Quels moyens de financement ?
Le schéma ci-dessous résume les différentes propositions (non exhaustives) de financement d’un Revenu de Base, émises par les différents acteurs de la controverse. Nous vous invitons à cliquer sur les noms des acteurs si vous souhaitez de plus amples informations sur eux, les acteurs notés en rouge sont ceux opposés à ce moyen de financement. Chaque type de financement est également développé sous le schéma.
Il existe une multitude de moyens pour financer le Revenu de Base. La plupart des chercheurs proposent de combiner plusieurs des modes de financement présentés ci-dessous. Le choix entre ces différentes propositions dépend des circonstances économiques et sociales du pays ainsi que de facteurs idéologiques. Par exemple, si dans les pays émergents la TVA permet d’être une alternative à une administration fiscale défaillante, dans des pays “développés” le recours à la TVA n’est pas toujours considéré comme nécessaire.
On peut discerner quatre grands types de financement. Le premier repose sur l’impôt traditionnel. Le deuxième s’appuie sur les ressources générées par la simplification du système fiscal. La troisième proposition se fonde sur la création monétaire. Enfin, le dernier type de financement est construit sur la redistribution d’un patrimoine commun.
Un financement par un l’impôt traditionnel
Ce type de financement est le moins controversé et fait l’objet d’un relatif consensus au sein des promoteurs du revenu de base.
Un impôt sur le revenu à taux fixe
Marc de Basquiat notamment, a modélisé ce type de financement. Tout le monde serait taxé de la même manière à un pourcentage fixe dès le premier euro gagné (il propose 23% pour financer un revenu de base à 450€/mois/adulte et 225€/mois/enfant). Cette proposition repose sur le principe d’égalité devant l’impôt: tout le monde reçoit et finance le Revenu de Base.
Philippe Van Parijs propose de mensualiser l’impôt sur le revenu pour éviter que les foyers les plus modestes se retrouvent en difficulté au moment du prélèvement. Il serait alors prélevé à la source comme l’est aujourd’hui la CSG. Cette optique s’intègre particulièrement dans une logique de solidarité et de lutte contre la pauvreté. Dans cette proposition seraient maintenues l’assurance chômage, l’assurance maladie et les caisses de retraites.
Bernard Friot propose également un impôt sur le revenu sous forme de taxation de tous les revenus. Son objectif est aussi de faire disparaître la notion de profit. Tous les revenus seraient prélevés puis redistribués sous la forme d’un Revenu de Base qui serait plus ou moins élevé selon les qualifications professionnelles, avec un écart maximum de un à quatre (le revenu de base le plus petit serait d’un montant de 1500 euros et le plus élevé atteindrait 6000 euros).
Cette vision est extrêmement controversée car elle est perçue comme reproduisant les inégalités. De plus, un Revenu de Base si élevé entraînerait une hausse de la consommation, or cela irait à l’encontre d’une des principales justifications à la mise en place d’un Revenu de Base : une remise en cause de la croissance.
Un impôt à taux progressif
Le taux d’imposition s’accroît avec le revenu. Le Revenu de Base serait alors financé particulièrement par les hauts revenus, tandis que son fonctionnement resterait le même que celui de l’impôt à taux fixe.
Critique: Le Conseil Fédéral Suisse insiste sur le fait que pour que le Revenu de Base soit viable, il faudrait un taux minimum de 40% de prélèvement.
Une cotisation sociale
Yoland Bresson propose la création d’un nouvelle taxe, sous forme de cotisation sociale sur le salaire.
Critique: L’économiste Fritz Scharpf défend l’idée que les individus seront beaucoup plus hostiles au Revenu de Base s’ils peuvent comparer directement combien ils payent pour son financement et combien ils reçoivent en contrepartie.
Une taxe sur la consommation
Une des propositions est d’augmenter la TVA jusqu’à 50%. Cette mesure permettrait d’alléger le coût du travail et aurait l’avantage de s’appliquer à tous. Elle s’intégrerait également dans une visée de non-incitation à la consommation et par la même occasion dans une réduction de l’empreinte écologique.
