Un problème local ou un problème global?
D’un point de vue naturel : l’effet papillon
C’est parce qu’il existe des phénomènes naturels à chaque échelle spatiale, et qu’ils interagissent entre eux qu’il est très difficile de faire état de l’impact de la disparition d’un écosystème. Du fonctionnement d’une fourmilière aux dynamiques climatologiques, chaque interaction et milieu au sein du monde vivant peut avoir des conséquences à une échelle supérieure, où ont lieux d’autres phénomènes qui dépendent de celle-ci. On parle communément d’effet papillon pour décrire ces relations d’interdépendance, et quand la plus bénigne modification d’un écosystème peut mener à sa perte un macrocosme entier. Plus simplement, les controverses autour des champs dits « 100% Bio » montre bien que malgré la volonté d’un agriculteur de se convertir, sa dépendance à l’utilisation de produits chimiques par les agriculteurs voisins compromet son engagement.
Des conséquences industrielles : la lourde tache des bureaux d’études.
En partant de ce constat, il est très difficile d’estimer les conséquences d’un projet industriel sur un environnement. En effet, comment s’assurer des limites spatiales et de l’ampleur de l’impact d’une disparition d’un milieu naturel ? Heureusement, de tels effets peuvent être nuancés. Les espaces clefs résident là ou les flux sont les plus importants, près des mouvements fluviaux ou océaniques par exemple. La purification de l’eau perpétrée par les mangroves en Asie du sud-est est un exemple de service écosystémique dont la disparition serait source de graves conséquences.
Un autre obstacle dans l’évaluation de l’impact industriel d’un projet est la prise en compte d’un comportement similaire, mais adopté à une échelle plus grande. Une seule personne qui décide de ne pas trier ses déchets n’a en soi pas d’influence notable, mais si toute la population mondiale décide de ne plus trier, les conséquences environnementales seront désastreuses. Il en est de même pour les destructions de milieux naturels. Si détruire une zone humide aura des conséquences limitées, la disparition de la totalité des zones humides en France, qui ont un double rôle à la fois d’éponge et d’épurateur, inonderait totelemement le territoire français. Un bureau d’impact se doit ainsi d’estimer dans sont étude l’effet de la simple action envisagée dans le projet considére, mais aussi le résultat naturel de plusieurs projets similaires cumulés.
La dimension temporelle des phénomènes naturels est aussi à prendre en compte : en effet, estimer l’impact environnemental d’un projet necessite d’étendre l’étude au cycle naturel minimal : l’année. C’est pendant cette durée minimale que la majorité des conséquences futures seront prédites. Une telle durée, si elle n’est pas prise en compte en amont du projet, peut limiter considérablement la rapidité des progression, et ne contribue pas à améliorer la part faite à l’écologie par les industriels.
Un problème d’échelle pour les décideurs
S’il est difficile de trancher, lors du déroulement d’un projet, de son champ d’influence, alors il est encore plus difficile de trancher de ses responsables. En effet, quel doit être le niveau des décideurs? Imaginons, concrètement, un projet industriel.
Les premiers impactés par la destruction de la biodiversité seront certainement les collectivités locales, mais celles-ci ont peu d’influence légale sur le projet. Localement, les lobbyistes environnementaux pourront retarder la mise en place du site. Pour pallier le manque d’influence des collectivités locales, l’Etat peut agir au niveau national pour mettre en place une politique commune passant par l’évaluation de la biodiversité, notamment en proposant lui-même des indicateurs. Cependant, des décisions à l’échelle internationale, demandant une prise de conscience de l’interconnexion des écosystèmes, peuvent être encouragées, au travers des Nations Unies et de la TEEB par exemple.
De plus, l’évaluation de la biodiversité, pouvant résulter à donner un prix à un terrain donné, peut encourager comme aux Etats-Unis la propriété privée sur la nature*. Dès lors, si l’échelle d’action se résume aux frontières du terrain, c’est le propriétaire qui est seul responsable de sa préservation ou non de la biodiversité. Le risque existe alors d’une action dans l’intérêt personnel qui contredit l’intérêt général, en supposant que celui-ci soit la protection des écosystèmes globaux.
Les modalités de la compensation
Si, pendant le développement d’un projet industriel, il a été décidé de compenser une parcelle de terrain prochainement détruite, la question majeure devient alors : où compenser? Doit-on s’en tenir à une compensation de proximité, où il s’agira de recréer l’environnement détruit le plus proche de sa localisation d’origine ? Ou bien peut-on se permettre de compenser à un endroit quelconque, l’enjeu étant simplement de conserver le patrimoine naturel à l’échelle mondiale ? Tachons de comparer ces deux approches, dont les conséquences peuvent radicalement différer.
L’émergence des banques de compensation
Décider de délocaliser la compensation a impliqué dans certains pays la création d’un fonds de compensation, financé par les entreprises dont les projets s’attaqueraient à des zones protégées, et utilisé afin de financer des reconstructions d’habitats naturels dans d’autres régions. A l’état embryonnaire en France, de nombreuses « Banques de compensation » existent déjà en Amérique. En pratique, la délocalisation des projets reste limitée, chaque région ayant sa propre politique environnementale. Le bilan de ces banques reste mitigé. Outre la mauvaise mise en oeuvre des opération, les suivis insuffisants et un certain manque de maitrise technique du sujet, est reprochée la migration des zones à fort enjeu écologique des zones urbaines, où la pression industrielle est très forte, vers les régions rurales, ceci entrainant un découpage en deux du paysage écologique.
Le modèle français : une compensation qui se veut localisée et responsabilisante.
En France, la politique environnementale est radicalement différente. Le Grenelle 2008 a donné lieu à la création d’un « fonds de compensation pour la biodiversité », organisme de la Caisse des Dépôts, qui se charge de mettre en place des mesures compensatoires d’un projet industriel décidées par un bureau d’étude. Mais ces mesures doivent impérativement avoir lieu dans un périmètre restreint autour de la zone détruite. En effet, selon Jean Christophe Benoit, responsable des études et développement à la CDC biodiversité, le principe même de la compensation réside dans la proximité. La différence fondamentale entre la CDC biodiversité et les banques de compensation réside dans la part de responsabilité des différents acteurs : « Aux Etats-Unis, un maitre d’ouvrage peu se décharger de son obligation et vendre cela à une banque, qui prend la responsabilité de l’obligation de compensation. En France, le maitre d’ouvrage peut sous-traiter la mise en oeuvre de ses travaux, mais reste responsable. » Le modèle français devrait ainsi changer les mentalités des industriels vis à vis de l’aspect écologique d’un projet, afin que la protection des espaces naturels ne soit pas vu comme une tare apparaissant à la toute fin de la conception, mais un problème traité en amont. Face à l’investissement temporel et monétaire des mesures compensatoires, les entreprises chercherons à les éviter en incluant les contraites écologiques le plus tôt possible. « si c’est bien anticipé, bien pensé, au contraire, il vont s’éviter d’exploiter des zones à fort enjeu, et cela va leur éviter d’avoir des problèmes, de déposer des dossiers, et d’effectuer des mesures de compensation.»