Certaines discussions contemporaines en France cherchent à résoudre les mêmes problématiques que celles auxquelles s’adresse la Big Society : responsabilisation des citoyens, libération de l’esprit entrepreneurial, mais aussi réduction des dépenses publiques. Qu’est-ce que la France peut apprendre de la Big Society ? Quelles points communs ou différences entre les actions qu’elle mène et le projet de Cameron ?
Une volonté d’ouvrir le débat
Le Commissariat général à la stratégie et à la prospective a publié une note, dans laquelle il insiste sur la nécessité d’associer les citoyens au processus de réduction des dépenses publiques, « en les informant d’une part, et d’autre part en ouvrant le débat sur les compétences actuellement dévolues aux administrations publiques et qui pourraient l’être à la société civile », débat que Cameron a ouvert en Angleterre avec la Big Society (Contribuables Associés, 2014).
Nombreux sont les acteurs qui demandent à ce que ce débat soit plus ouvert, malgré la tradition de l’État-Providence et de la centralisation en France.
Ainsi, Mme Nadia Bellaoui, présidente du Mouvement Associatif, propose :
Je ne crois pas qu’il y ait en France de tentations réelles – au-delà de quelques individualités – d’instituer une Big Society où l’on abandonnerait la centralité de l’État pour se doter, dans une période de crise des finances publiques, d’une sous-fonction publique. Il y a plutôt une certaine incapacité à imaginer autre chose que des services publics pensés par le haut et déployés sur des territoires, à parier sur la capacité d’innovation sociale et d’initiative issue du terrain et de la société elle-même, et une inquiétude de voir les citoyens s’auto-organiser dans une relation peut-être conflictuelle avec le pouvoir. […] Lorsque l’on questionne les citoyens, ils n’hésitent pas longtemps : selon eux, en dehors du vote, l’essentiel de l’engagement passe par les associations. (Assemblée Nationale, 2015)
Une prise de risque ?
Dans cette même recherche d’une dynamique partant des citoyens, Olivier de Guerre, président de la société d’investissements philanthropique PhiTrust, souligne que de nombreuses initiatives probantes existent déjà en France. Ainsi, les écoles Montessori affichent de très bons résultats, les entreprises d’insertion traitent le chômage par l’accompagnement des demandeurs d’emploi ou encore l’école de formation interne à Veolia favorise la mobilité de ses employés. Ces choix quotidiens faits par la population, ces initiatives d’acteurs locaux montrent que la France a la capacité d’innovation. En revanche, il dénonce la « peur » de l’exécutif à les généraliser (de Guerre, 2016)
En effet, mettre en place un service publique participatif nécessite une forte volonté politique. Iain Begg, professeur à la London School of Economics, insiste en effet sur la nécessité d’un volontarisme politique pour la mise en place d’un investissement social. Cela représente un risque politique du fait de la difficulté à garantir des résultats ou un rendement pour l’action sociale. C’est ce risque que David Cameron a pris avec la Big Society :
Renforcer « le capital humain productif », décentraliser les interventions publiques, favoriser la diversité des approches et « l’innovation par le bas » en matière d’inclusion sociale, responsabiliser et accompagner les individus sont la clé de voûte de la stratégie britannique. (Mareuge, 2016)
Or, Jean-Marc Daniel comme Olivier de Guerre déplorent une frilosité du pouvoir politique français (de Guerre, 2016 ; Daniel, 2016). Cela couplé à un pouvoir très centralisé en France empêche les initiatives locales de se généraliser. Agnès Verdier-Molinié du think-tank iFRAP (Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques) recommande de réorganiser les fonctions de l’État.
L’avenir du modèle social français n’est plus dans de multiples mesures de béquilles sociales mais dans une redéfinition du périmètre public à l’instar de ce que fait le gouvernement Cameron avec la Big Society. (Verdier-Molinié, 2010)
Des pistes pour commencer
Elle suggère de ne pas tenir coûte que coûte à l’uniformisation du service public (par exemple au niveau de l’Éducation Nationale). Il vaudrait mieux avoir recours à une diversité des offres et à différents prestataires. Pour Eudoxe Denis, cela permettrait de prendre comme point de départ le problème lui-même – à savoir : les inégalités sociales – pour tendre vers sa solution (Denis, 2016).
Si ce n’est pas le politique, la digitalisation peut être un moyen favoriser les initiatives locales.
En effet, selon Olivier de Guerre, la Big Society à la française peut aussi venir par la digitalisation, un nouveau moyen de créer des dynamiques la population (de Guerre, 2016). Sir John Bird souligne également l’apport des nouveaux moyens de communication et de la digitalisation des services : non seulement est-il plus facile d’entrer en relation avec d’autres personnes, mais les services numériques font aussi participer les citoyens à l’évaluation des services dont ils bénéficient. Nombreux sont les systèmes de notations en ligne qui permettent aux citoyens de faire valoir leur vision d’un service efficace (Bird, 2016) – l’appliquer aux services publics serait un moyen simple de faire valoir l’avis des citoyens.