Critique: Baptiste Mylondo critique cette proposition. La TVA constitue selon lui un impôt dégressif puisque les plus riches peuvent épargner une plus grande partie de leur revenu et participeraient donc dans une moindre mesure au financement du Revenu de Base. De plus, si on fixe un Revenu de Base en fonction du niveau actuel des prix et qu’on élève ensuite les prix, celui-ci ne serait plus suffisant par rapport au niveau de vie souhaité.
Enfin, le maintien du revenu de base dépendrait alors de notre consommation ce qui est contraire à la volonté de réduire l’empreinte écologique.
Les gains issus de la simplification du système fiscal
Un autofinancement
C’est une approche notamment défendue par Baptiste Mylondo. Le revenu de base peut être financé grâce à la suppression de certaines prestations. Pour B.Mylondo, un revenu de base de 200€/adulte et 60€/enfant pourrait être financé en combinant les minimas sociaux (RSA, Allocation Spécifique de Solidarité, les bouses étudiantes, les allocations familiales, les aides au logement et les subventions à l’emploi).
Cependant B. Mylondo souhaite un Revenu de Base plus élevé. Il défend l’idée que le financement du Revenu de Base est un faux problème. En effet, mathématiquement parlant, il est toujours possible de verser à tout le monde 50 % du revenu médian quelque soit celui-ci. Si cette analyse est valable dans une perspective statique, aucun modèle dynamique ne l’appuie pour l’instant. Au lieu de parler de financement du Revenu de Base, Baptiste Mylondo préfère parler de « partage ». Ce choix s’explique en considérant le parti-pris idéologique qu’il véhicule, c’est-à-dire la décroissance et la réduction des inégalités.
« Le financement d’un revenu de base est un faux problème mais une vraie question. »
Une fusion de l’aide sociale, du système de chômage et de retraite dans un Revenu de Base
Le Revenu de Base, tel qu’il est conçu par les penseurs libéraux, est synonyme de simplification du système de redistribution des richesses (se référer à Libéraliser le marché du travail et le système socio-fiscal). La Revenu de Base pourrait ainsi être financé sans modifier le taux d’imposition actuel s’il se substitue aux allocations sociales.
« […] verser un RDB à l’ensemble de la population, n’est viable […] que si cela se substitue à toutes les autres formes de protection sociale (retraites, assurance maladie, assurance chômage, etc…) qui représentent une part très importante du PIB. »
C’est également la thèse défendue par Jacques Marseille. Ce dernier prône une fusion des aides sociales, des allocations chômage et des pensions de retraite. Le Revenu de Base atteindrait alors un montant estimé aux alentours de 600 €/mois.
Un financement par la création monétaire
Création monétaire classique
Comme “les crédits font les dépôts” (phrase popularisée par Hartley Withers et ayant le statut de quasi postulat en économie aujourd’hui): le Revenu de Base pourrait être financé par création monétaire. Les banques n’auraient alors plus la possibilité d’offrir du crédit arbitrairement mais seulement dans le cadre du Revenu de Base. Le volume de la masse monétaire serait alors plus stable. Aujourd’hui en Europe la masse monétaire (au sens large) augmente de 6% par an, si cela finançait un Revenu de Base il serait d’un montant de 150 € par mois par citoyen européen. Stanislas Jourdan notamment défend un financement par création monétaire dans l’article : Réinventer le système monétaire par le dividende universel.
Anatole Kalestky, économiste britannique propose également la création monétaire comme moyen de financement du Revenu de Base. Il défend le fait qu’au lieu de créer de la monnaie pour la reverser au système bancaire, il faudrait la donner directement aux consommateurs, ce qui permettrait de relancer la consommation.
Critique: Baptiste Mylondo dénonce le fait qu’un financement par création monétaire ferait l’économie d’un débat sur le partage des richesses alors que celui-ci lui apparaît comme nécessaire dans notre société.
