiné par un comité de sélection dont je ne connais pas la composition. Il y a actuellement un appel à candidatures pour un renouvellement au printemps. Chaque demande d’expertise déposée à l’EFSA concerne un ou deux panels, lesquels forment un groupe de travail composé de membre de panels (permanents) et d’extérieurs contactés par le secrétariat scientifique de l’EFSA en fonction de leurs publications, de leurs travaux (il ont constitué un base de candidature). Pour toute participation, il faut écrire une déclaration à la TEREP, qui est examinée par le service juridique de l’EFSA qui décide s’il n’y a pas conflit d’intérêt qui empêcherait la participation de l’expert. Il faut faire un compromis entre des experts bien au courant des domaines mais sans conflit d’intérêt. Il faut répondre à ces questions : dire par qui on est payé, quels sont nos travaux, quels contrats font fonctionner le labo, des contrats à titre privé en tant que consultants, conjoints dans des activités rémunérée dans un domaine concerné, etc.
De quelle manière les groupes de travail de l’EFSA mettent-ils en commun leurs résultats ?
Le travail se fait dans les groupes de travail, régulièrement l’état d’avancement du groupe de travail est présenté au panel par le rapporteur (membre de l’EFSA), il est discuté, validé et éventuellement modifié par le panel. “Le panel est l’auteur et le responsable des conclusions du rapport. C’est dans le cadre de ces discutions que l’avis final est mis au point. “(l’interview)
Le rôle de l’EFSA apparaît comme délicat : produire de l’expertise scientifique sans être influencé par des considérations extérieures. La démarche entreprise par l’EFSA est décrite par le membre du panel que nous avons interrogé en ces termes :
« Quand on apprécie comme ça un risque il y a une démarche standardisée, recommandée par le code EXEDENTARIUS , suivi en gros universellement. D’abord identifier le danger, en l’occurrence, si ce gène se retrouve sur des bactéries pathogènes pour l’homme et les animaux. Puis il faut quantifier l’exposition au danger (est-ce que l’atteinte à la santé humaine ou des animaux a une forte probabilité de se réaliser ?), quantifier aussi le passage du gène d’une plante en plein champ vers des bactéries, puis des bactéries vers l’environnement. Et enfin apprécier les conséquences sur la santé humaine (les gens de l’EMEA avaient conclut que c’était important finalement). Voilà la démarche en gros. Dans les conclusions, le vocabulaire est choisi de manière rigoureuse, par exemple, ce qui avait un peu aidé à rédiger notre rapport, c’était une réglementation européenne qui ne prenait pas en compte les risques pour la santé humaine mais qui avait été rédigée pour quantifier les risques pour l’environnement. Le type de terme à proscrire est « ne peut pas être exclu » car rien ne peut être vraiment exclu, il faut essayer d’être plus précis. Il faut une probabilité chiffrée ou avoir des mots précis pour expliquer qu’un événement peut arriver même si la probabilité est très faible. Les études de risque du passage d’une plante à une bactérie sont peu concluantes, on est très subjectifs. On dit « on se sait pas », mais cela ne convient pas à la commission car elle doit prendre des décisions. On dit donc : « en plein champ, personne n’a prouvé que ça pouvait arriver, mais on n’a pas prouvé que ça n’arrive pas, parce que nos mesures ne sont pas infiniment précises». Après, on arrive à le montrer avec des paramètres quantifiables en tubes à essais, avec des conditions qui souvent ne sont pas très représentatives de la réalité, parce que sur les constructions où il y a quand même des homologies entre le gène et l’organisme récepteur, après le gène peut se dégrader en terre. Tout ça ce sont des choses qu’à l’époque personne ne savait quantifier, on ne peut donc pas donner un chiffre tel « ce transfert va se faire dans X % des cas ». »(l’interview)
L’EFSA est donc également confrontée à des obstacles techniques : il est très difficile de quantifier les risques en travaillant sur des échantillons. Elle a néanmoins des obligations envers la commission européenne et se doit de fournir des résultats significatifs qui permettrons aux institutions européennes de prendre des décisions. Afin d’obtenir une évaluation des risques la plus précise possible, une évaluation comparative est réalisée entre les cultures génétiquement modifiées et les mêmes cultures conventionnelles afin de déterminer si la plante génétiquement modifiée est aussi sûre que les cultures non modifiées génétiquement . Le groupe scientifique effectue chaque évaluation des risques associés aux OGM selon une approche « au cas par cas ». Il n’existe aucune présomption quant à la sécurité d’un OGM, étant donné que chacun est unique et doit être évalué sur base individuelle afin de s’assurer qu’il ne présente aucun risque pour la santé des êtres humains ou des animaux ainsi que pour l’environnement.
Plusieurs facteurs sont pris en considération par l’EFSA pour l’évaluation des risques liés aux OGM :
- la caractérisation moléculaire du produit génétiquement modifié, en prenant en compte les caractéristiques des organismes donneur et receveur;
- les caractéristiques concernant la composition, la valeur nutritionnelle et les paramètres agronomiques du produit génétiquement modifié;
- la toxicité éventuelle et le potentiel allergène du produit génétiquement modifié;
- l’impact éventuel sur l’environnement après une dissémination volontaire du produit génétiquement modifié et en prenant en compte son utilisation prévue pour l’importation, le traitement ou la culture.
A la fin de son étude, l’EFSA publie un rapport qui regroupe tous les résultats concernant l’OGM. Celui-ci est ensuite remis au groupe industriel qui a effectué la demande qui peut ensuite le transmettre à la Commission Européenne. Cette démarche est obligatoire pour pouvoir soumettre une demande. La Commission exige un rapport de l’EFSA pour prendre une décision.