Le rôle de l’Etat

   La question jette un froid sur la discussion, et un silence gêné s’installe. Laura se mord les lèvres. Peut-être que le terme « en difficulté » était un peu fort ? Visiblement, Paul accuse le coup. D’un geste rageur, il donne un coup de pied dans une motte de terre.

    « Tu penses qu’on est des assistés, c’est ça ? Qu’on survit en mendiant de l’argent au gouvernement ?

    – Ce n’est pas du tout ce que je voulais dire ! J’en ai juste entendu parler à la radio » se justifie Laura.

    Son frère prend une grande respiration, puis soupire.

Paul : « Ceci dit, c’est vrai que sans subventions, on s’en sortirait pas. »


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Manifestation d’éleveurs laitiers le 2 juillet 2015 à Rennes. DAMIEN MEYER/AFP

    C’est pour tenter de pallier à ces difficultés que des subventions pour les exploitations d’élevage ont été mises en place à la fois à l’échelle européenne et à l’échelle française dès les années 1970. Les aides de la PAC peuvent être plus importantes que le revenu, ce qui signifie que sans ces aides, les exploitations agricoles seraient en faillite. En 2006, elles représentaient 138 % du revenu avant impôt dans les exploitations céréalières, 146 % dans les exploitations bovines viande et 120 % dans les exploitations combinant l’agriculture et l’élevage. Autre manière de le dire, en 2006, le revenu des agriculteurs français reposait à hauteur de 77 % sur les subventions publiques. Et malgré ces subventions, la survie financière des éleveurs est souvent précaire.

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Laura : « Mais ça ne suffit pas? »

Paul : « Le problème est surtout que l’argent est bizarrement réparti… »

    Les aides reçues sont très importantes. Ainsi, pour l’année 2011, les exploitations agricoles françaises ont reçu un total de 9.3 milliards d’euros d’aide de la PAC (Politique Agricole Commune). Cependant, un grand nombre d’éleveurs dénoncent la répartition des subventions européennes, qui favoriserait selon eux certains secteurs par rapport à d’autres. Les subventions vont-elles aux exploitations qui en ont le plus besoin ?

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    On peut d’abord noter une forte disparité des revenus selon les secteurs concernés par les subventions européennes (qui ne concernent pas que l’élevage). Ainsi, les céréaliers génèrent en moyenne un résultat bien supérieur à celui des éleveurs, et parmi ces derniers, les mieux lotis sont les éleveurs de porc. Pourtant, une grande part des aides est allouée aux agriculteurs céréaliers, qui ont touché globalement près de 40% de l’ensemble des aides. De plus, en 2011 en France, 40% des exploitations ont reçu 80% des aides.

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   Dit autrement, ce sont souvent les exploitations les plus grosses, et donc les plus à même de survivre à la crise, qui absorbent l’essentiel des subventions. On peut ainsi noter que les plus gros bénéficiaires de la PAC en France en 2013 sont de grandes sociétés (Doux, sucrières…) voire des ONG.

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