Quelle utilité pour les normes privées et les normes publiques ?

En tant que produit dangereux ayant une toxicité reconnu par les experts du tabac, la cigarette électronique est assujettie à un certain nombre de normes. Ces normes, qui visent à assurer au consommateur un cadre de consommation le moins dangereux possible, proviennent à la fois d’une volonté de l’état de protéger ses propres citoyens fumeurs contre les méfaits d’un produit reconnu comme toxique par le ministère de la santé, mais aussi d’une volonté des distributeurs de cigarette électronique de rassurer leur clientèle sur la nocivité de ce produit. L’initiative des distributeurs se traduit par la mise en place de normes privées, tandis que l’initiative de l’état se traduit par une mise en place de normes publiques, auxquelles tous les distributeurs doivent se plier.

Les normes privées

Il existe de nombreuses normes aujourd’hui qui relèvent essentiellement des fabricants. Dès lors que les normes sont privées, il se pose évidemment la question de la pertinence des normes de chacun des fabricants. Les normes privées sont-elles suffisamment exigeantes en matière de sûreté et de fiabilité du produit? S’adaptent-elles suffisamment rapidement aux réalités du marché? Délaissent-elles la fiabilité de leur produit au profit de marges financières plus importantes?

La cigarette électronique, un produit inventé par des consommateurs

Il est intéressant de noter que la cigarette électronique n’a pas été développée par des laboratoires de recherches, mais par des consommateurs inventifs. A ses débuts, la cigarette électronique n’était l’œuvre que de quelques bricoleurs dans leurs ateliers et non de laboratoires de grands groupes de tabac. L’incroyable évolution de la qualité de la cigarette électronique depuis ses débuts jusqu’à nos jours n’est que l’œuvre des associations de consommateurs, qui signalaient les produits dangereux après essais auprès d’un public restreint. Cette inventivité des consommateurs explique les mutations très rapides du marché de la cigarette électronique.

Un marché en perpétuelle évolution

L’adaptation rapide des normes aux réalités du marché est essentielle sur le marché de la cigarette électronique. C’est en effet un marché en mutation permanente et rapide. Selon le Professeur Dautzenberg [1], Président de l’OFT (Office Français du Tabagisme), cette évolution est tellement rapide que certains rapports scientifiques sur la cigarette électronique datant d’il y a plus de deux ans sont largement dépassés, pour la simple raison que les produits élaborés actuellement par les fabricants de cigarette électronique ont considérablement évolué depuis. Les normes dites “privées”, mis en place par les distributeurs de cigarette électronique pour rassurer leur clientèle sur la qualité de leurs produits, sont des normes dont l’adaptation au marché évoluent relativement rapidement en fonction de l’opinion des consommateurs et  éventuellement des avis d’experts.  Comme l’explique le vice-président de l’AIDUCE Stéphane Bouniol [2], “dès lors que les consommateurs repèrent un produit « nocif », celui ci est en effet immédiatement signalé sur les forums ou sur les sites de consommateurs. Si un produit est « blacklisté », il est sujet à la très grande méfiance des acteurs, ce qui est synonyme d’une très grande difficulté à écouler le produit. Les associations de consommateurs, très présentes sur la toile, sont vraiment très réactives pour cela.“  Cette grande réactivité des normes privées assurent des normes élaborées en fonction des réalités du marché actuel.

Diverses approches du problème de qualité selon les fabricants

Les normes privées dépendant de chaque fabricant de cigarette électronique, il y a inévitablement un grand nombre de normes sur le marché actuel. A chaque label de qualité est associé une manière d’évaluer la qualité du produit. Cette manière peut varier considérablement d’un fabricant à l’autre. Certains fabricants vont jusqu’en Chine [3], où sont fabriqués la majorité des e-cigarettes, pour vérifier la qualité de fabrication des produits. D’autres fabricants préfèrent se pencher sur la qualité des e-liquides, dont la qualité est plus facilement contrôlable. Ces différentes approches du problème de qualité soulignent l’importance de la polysémie que peut avoir le mot “qualité” sur le marché de la cigarette électronique.

