Peut-on concilier temps de la nature et temps de la mesure ?

Déterminer de manière précise l’impact environnemental d’un projet est une opération délicate, qui consiste à cerner l’ensemble des services et espèces provenant ou interagissant avec le milieu dont il est question. Mais comme la nature est dynamique et non statique, l’un des enjeux cruciaux est la définition claire des échelles temporelles de l’étude. Combien de temps doit-elle durer afin d’être au plus près d’avoir appréhendé la majorité des interactions entre les espèces et ce milieu ? Comment estimer la durée de l’impact environnemental d’un projet? Et par conséquent, si jamais une compensation est décidée, combien de temps un industriel est-il responsable de la compensation?

Le temps de l’étude : concilier rapidité industrielle et lenteur naturelle

Tout projet industriel d’une certaine ampleur est dans la nécessité de réaliser, préalablement à tous travaux entrepris, une étude d’impact (articles L. 122-1 à L. 122-3 et R. 122-1 à R. 122-16 du Code de l’Environnement), de manière à éviter toute conséquence néfaste pour l’environnement. Cette étude est très codée, et doit remplir un cahier des tâches défini dans le code de l’environnement  – puis modifié dans le grenelle II-  et est menée par un bureau d’étude, soit interne à l’entreprise, soit indépendant. Pour appréhender l’ensemble des phénomènes entrant en jeu dans les milieux concernés, et les espèces qui en dépendent, une telle étude devrait théoriquement durer le temps d’au moins un «cycle naturel». Dans les faits, la durée d’une étude d’impact est nettement inférieure à la durée d’un cycle de l’eau ou d’un cycle biologique, et les impacts sont donc évalués à un moment donné. D’après Jean-Christophe Benoit, de la CDC Biodiversité, «Un an c’est le minimum, après on peut augmenter le temps d’étude au cas par cas». Cette inadéquation entre temps naturel et temps de l’étude entraine plusieurs problèmes* :

  • Certains effets néfastes peuvent être omis, faisant de l’étude d’impact une borne inférieure des conséquences environnementales réelles.
  • Même une étude dont la réalisation prend seulement un an peut limiter considérablement la dynamique industrielle si cette dernière n’a pas été pensée pendant l’élaboration du projet.  « Les industriels voient ça comme une contrainte (…) c’est long, ça coûte cher, c’est compliqué…  Mais si c’est bien anticipé, bien pensé, au contraire, il vont s’éviter d’exploiter des zones à fort enjeu, et cela va leur éviter d’avoir des problèmes, de déposer des dossiers, et d’effectuer des mesures de compensation» d’après Jean-Cristophe Benoit.

Le temps de la compensation : comment est-il choisi ?

Une fois que l’étude d’impact est réalisée, comment estimer la durée des frais de compensation d’un industriel? Jusqu’à quand est il responsable des effets d’un projet sur l’environnement. De nombreuses plaintes ont été enregistrées, comme celle de GRTGaz, considérant que «Les fondements scientifiques du choix du coefficient de compensation et du choix de la durée ne lui sont pas expliqués. Il apparaissent donc, à juste titre ou non, comme arbitraires.»* Cette opacité dans l’estimation de la durée de la compensation peut elle aussi poser des complications :

  • D’une part, un projet peut ne pas être assez compensé, en raison de mesures trop courtes et donc pas effectives.
  • D’autre part, des explications plus claires à ce sujet fournies à l’entreprise s’occupant de la compensation faciliteraient la mise en oeuvre et l’acceptation de cette dernière .