Depuis les années 80 pendant lesquelles il était encore un néologisme dans la bouche du biologiste Thomas Lovejoy*, le terme biodiversité a vu sa définition être malmenée. Très utilisé par les médias, parfois peu rigoureux lors de son emploi, il convient de redéfinir clairement ce terme aux multiples facettes, et qui revêt un sens complexe.
De la manière la plus générale possible, la biodiversité désigne la variété du monde vivant dans son ensemble. Elle regroupe, synthétise et complète les classifications inter et intra-espèces recensées par les scientifiques du monde entier. La complexité et le nombre des phénomènes compris dans cette première définition ont poussé les experts à distinguer différents niveaux de biodiversité, explicités par la CBD (Convention on Biological Diversity)*, en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro. Ces derniers, tout en étant largement interdépendants, ne s’opposent pas mais se complètent pour décrire au mieux la réalité.*
La biodiversité génétique
La biodiversité génétique illustre les variations du patrimoine génétique entre les différents individus d’une espèce : c’est grâce à elle qu’il existe des hommes et des femmes, des blonds et des bruns, des petits et des grands… Ce type de biodiversité est particulièrement importante dans l’agriculture, qui même si elle repose le plus souvent sur la culture intensive d’une population composée d’individus génétiquement identiques, est plus efficace lorsqu’elle pratique le « mélange d’espèces »*.
Mais cette biodiversité traduit aussi une capacité de changement et d’adaptation des espèces au monde dans lequel elles vivent : sans une diversité des individus, pas de sélection naturelle. Un nouveau virus exploite une faiblesse dans le génotype d’une espèce, et c’est toute cette dernière qui disparait, ceci pouvant porter fortement préjudice, en revenant sur l’exemple précédent, à l’agriculture moderne.*
Elle est donc un enjeu économique majeur pour les recherches génétiques dans l’agro-alimentaire ou la médecine. La nécessité de sa préservation est critiquée par certaines ONG écologistes qui craignent le « brevetage du vivant », et l’abus d’organismes génétiquement modifiés.
De plus, la vision possiblement « connexionniste » de la biodiversité génétique conditionne la mesure d’un stock ou d’un flux.
La biodiversité spécifique
Comme son nom l’indique, elle fait état des différentes espèces qui peuplent notre monde. On a déjà recensé 1,7 millions d’espèces dans le monde, même s’il est très probable que ce chiffre soit sous-évalué. Les taxons les plus représentés sont les végétaux (14 %) et les coléoptères (ou insectes ailés, 24%). Les vertébrés, dont l’homme fait partie, ne représentent que 2,7% de la
biodiversité totale .
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Le nombre d’espèces présentes sur terre est un critère d’évaluation environnementale largement répandu parmi les écologistes, permettant d’établir des tendances globale de l’état de santé des milieux naturels. Ceci expliquant l’inquiétude dont font part les experts face à l’extinction massive des espèces qui dure depuis quelques décennies.
La biodiversité écosystémique
Si ces types de biodiversité témoignent d’un grand effort de recensement génétique et spécifique des espèces vivant sur terre, elles ne mettent pas en valeur les phénomènes d’interaction entre espèces. En effet, plongées dans un milieu, les populations qui le peuplent s’organisent, et articulent leur fonctionnement en un tout appelé écosystème. On parle alors de biodiversité écosystémique. L’étude de ces écosystèmes par les chercheurs s’avère très délicate, car il est difficile de déterminer les frontières étanches entre eux, rendant compliqué la définition même de ces derniers.
Les écosystèmes sont à l’origine de services vitaux ou utile pour l’être humain, appelés services écosystémiques. Tout comme leurs services associés, les écosystèmes sont cependant fragiles, les interactions entre espèces au sein d’un espace naturel entrainant généralement de nombreux phénomènes d’interdépendances:
- les abeilles butinent pour se nourrir et faire des réserves de miel pendant l’hiver ; mais c’est grâce à elles et au phénomène de pollinisation que les fleurs peuvent se reproduire en masse. La disparition d’un des acteurs compromet de ce fait grandement la survie du second -en supposant que dans le milieu décrit, il n’y ait qu’une espèce de fleur.
- d’une manière générale, l’extinction d’une espèce déséquilibre nécessairement la vie de tout un écosystème, mettant en péril toutes les autres populations qui le forment : dans les mers, poissons pélagiques (thons, sardines…) et méduses se nourissent de zooplanctons, et ces trois populations vivaient dans un état d’équilibre global. Mais alors que la surpêche thon fait rage, les médusent font face à une compétition de plus en plus restreinte. Exploitant naturellement cette aubaine, ces dernières envahissent maintenant de nombreuses mer du globe.
On remarque qu’une étude superficielle évince le plus souvent les biodiversités génétique et écosystémique, au profit de la traditionnelle biodiversité spécifique. En effet, on réfléchit souvent en « nombre d’espèces », afin d’avoir un indicateur objectif. Or on remarque que dans notre étude de l’évaluation économique de la biodiversité, on ne peut être exhaustif en se contentant de répertorier les espèces et leur donner un prix. Intégrées dans un milieu, la biodiversité écosystémique est génératrice de flux entre espèces, tout comme la biodiversité génétique.
C’est donc un objet dont la définition s’est complexifiée depuis son apparition qu’il s’agit de mesurer.
SUITE DU PARCOURS : LA NATURE, UN BIEN MARCHAND ? …