 

 Les normes publiques

L’évolution rapide du marché peut laisser à penser que les normes privées sont plus efficaces que les normes publiques, qui mettraient un temps beaucoup plus long pour s’adapter aux produits du marché. Mais l’un des problèmes que pose l’instauration de normes privées est la lisibilité de chaque norme. En effet, si chaque fabricant cherche à établir son propre label de qualité, cela engendre inévitablement un grand nombre de normes, ce qui peut poser problème au consommateur, qui ne sait plus à quelle norme se fier.

Les normes publiques comme cadre légal de labels de qualité

Les normes établis par des établissements publiques comme l’AFNOR (Association Françaises de Normalisation)  [4] ou l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité des Médicaments et des produits de santé) servent avant tout à donner un cadre légal aux fabricants pour l’établissement de normes privées. Les normes peuvent s’appliquer à des critères de fabrication de l’e-cigarette, comme la norme ISO 8317 [5] pour les flacons de e-liquides, qui spécifie les exigences et les méthodes d’essais relatives aux flacons d’e-liquide désignés comme résistant à l’ouverture par les enfants, mais aussi à la qualité ou la concentration en nicotine des e-liquides, fixé au maximum à 19,9 mg de nicotine par millilitre.

Des normes lentes à élaborer

Cependant, les autorités compétentes tardent souvent à légiférer. Les délais que mettent souvent les administrations à mettre en place une norme sur la cigarette électronique est souvent considérable. A titre d’exemple, l’Institut national de la consommation (INC) avait saisi l’Afnor en septembre 2013 après avoir montré que l’e-cigarette n’était pas sans danger pour le consommateur. Plusieurs pistes sont étudiées par l’Afnor [6], comme la définition des méthodes d’analyse de la vapeur ou la sécurité des fumées vis-à-vis des enfants. Certaines de ces normes sont toujours en cours d’élaboration. Il arrive également que les autorités compétentes ne tranchent volontairement pas sur un sujet qui fait débat, comme sur la définition à donner à la cigarette électronique (outil de consommation ou outil dérivé du tabac) afin d’éviter tout risque de conflits d’intérêts. Ce n’est pas le cas de l’Union Européenne, qui, depuis la directive européenne de février 2014, définit la cigarette électronique un produit affilié au tabac.

 

Cependant certains groupes d’acteurs comme le CACE (Collectif d’acteurs de la Cigarette Électronique) ne se limitent pas aux décisions prises par l’AFNOR, l’ANSM, ou les autorités européennes pour prôner de nouvelles mesures: cette association a par exemple anticipé sur l’accord européen du 3 décembre 2013 [7] pour prendre des initiatives complémentaires à celles déjà prévus par la directive européenne, comme l’harmonisation de l’étiquetage et des labels de qualités pour les produits respectant de strictes exigences.

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Bibliographie:

[1]-Interview de Bertrand Dautzenberg, Président de l’OFT

[2]- Interview de Stéphane Bouniol, Vice-président de l’AIDUCE

[3]-Interview d’un vendeur de cigarettes électroniques

[4]-Site Internet de l’Afnor, Communiqué de Presse, disponible sur http://www.afnor.org/groupe/espace-presse/les-communiques-de-presse/2014/avril-2014/cigarette-electronique-mobilisation-generale-pour-elaborer-des-normes-afnor, consulté le 15 avril 2014

[5]-cigaretteelec.fr, Site de vente en ligne de cigarettes électroniques, disponible sur http://www.cigaretteelec.fr/content/21-les-normes, consulté le 24 avril 2014

[6]-Pascale Santi, “Cigarettes électroniques : l’Afnor va plancher sur des normes de fabrication”, Le Monde, publié le 2 février 2014

[7]- AFP, “Vapotage: l’accord européen salué par les acteurs de l’e-cigarette en France”, publié le 18 décembre 2013

[8]-Alexandre Pouchard, « Cigarette électronique : Claude Evin favorable à l’interdiction dans les lieux publics » , Le Monde (site web), 7 Octobre 2013