Partant du constat que les industriels n’intègrent pas spontanément les coûts des dommages causés à l’environnement, l’Etat a mis au point, par la création de différentes taxes, un moyen de corriger ce comportement. Néanmoins, quand les retombées environnementales sont trop lourdes, ou que l’on s’attaque à une zone protégée, on verra que cette méthode est plus critiquée, et un projet peut être interdit, sauf si l’industriel parvient à compenser son impact énergétique en restaurant le milieu naturel détruit à un autre endroit. Quelles sont les zones d’actions et les limites de ces deux méthodes ? S’opposent-elles ou se complètent-elles ?
Les taxes environnementales
L’OCDE définit une taxe environnementale comme : « une taxe dont l’assiette est une unité physique (ou une approximation d’unité physique) de quelque chose qui a un impact négatif spécifique et avéré sur l’environnement ». Concrètement, une taxe estime la réparation financière qu’un industriel doit verser en réponse aux dommages qu’il a causé à l’environnement.
En France, les recettes issues des taxes environnementales atteignent 40 milliards d’euros, et touchent trois grands secteurs : la consommation énergétique, les transports et l’exploitation des ressources ou pollution. Cependant, les taxes issues de la pollution ne représentent qu’une faible partie du total, majoritairement issue de la consomation des énergies fossiles.
Cette répartition inégale s’explique aussi par les manques de dispositifs fiscaux concernant la destruction d’espaces biotiques. Ces derniers sont remplacés par une réglementation sévère incluant l’obligation de réaliser une étude d’impact et de passer par la désormais célèbre séquence « éviter – réduire – compenser». On peut remarquer que, d’une manière plus générale, ces taxes environnementales concernant la pollution ou l’exploitation quantitative de ressources considérées comme renouvelables. C’est par exemple le cas de l’utilisation des ressources en eau : au Pays bas la consommation et l’usage d’eau potable est imposé à 0,04 euros /m3. Sont taxés aussi l’émission de gaz à effets de serre, la création de déchets, l’émission de nitrates dans l’eau, et d’autres phénomènes qui peut être facilement quantifiés et donc imposés.
Les objectifs sont-ils atteints ? Les attentes et les dérives de ce système
Qui paye réellement ces taxes ?
On peut distinguer deux objectifs principaux de la fiscalité environnementale : d’une part, l’état cherche à conserver une forme de justice sociale, en faisant payer aux entreprises les dommages occasionés par les industriels à l’encontre de milieux ou de ressources bénéfiques à la collectivité dans son ensemble. Il s’agit, en termes plus techniques, de «résorber l’écart entre le coût privé et le coût pour la collectivité ». Mais qui paie vraiment ces taxes? Quand un industriel fait face à des charges trop élevées, il augmente le prix de ses services, ceci entraînant un transfert de coût des entreprises vers les ménages. Pour enrayer cette dynamique, et aussi certainement par intérêt pour l’attrait de la politique fiscale pour les industriels, l’Etat n’a d’autre choix que de diminuer les taxes réservées aux usages industriels des ressources naturelles. Ainsi, l’usage agricole et industriel d’eau sont imposés respectivement 4 et 9 fois moins que l’usage d’eau potable, qui s’élève à 0,04 euros /m3.
Incitation et affectation : deux vertus compatibles ?
Pour d’autres taxes environnementales, l’effet recherché peut aussi être de décourager les industriels à pratiquer certains usages très néfastes pour l’environnement. C’est ce qu’on appelle l’effet incitatif d’une taxe, que l’on retrouve par exemple dans les taxes françaises sur la mise en décharge, qui avait pour objectif d’éliminer cette option, trop polluante, de la palette des traitements de déchets. Si nombre de taxes environnementales ont ont été introduites pour contribuer au financement des dépenses publiques, les vertues incitatives de ces dernières les rendent malgré tout favorables à l’environnement.
Cependant, les gouvernements sont susceptibles de se heurter aux réticences de la population, qui peut voir d’un mauvais de nouvelles levées monétaires ne faisant qu’alimenter le budget général. Une réponse à ces oppostions peut être trouvée dans l’affectation, qui consiste à allouer les recettes prélevées pour résoudre les problèmes environnementaux dont la taxe en question est issue.
Cependant, l’incitation en elle-même mène l’affectation à sa perte : comme l’explique le rapport Persée, en reprenant l’exemple de la mise en décharge, les alternatives à cette pratique sont coûteuses et requièrent un apport financier public constant et durable. Le raffermissement des politiques anti-décharge a entrainée une nette baisse de rentrées monétaires issues de cette taxe, qui ne pouvait plus supporter les coûts d’innovation, ceci conduisant à abandonner l’affectation.
«La raison fondamentale est simple : il est en général impossible d’atteindre deux objectifs distincts avec un seul instrument»
Jean Phillipe Barde – Revue d’économie financière , vol. 66 p.119-134.
La taxe dite « environnementale » prend alors des allures de « droit de polluer », qui s’échange même depuis 2005 en France sur son propre marché. Si les prix sur ce marché ne sont pas assez élevés, les conséquences pour l’environnement sont désastreuses: non seulement la pollution n’est pas évitée, mais elle peut être recherchée comme un bien spéculatif. A première vue bizarre, c’est ce qui se passe sur le marché du carbone depuis la crise: une chute importante des cours a permis à des entreprises de racheter des « permis de pollution », ne les incitant ni à diminuer leur pollution ni à innover dans le renouvelable.*
La compensation
Le concept de la compensation environnementale est simple: l’entreprise s’engage à restaurer l’environnement qu’elle endommage ou détruit. Le choix de la compensation se veut une alternative moins « froide » à la taxation pure et dure, dont les limites ont été mises en avant.
Les modalités de la compensation sont cependant variables en fonction des politiques étatiques en place. Les Etats-Unis ont été les précurseurs dans la création de banques de compensation, qui organisent le processus et procèdent à l’évaluation.
Il est important de noter que la compensation peut questionner l’évaluation monétaire de la biodiversité: en effet, pour compenser, on peut penser l’évaluation monétaire superflue si elle n’est que point de référence. Alors compensation et taxation ne se complètent plus, mais l’une est la solution à l’autre.
Enfin, la compensation apparaît pour certains écologistes comme un ersatz de la taxation: si l’on considère comme la philosophe Virginie Maris * qu’un milieu n’est jamais reproductible à l’identique, notamment en un autre point de l’espace, alors la compensation est elle aussi un « droit de détruire ». Le géant minier brésilient Vale, l’un des plus gros pollueurs d’Amérique du Sud, se voit ainsi dédouané de ses responsabilités en replantant des millions d’hectares en Amazonie. Cependant, l’introduction d’eucalyptus à un endroit qui n’en a pas normalement a des conséquences désastreuses sur la biodiversité: comment choisir au mieux la compensation? C’est une question difficile.
Pour une explication détaillée des banques de compensation voir ici, et ici.