La modélisation Marc De Basquiat
Dans son livre co-écrit avec Gaspard Koenig « LIBER, un revenu de liberté pour tous », Marc de Basquiat propose un impôt négatif, le LIBER, d’une hauteur de 450 euros pour les adultes et de 225 euros pour les enfants. Ce LIBER serait financé par la LIBERTAXE, un impôt sur les revenus à hauteur de 23%.
Marc de Basquiat pose d’abord un constat sur l’état actuel du système fiscal français et sur la nécessité de la simplification de ce dernier.
Pour déterminer le montant du LIBER et de la LIBERTAXE, il effectue une simulation à un niveau de fiscalité et de dépenses publiques constant grâce à un outil de mirco-simulation développé à partir de celui fourni par C.Landais, T.Piketty et E.Saez. La base de donnée utilisée regroupe environ 460 000 foyers sociaux représentatifs de la population française auxquels sont appliqués les principales règles fiscales et les calculs de prestations familiales paramétrés pour l’année 2013. Une fois le montant du LIBER et de la LIBERTAXE déterminés il compare les situations des différents types de ménages avant et après la mise en place du LIBER.
LE CONSTAT
Le système de transfert français se décompose en quatre grands types de transferts :
- Les Assurances sociales
- La Sécurité sociale universelle
- Les Aides sociales ciblées (Handicap, accès au logement, dépendance)
- La redistribution (Allocations familiales et minimas sociaux)
L’impôt négatif ne concerne que la « redistribution », les autres types de transferts ne sont pas modifiés.
Marc de Basquiat dresse une critique du fonctionnement actuel du système en s’appuyant sur un certains nombre de principes fiscaux formulés par Maurice Allais en 1999 dans Pour une réforme de la fiscalité.
Premier objectif du LIBER
« simplifier le maquis des allocations en substituant un mécanisme simple à l’enchevêtrement illisible des dispositifs actuels ».
Un exemple : Dans la catégorie des « transferts sans contrepartie » on distingue pour les personnes actives au minimum cinq mécanismes principaux conditionnels :
- Le CLCA (Complément de Libre-Choix d’Activité)
- le RSA socle et le RSA activité
- l’ARE (Allocation de Retour à l’Emploi)
- l’ASS (Allocation de Solidarité Spécifique)
- l’AAH (Allocation Adulte Handicapé).
La complexité et la diversité des aides rendent le système incompréhensible pour une grande partie des citoyens or selon Maurice Allais :
« L’impôt doit être prélevé suivant des principes simples, clairs, ne pouvant donné lieu à aucun arbitraire ».
Deuxième objectif du LIBER :
« Clarifier les sommes perçues et prélevées pour que chacun sache dans quelle mesure il contribue à la société ».
Les bulletins de paie français sont qualifiés d’ « incompréhensibles » c’est pourquoi M. De Basquiat les compare aux bulletins de paie anglais et allemands. Il remet également en cause la distinction entre les charges patronales et les charges salariales jugées sans « aucun sens économique ». Il existe deux types de cotisations : les cotisations contributives (qui donnent lieu à l’ouverture de droits en fonction du niveau accumulé ou de la durée) et les cotisations non-contributives (qui ne donnent lieu à aucune contrepartie spécifique pour le salarié).
Les cotisations non-contributives représentent entre 7% et 12% du salaire brut des bas salaires et jusqu’à 38% des salaires qui sont supérieurs à deux SMIC. Ce phénomène induit « implicitement un transfert important des hauts salaires vers les bas salaires. Ce fait est rarement évoqué ».
Troisième objectif du LIBER:
«égaliser les transferts, indépendamment de l’âge et de la nature des revenus.»
Il faut distinguer les transferts horizontaux (entre ménages de même revenu mais de conditions différentes) et les transferts verticaux (des ménages les plus riches vers les ménages les plus pauvres). Voyons la situation actuelle :
Source: LIBER, un revenu de liberté pour tous. Marc de Basquiat, Gaspard Koenig
Chaque point correspond à un foyer (personne seule ou un couple) avec ou sans enfants fiscalement à charge. Les points en dessous de l’axe des abscisses sont des contributeurs nets, ceux au-dessus sont des bénéficiaires nets. La ligne rouge représente les transferts verticaux, l’épaisseur de la bande caractérise les transferts horizontaux.
Marc De Basquiat se penche sur l’analyse des transferts horizontaux qui dépendent de trois critères qu’il isole : la composition des foyers, l’âge des bénéficiaires et la nature des revenus.
Selon la composition des foyers
Source: LIBER, un revenu de liberté pour tous. Marc de Basquiat, Gaspard Koenig
En bleu: familles avec un enfant. En vert : familles avec deux enfants. En orange : familles avec trois enfants. En rouge : familles avec au moins quatre enfants.
On constate que les familles à faibles revenus sont quasi-toutes bénéficiaires des transferts horizontaux. Pour les familles aux revenus élevés, une part significative des familles avec un ou deux enfants sont contributrices nettes. Les familles avec trois enfants ou plus sont bénéficiaires.