Monnaies locales
C’est l’idée du MOC (Mouvement des Objecteurs de Croissance), présenté par Michel Lepesant. Le Revenu de Base serait versé en partie dans une monnaie locale. Cela permettrait notamment de relocaliser les échanges commerciaux. Une partie du revenu serait aussi versée en nature (bons de tirage pour l’eau, l’électricité, le gaz). Cela s’accompagnerait d’un droit absolu au logement, à l’éducation et à la santé.
Une redistribution d’un patrimoine commun
Cette proposition s’appuie sur l’idée d’une propriété commune des ressources de la terre. Le Revenu de Base pourrait être financé notamment via l’instauration d’une redevance carbone ou en captant les rentes générées par l’exploitation des énergies fossiles. Cette approche présente de nombreux avantages: en terme de justice les personnes ayant acquis un bien dont la valeur augmente financeraient le Revenu de Base en proportion de cette sur-valeur. Cela inciterait aussi à utiliser au maximum les propriétés foncières dans les zones denses (à louer un appartement non utilisé par exemple), le coût de ces propriétés augmentant avec le temps.
Ces formes de financement de Revenu de Base ont été mises en place dans plusieurs pays disposant de ressources pétrolières. C’est le cas de l’Alaska où chaque citoyen reçoit un revenu autour de 1500 $/an.
Critique: Redistribuer un patrimoine commun ne constitue pas pour Jean-Marie Harribey un moyen de financer le revenu de base. En effet :‘’c’est confondre stocks et flux, notions de base en économie. On ne verse jamais des revenus monétaires en prélevant sur le stock mais en les prélevant sur le flux engendré par l’activité courante.” On retrouve aussi la critique écologique d’un tel type de financement : le financement ne doit pas être dépendant du fait que les gens continuent à polluer.
Un impôt sur le patrimoine
Marc de Basquiat propose un unique impôt, à hauteur de 23%, sur tous les revenus. Cette mesure permettrait de taxer de façon identique les revenus du travail et les revenus du patrimoine, ce qui n’est pas le cas dans le système actuel. Cet impôt serait plus redistributif qu’un impôt sur le revenu car en France les inégalités de patrimoine sont encore plus fortes que les inégalités de revenu, comme le montre Thomas Piketty dans Le Capital au XXIème siècle.
Une taxation des ressources externes
Philippe Van Parijs distingue les ressources externes des ressources internes. Les capacités intrinsèques de l’individu (physiques et mentales) sont ses ressources internes. Toutes les autres ressources sont qualifiées d’externes.
Une répartition égale de la valeur de ces ressources revient à taxer à 100 % la valeur de tous les dons et legs et à répartir le produit de cette taxation sous la forme d’un revenu de base uniforme.
Une taxation du capital
Cette proposition se base sur l’idée que les gains de productivité ne profitent qu’aux entreprises les moins intenses en travail.
Critique:
Marc de Basquiat juge l’impôt sur les sociétés “anti-économique” car il décourage l’investissement.
Jean-Eric Hyafil s’oppose à cette idée à partir d’une analyse keynésienne des déterminants de l’investissement: “On pourrait se dire que taxer les bénéfices va décourager l’investissement. Ce qui est à la fois vrai et faux. C’est vrai si l’impôt sur les sociétés est vraiment élevé, ce qui n’est pas vraiment le cas. C’est faux dans la mesure où l’investissement n’est pas vraiment lié aux bénéfices, il est lié à la demande. Et c’est faux aussi pour toutes les entreprises monopolistiques parce qu’elles s’en fichent d’investir, elles sont déjà en situation de monopole.”
La dichotomie entre recettes et dépenses
A noter tout de même que selon certains économistes, le financement d’une mesure et la mesure en elle-même sont deux problématiques différentes. Il n’y a pas de lien entre les deux. En effet :
« Les mesures sont prises selon qu’elles sont ou non socialement optimales et de l’autre coté les taxes doivent être optimisées en fonction des distorsions qu’elles créent. […] Il y a une dichotomie entre recette fiscale et dépense»