Selon l’âge et de l’activité
Source: LIBER, un revenu de liberté pour tous. Marc de Basquiat, Gaspard Koenig
Le centre du X allongé est positionné au niveau du SMIC.
- Branche 1 : bénéficiaires de l’ASPA (allocation de solidarité aux personnes âgées)
- Branche 2 : les jeunes de 18 à 25 ans qui sont exclus du RSA.
Donc « pour faire très vite, les jeunes payent pour les vieux »
- Branche 3 : Cette population rassemble « les bénéficiaires de rentes, retraites ou revenus du patrimoine »
- Branche 4 : Ce sont les revenus d’activité supérieurs à 1,6 SMIC.
Donc « pour faire très vite, les actifs payent pour les rentiers ».
Marc de Basquiat précise ce dernier point :
Source: LIBER, un revenu de liberté pour tous. Marc de Basquiat, Gaspard Koenig
Les foyers représentés par des points orange ne perçoivent pas de salaires mais une pension de retraite, une allocation chômage ou des revenus du patrimoine.
« La conclusion est sans appel : en France, à partir de 1500 euros de revenus, les actifs payent pour les rentiers ».
Marc de Basquiat conclut son analyse des transferts horizontaux de la façon suivante :
« On voit donc que les transferts horizontaux dépendent essentiellement de trois facteurs : la composition des foyers, ce qui présente une légitimité certaine ; l’âge des bénéficiaires des transferts, ce qui est discutable ; la nature des revenus, ce qui est difficilement justifiable »
Quatrième objectif du LIBER
« Lisser les transferts et annuler les effets de seuil »
Marc de Basquiat souligne l’impact de la mise en place d’un RSA activité pour éliminer « la trappe à inactivité » générée par le RSA socle. Cependant il met en avant l’existence d’une « trappe à smicard ». Voici comment il la présente :
« En effet, toute progression salariale à partir du SMIC s’accompagne d’une diminution puis d’une disparition des aides financières de l’Etat, ce qui décourage aussi bien le salarié que l’employeur ».
Source: LIBER, un revenu de liberté pour tous. Marc de Basquiat, Gaspard Koenig
« L’aide est maximale au niveau du SMIC, s’annule aux environs de 1,6 SMIC puis chute au niveau de 2,5 SMIC ».
L’objectif du LIBER serait donc de supprimer les trappes à inactivité.
Cinquième objectif du LIBER :
« couvrir les besoins de l’enfant indépendamment des ressources des parents »
Les aides versées aux familles relatives aux enfants se divisent en trois catégories :
- Les allocations familiales qui dépendent du rang et de l’âge de l’enfant
- Les prestations sous conditions de ressources (supplément RSA calculé selon la composition familiale)
- Le Quotient familial
Marc de Basquiat utilise un tableau qui recense les aides touchées par les parents pour mettre en avant les dysfonctionnements du système actuel :
Source: LIBER, un revenu de liberté pour tous. Marc de Basquiat, Gaspard Koenig
Ce tableau met en évidence le fait que le système socio-fiscal français aide plus les familles aisées que les familles issues de la classe moyenne.
Ainsi Marc de Basquiat et Gaspard Koenig proposent « de remplacer cet empilage de dispositifs peu lisibles par le versement d’un forfait par enfant, indépendamment de son rang dans la fratrie, notion de moins en moins pertinente du fait de la multiplication des familles recomposées ».
LES GRANDS PARAMÈTRES DU LIBER
Le LIBER répond à 5 objectifs et s’appuie sur trois principes : l’individu comme « cellule de base de la société », le calcul de l’aide « selon les besoins » et « l’égalité devant l’impôt ».
Premier principe : Individualisation
Le LIBER sera versé au résident : «l’impôt n’est pas lié à la citoyenneté, mais au financement de services dont on bénéficie en tant que résident d’un territoire ». Marc de Basquiat souligne que la distinction entre fiscalité et nationalité remonte à la Révolution et à la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Actuellement, les politiques considèrent l’individu au sein d’une communauté, la volonté de Marc de Basquiat et de Gaspard Koenig est de « rétablir l’individu autonome comme sujet ultime de la politique ». Ainsi, les enfants sont considérés comme des individus à part entière, les parents reçoivent « en leur nom » un LIBER enfant.
Un des bénéfices de l’individualisation des prélèvements, souligné par Marc de Basquiat, est qu’il « devient possible de calculer l’impôt dès la fiche de paie ». De plus la LIBERTAXE étant strictement proportionnelle, l’impôt peut-être « calculé indépendamment pour chaque source de revenu, sans nécessité de réconciliation en fin d’année ».
Deuxième principe : La détermination selon les besoins
Le but du LIBER est d’éradiquer la pauvreté, plus que d’agir sur les inégalités, or les indicateurs de la pauvreté en France s’appuient sur la pauvreté relative. Ainsi Marc de Basquiat conclut « Aucun indicateur officiel n’existe en France pour évaluer les besoins minimaux d’une personne ».
Pour estimer le montant nécessaire du LIBER, M.de Basquiat s’appuie sur le rapport 2009 du Secours Catholique qui utilise l’enquête « Budget des familles » 2006 de l’INSEE complétée par un relevé de 1163 budgets collectés par 58 délégations diocésaines du Secours Catholique auprès de familles.
Voici le calcul que réalise Marc de Basquiat, il isole d’abord les « nécessités dont le montant paraît incompressible pour une personne seule » : énergie et chauffage (55€), eau (20€), mutuelle et assurance (50€), impôts et taxes (30€). En ce qui concerne les nécessités plus élastiques, « nous les valoriserons à mi-chemin des montants indiqués pour une personne seule et la moitié du budget qu’y consacre un couple », on obtient : téléphone et internet (29€), transports (47€), alimentation (131€), habillement (22€). La somme de ces postes de dépenses de consommation actualisée pour 2014 (à 2%par an) est d’environ 450€. Le LIBER serait donc de 450€ pour un adulte.
Pour les enfants:
« nous nous limiterons à reconduire le montant moyen des transferts monétaires dont bénéficient les parents pour chacun de leurs enfants, soit 225 euros pas mois ».
Troisième principe : L’égalité devant l’impôt
Le crédit d’impôt – le LIBER- est accordé à tous et financé par un prélèvement simple (proportionnel) sur l’ensemble des revenus. « Tous les revenus doivent supporter le même taux de prélèvement obligatoire, quelles que soient leurs diverses natures ». Ce prélèvement est la LIBERTAXE, un impôt à taux constant dès le premier euro.
Source: LIBER, un revenu de liberté pour tous. Marc de Basquiat, Gaspard Koenig
«L’aspect parfaitement linéaire de la courbe élimine tous les effets de seuil, ne décourageant ni la reprise de l’activité, ni les hausses de salaires après le SMIC ».
Plusieurs mécanismes de transferts sont supprimés :
- L’IRPP (l’impôt sur le revenu actuel), la CSG et l’ensemble des cotisations sociales non contributives, les taxes sur les salaires, l’impôt sur les sociétés.
- Les exonérations fiscales et taux différenciés appliqués aux revenus du patrimoine.
- Le RSA, la prime pour l’emploi, l’ASS, l’ASPA, les bourses d’enseignement supérieur sur critères sociaux.
Plusieurs mécanismes actuels sont maintenus, une place toute particulière est faite aux aides au logement : « L’accès au logement relève d’une question de l’utilisation d’un patrimoine et ne peut se résoudre par des transferts monétaires qui, par nature, répondent à des besoins de consommation. »
MICROSIMULATION
Pour la microsimulation il est nécessaire d’identifier l’intégralité des revenus soumis au prélèvement. La simulation de Marc de Basquiat est basée sur l’ensemble des revenus des ménages, sans exception, avant prélèvements obligatoires. Le intérêts et revenus distribués des sociétés sont comptabilisés avant l’impôt sur les sociétés. Les cotisations aux assurances sociales sont exclues de la masse des revenus imposables.
Le résultat est le suivant : « le LIBER calculé pour l’ensemble de la population est de 450 euros pour 51 millions d’adultes et de 225 euros pour 15 millions de mineurs. Cette masse de 320 milliards d’euros par an peut être équilibrée par un prélèvement proportionnel de 23% des 1400 milliards de revenus imposables en 2014 (après élimination de toutes les exonérations qui fragilisent actuellement notre fiscalité) ».
Le financement de l’Objectif National de Dépenses d’Assurance Maladie (ONDAM) est assuré par la cotisation qui lui est dédiée (soit 13,55% des salaires bruts), par une partie de la CSG et par divers transferts fiscaux. L’ONDAM était de 175 milliards en 2013, un prélèvement de 12,5% sur l’ensemble des revenus permet de le financer. Marc de Basquiat ne se prononce pas sur le financement des autres services publics.
Source: LIBER, un revenu de liberté pour tous. Marc de Basquiat, Gaspard Koenig
« Le graphique illustre notre proposition de LIBER (en vert) calée sur la moyenne des transferts actuels, dont le nuage de points représentatifs apparaît en grisé. »
- 8,6 millions de familles (26%) payent un impôt positif supérieur à 100€ par mois, dont 1,8 million (6%) supérieur à 1000€ par mois.
- 5,8 millions de familles (18%) sont relativement neutres vis-à-vis du LIBER (entre 100€ d’impôt positif payé et 100€ d’impôt négatif perçu).
- 18,1 millions (56%) reçoivent un impôt négatif supérieur à 100€ par mois, dont 1,3 millions (4%) supérieur à 1000€ par mois.
« Pour simplifier, on trouve donc un quart de la population contributrice nette, un cinquième neutre et une bonne moitié récipiendaire nette […] La très grande majorité des salariés compte parmi les gagnants de cette simulation. »